mercredi 5 juillet 2017 - par venezuelainfos

Venezuela : la droite accélère le tempo du coup d’Etat

Par Marco Teruggi, depuis Caracas.

La droite accélère le temps, resserre chacune des variables, tente de briser la corrélation de forces, veut le coup d’État. Elle l’a annoncé : elle a les mois de juin et de juillet pour atteindre son objectif. Elle a expliqué que, sur base de l’article 350 de la Constitution, elle refusera de reconnaître le gouvernement, l’élection d’une Assemblée Constituante et organisera une riposte violente pour empêcher la population d’exercer son droit au suffrage le 30 juillet.

Ce discours s’est traduit par l’intensification du conflit entre pouvoirs d’État à travers les actions de la Procureure générale de la République et de l’Assemblée Nationale (opposés au gouvernement bolivarien), les tentatives de déclaration contre le Venezuela sans guère de succès de l’Organisation des États Américains (OEA, organisme historiquement pro-Washington), la pression des grands médias (majoritairement opposés au gouvernement, tant au Venezuela qu’à l’étranger) (1), la terreur de rue (qui reprend certaines techniques de l’État Islamique) et les attaques contre les corps de sécurité de l’État, en particulier contre les Forces Armées Nationales Bolivariennes (FANB).

Ce scénario violent a connu de nouveaux développements ces dernières semaines. Il est caractérisé par l’attaque systématique à la base militaire de La Carlota à Caracas, dans le but de démoraliser et de diviser les forces armées, la présence de quelques foyers de violence à proximité du Palais présidentiel de de Miraflores et la réapparition d’une violence destructrice contre des ministères, institutions publiques ou sièges du Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV, chaviste) mais aussi des commerces privés, comme cela s’est produit au début de la semaine à Maracay où ont été détruits 40 établissements publics ou privés. Un schéma similaire à celui utilisé dans plus de dix localités du pays dans les semaines antérieures.

Le nouveau point d’inflexion s’est produit ce mardi : l’attaque – depuis un hélicoptère volé dans la base aérienne de La Carlota – du Ministère de l’Intérieur avec quinze tirs, et du Tribunal Suprême de Justice avec quatre grenades d’origine colombienne et de fabrication israélienne – l’une d’elles n’a pas explosé. A seulement quelques pâtés de Miraflores, dans le centre politique du Venezuela.

Le nouveau héros de l’opposition vénézuélienne : le « supercop » Oscar Perez, auteur de deux attentats menés depuis un hélicoptère, contre le Ministère de l’Intérieur et le Tribunal Suprême de Justice, appelant les forces armées au coup d’État contre le « totalitarisme bolivarien ». Ci-dessous : posant pour la postérité.

Ce fait a eu un impact symbolique tant dans les files de la droite qu’au sein du chavisme : dans le premier cas, accompagné de rumeurs répandues sur tous les réseaux sociaux il a généré la sensation de l’imminence de l’objectif final et d’un pouvoir propre – finalement « les forces armées bolivariennes ont entendu l’appel au coup d’État ». Dans le cas du chavisme l’impact est venu de la frontalité de cette action et a confirmé, si besoin en était, la réalité d’une tentative de coup d’État en cours, qui vit ses heures décisives.

***

La droite possède une force suffisante pour imposer la terreur à des localités pendant plusieurs jours, attaquer des casernes et des commissariats, déclencher une haine politique et de classe qui a fait du lynchage de chavistes une pratique récurrente, maintenir des mobilisations presque quotidiennes avec un nombre relativement stable, générer des situations qui peuvent se transformer en destructions et pillages presque-généraux, mener des incursions à travers des bandes de délinquants dans les quartiers populaires pour y monter des barricades, attaquer avec des grenades des institutions de l’État, faire plier certains cadres du chavisme comme la Procureure Générale de la République pour la faire passer de son côté, assassiner des personnes et arriver à faire croire à une partie de la population qu’elles ont été tuées par le gouvernement (1).

Elle peut tout cela et dans les jours prochains nous verrons, ce dont elle est capable en plus de tout cela. Il lui manque cependant deux éléments nécessaires au succès d’un coup d’État : des quartiers populaires mobilisés derrière ses appels, et une fracture des forces armées. Le défi central sur lequel elle travaille avec le plus de force aujourd’hui est d’obtenir cette fracture tant dans les forces armées que dans d’autres secteurs du gouvernement. Elle en a besoin pour surmonter le match nul qu’on vit depuis des mois. C’est pour cela qu’elle augmente le niveau de violence, qu’elle focalise les attaques contre les corps de sécurité, assassine des policiers et des gardes nationaux, et use de la terreur comme méthode de contrôle social (2).

L’appui états-unien est déjà en marche à travers la pression internationale (OEA, médias..) et le financement de la droite, soit directement aux partis soit indirectement à travers des ONGs qui canalisent cet argent pour soutenir les pressions violentes dans la rue et l’entraînement de cellules paramilitaires. L’intervention existe déjà, sous les cordes. Prendra-t-elle une autre forme ?

***

La droite accélère le tempo mais, en même temps, ne peut cacher son désespoir. Elle détruit, tue, réussit des « coups » sans atteindre l’objectif final. Elle accède a des objectifs intermédiaires tels que soumettre des localités entières a la violence, déconstruire des liens sociaux, légitimer la persécution – qu’elle a planifié dans son projet si elle redevient gouvernement – contre le chavisme à tous les niveaux. Au cours des mois le pays change, assimile de manière invisible les coups, la haine, la peur, la méfiance, éléments à la « colombienne » dont la droite a besoin pour tenter son plan de remise à zéro violente du pays. (2)

Il est enfin nécessaire de souligner l’autre facteur, omniprésent et invisible, qui imprègne les préoccupations quotidiennes, les possibilités de résistance ou de rupture : l’économie. Ces dernières semaines, la situation a empiré avec la hausse des prix, du dollar illégal – qui est celui qui fixe les prix -, le retour en rayon de la plupart des aliments mais à un prix très élevé, la difficulté persistance d’accéder à des produits vitaux comme les médicaments. Cette attaque n’a rien du hasard, elle fait partie de la pression pour asphyxier, pour priver la population de toute issue de secours.

La réalité populaire vénézuélienne reflue sur certaines lignes qu’elle avait conquises. Cela génère des conditions propices au plan de pillages et de dépolitisation impulsé par la droite. Renverser cette tendance est le défi que n’arrive pas a résoudre la direction du chavisme. C’est là son nœud le plus critique, le débat non résolu.

Nous vivons des jours et des semaines définitives. Ce qui s’est passé cette semaine sont des étapes de l’escalade de la violence de l’opposition, d’actions armées dirigées par des paramilitaires, des groupes de délinquants associés aux dirigeants de la droite, des zones obscures des forces de sécurité (3). Il y aura de plus en plus de morts, car tel est le plan de de la droite : un « maintenant ou jamais » qui veut pousser une société à un désastre fait de violences psychique et physique. L’opposition va mettre toute la pression pour ouvrir enfin les portes de la revanche historique dont rêvent depuis si longtemps les classes dominantes vénézuéliennes, latino-américaines et états-uniennes.

Le Venezuela vit son heure critique. Chaque jour compte.

NdT :

  1. Voir https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/03/12/thomas-cluzel-ou-linterdiction-dinformer-sur-france-culture/. Rappelons que les titres des médias français ne sont pas le fruit d’enquêtes ou d’informations directes du terrain mais la reprise de ce que disent les médias d’opposition vénézuéliens (majoritaires en radio, télévision, presse écrite et réseaux sociaux) ou états-uniens.
  2. Les guarimbas (barrages violents des voies de circulation organisés par des commandos de la droite) incarnent le retour au moyen âge du paramilitarisme colombien : les conducteurs ne peuvent passer que moyennant un péage aux auteurs du barrage.
  3. Dont on a un exemple dans la figure du « chavisme critique » Miguel Rodriguez Torres, militaire et ex-ministre de l’Intérieur, qui vient de reconnaître publiquement ses liens avec la CIA.

Source : https://notasperiodismopopular.com.ar/2017/06/27/derecha-acelera-tiempo-golpe-estado-venezuela/

Traduction : Thierry Deronne

URL de cet article : http://wp.me/p2ahp2-2J5



8 réactions


  • La mouche du coche La mouche du coche 5 juillet 2017 09:58

    Article incompréhensible qui a peut-être une visée de propagande pro-américaine. Appelez un chat un chat. Votre « droite » n’existe pas : seul existe le pouvoir américain.


  • Emma Joritaire 5 juillet 2017 10:12

    Ton Venezuela, on commence à saturer !

    Tu nous a expliqué qu’il y a 2 % de fachos, et assimilés, à la botte de Washington, contre les 98 % de gens normaux qui, eux, sont chavistes. Alors, les 98 % vont écraser les 2 % comme des cancrelats, car el pueblo, unido, jamàs sera vencido

    Alors, en attendant cette inéluctable issue, parle-nous plutôt des gonzesses de là-bas. Pour les non informés, je orécise que le Venezuela, (44e pays mondial pour la population, 30 mios d’hab) a remporté 6 fois la couronne de Miss Monde et 7 fois celle de Miss Univers,

    C’est forcément significatif de quelque chose, Et, on peut aller regarder les photos, il n’y a pas un seul thon dont on pourrait penser que l’élection a été obtenue à coups de dessous de table et de pots-de-vin, par les bourgeois locaux corrompus et et anti-patriotes.


    • Lugsama Lugsama 6 juillet 2017 17:46

      @Emma Joritaire

      Les miss sud-américaines ont aussi généralement droit d’avoir eu recours à la chirurgie esthétique, contrairement à la France. En tout cas c’est ce que je dit à ma petite amie vénézuélienne pour qu’elle ne choppe pas la grosse tête. :)

  • Javascript Javascript 5 juillet 2017 10:48

    Voila longtemps que je n’étais pas venu sur Agoravox et je constate que le niveau des commentaires est tombé à celui des lecteurs de l’Immonde ou du Fig,

    J’en regretterai presque Rocla, c’est dire......


  • eric 5 juillet 2017 11:24

    Les chavistes nous racontent que le Venezuela est un parangon de toutes les vertues democratiques. Notamment avec des elections celebrees par Jimmy Carter comme les plus democratiques du monde (voir loghorees precedentes). l’opposition a receuilli 56% des voix aux dernieres legislatives. Elle dispose donc de la legimite democratique pour diriger le pays et l’Etat. La presence persistante de chavistes dans les rouages publics s’apparente donc clairement a un coup de force totalitaire fascisant. Pas etonnant. On parle de gens pour lequels l’origine des grenades a un sens politique si elles sont produites en Israel.... ! On savait que pas mal de Nazis avaient fuit en amerique du sud. La comparaison entre le programme du NSDAP et celui des bolivarien montre qu’ils n’ont pas ete perdus pour tous le monde. Socialistes nationalistes ou bolivariens, une meme cacha.....Le peuple finira par avoir raison de ces dictateurs. Pas parce qu’il a toujours raison. Non ! Que peut il contre ces infames qui on l’immonde courage de faire tirer sur leur propre peuple ? Mais parce qu’entre leur gestion desastreuse et les cours du petrole, ils n’auront sans dout plus longtemps les moyens de payer leurs milices de la mort.


  • eric 5 juillet 2017 11:36

    Le peuple venezueliens saura se debarasser des chavistes, suppots desormais averes de l’imperialisme americain. Ainsi que l’avoue maladroitement cet article, leur ex ministre de l’interieur ne viendrait il pas d’admettre qu’il bossait pour la CIA ? Les chiens n’enfantent pas des chats, et quand on sait ce qu’est un ministre de l’interieur chaviste, on peut supputer l’epuration qu’on du subir les vrais patriotes venezueliens. Non content d’etre des socio traitres, les chavistes s’averent etre des traitres tout court, au service de l’etranger... D’un autre cote, doit on les croire ? Les cocos sovietiques accuserent Beria d’etre un agent anglais pour s’en debarasser....Le recul historiques, incite a penser que quand les staliniens s’accusent les uns les autres d’etre des traitres, c’est qu’ils sont proche de la fin. C’est aussi comme cela que le terroriste Robespierre est tombe. Cette « discorde chez l’ennemi », constitue donc peut etre un element d’espoir pour ce pauvre pays, devaste et mis en coupe reglee par les elites bolivarinnes avides.


    • symbiosis symbiosis 5 juillet 2017 12:43

      @eric
      Joli sac de nœuds, comme commentaire. Vous arrivez à peu près à comprendre ce que vous avez dit ?


    • eric 5 juillet 2017 13:40

      @symbiosis

      Bien sur ! Dans les cours de recreation, on apelle cela, « c’est celui qui l’dit qui y est ! ». C’est de la rethorique bolivarienne remise a l’endroit.


Réagir