mercredi 11 mai 2016 - par fatizo

Antoine Leiris. Les « ambassadeurs du destin » n’auront pas sa haine

 Face au flot de louanges qui a suivi l'intervention d'Antoine Leiris dans ONPC samedi dernier, j'ai voulu revenir sur les nombreux points qui m'ont mis mal à l'aise lors de cet entretien.

Il y a tout d'abord le fait qu'il a tenu en permanence à minimiser l'acte des terroristes, en disant qu'ils ne sont que les ambassadeurs du destin. J'avoue que j'ai eu beaucoup de mal à accepter ce discours.

Pour lui, cela aurait pu être un cancer, un accident, le destin a voulu que ce soit des terroristes. (D'ailleurs Yann Moix saura lui rappeler en disant que le platane ne choisit pas sa voiture).

Bien sur, il veut préserver sa petite famille (lui et son fils). C'est même le seul argument recevable. Mais alors qu'il ne parle pas de destin, qu'il dise uniquement "pour protéger mon fils, je refuse de sombrer dans la haine point".

Car en parlant "d'ambassadeurs du destin", il minimise avant tout l'acte terroriste qui lui a enlevé son épouse.

Les bourreaux qui ont massacré à travers l'histoire étaient-ils des "ambassadeurs du destin". L'expression est terriblement malheureuse. 

Comment ne pas voir dans son attitude un besoin permanent de minimiser l'acte odieux.

Ne jamais appeler la barbarie par son nom, l'islamisme. L'assimiler à un coup du destin. 

Il n'aura échapper à personne qu'au delà de son "Vous n'aurez pas a haine", Leiris ne nomme jamais les choses, il reste en permanence à distance des actes des criminels.

En tenant absolument à mettre ça sur le compte du destin, tout en refusant de parler de terroristes et d'islamistes, Leiris n'est-il pas là dans une sorte de religion de l'anti-racisme qui pousse une certaine gauche à refuser de voir le monde de 2016 tel qu'il est.

N'est-il pas, telle une Clémentine Autain qui n'admet pas qu'un musulman puisse agresser des femmes à Cologne, dans cette croyance qui oblige à penser qu'un musulman ne peut faire le mal. Et en rejetant cette faute sur le destin, n'a-t-il pas trouvé le subterfuge idéal pour réussir le miracle de garder intacte sa foi extrême pour l'anti-racisme, et aussi l'amour pour sa femme. 

Et ce terme "d'ambassadeurs du destin", c'est totalement ahurissant. Comme s'il tenait à donner un titre aux assassins de sa femmes.

Lorsqu'Eric Zemmour parle de féminisation de la société pour expliquer le comportement de Leiris, je pense qu'il est dans le vrai. Par contre, cet argument n'est pas suffisant pour expliquer l'attitude de l'auteur.

Des intellectuels expliquent très justement, que n'ayant pas connu la guerre depuis plus de 70 ans, nous ne savons plus réagir lorsque la barbarie se présente face à nous.

Nous défilons, nous continuons à vouloir vivre normalement, nous débattons, nous allumons des petites bougies, nous disons "même pas peur". 

Et si justement ! Nous avons peur de les affronter. Nous trouvons une multitude d'excuses pour ne pas agir. 

Année après année, nous voyons des quartiers entiers de nos villes se transformer mais nous trouvons toujours de beaux esprits pour le minimiser. 

Alors, que faut-il faire ?

La culture comme nous dit Leiris.

Oui, bien sur, mais des millions de gens dans ce pays possèdent une culture limitée, et ils sont aussi les forces vives de ce pays. A contrario, il existe des gens cultivés qui véhiculent des idées nauséabondes. 

Oui à la culture, à l'éducation, mais il faut y ajouter le respect de la loi, et surtout la fermeté pour ceux qui la bafouent. Une règle essentielle qui n’apparaît pas dans le discours de notre auteur, c'est bien dommage.

Je n'ai pas de haine contre les tueurs, mais je viens dire ce qu'il faut faire. 

Désir d'élévation en parlant de sa lettre. Il y a tout de même une forme de prétention dans son attitude.

Oui, il vient nous parler de l'amour pour sa femme. Mais celui qui reste chez lui, qui n'éprouve pas le besoin de se répandre dans les médias, aime-t-il moins que lui ?

Son témoignage me met mal à l'aise. J'ai le sentiment qu'il est parfois sur le fil du rasoir, qu'il n'est pas loin de franchir la ligne rouge qui mène à l'indécence.

A un moment, suite à une intervention de Pascal Prau, il dit qu'il regrette que tout le monde soit au courant.

Mais alors pourquoi ce livre, pourquoi continuer après sa lettre de novembre dernier ?

Et puis Monsieur Leiris est tout de même journaliste. Il sait très bien comment fonctionne le monde des médias.

Pas de critiques contre les terroristes, mais d'après lui Manuel Valls devrait lire un peu plus de livres ou regarder des films.

Voilà notre ami qui fait enfin la morale.

Et puis quels livres, quels films ? 

Monsieur enfile les perles mais ne propose rien de concret.

Par contre, je peux lui conseiller un film qui lui permettra de voir ce qu'il advient lorsqu'on refuse de nommer les choses par leur nom, ou pire de les voir telle qu'elles sont.

Il s'agit d'un film d'Alfred Hitchcock de 1938, "Une femme disparaît".

L'histoire

"Dans un train en provenance d'Europe Centrale, Iris Henderson voyage en compagnie de Miss Froy, une vieille dame britannique comme elle, dont elle a fait connaissance dans un hôtel la veille. Au cours du voyage, Miss Froy disparaît mystérieusement. La jeune femme s’inquiète, mais personne ne veut la croire et l'on tente de la convaincre qu'elle a tout imaginé."

1938 est l’année où l’Histoire bascule, où faire l’autruche n’est plus possible en Europe. Hitchcock pose alors la question, êtes-vous suffisamment intrigué par cette femme disparue ou bien, comme ces deux anglais, êtes-vous plus intéressé par le prochain match de criquet ?

On voit aussi dans le final des voyageurs bien naïfs essayer de parlementer avec les tueurs.

Le pacifisme de l'un d'entre eux le conduira à la mort.

(Vous comprendrez l'essentiel en visionnant à partir de 1heure 15)

Il est évident que dans ce film, Alfred Hitchock, vient ici dénoncer l'esprit munichois. 

Comme le dira Wiston Churchill :

"Vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre."

"Vous n'aurez pas ma haine" nous dit l'auteur, mais sait-il qu'entre la haine et le "destin" il existe une palette très large qui peut aller de l'indignation à la résistance par exemple.

Puisqu'on parle de Résistance, est-ce que De Gaulle et Jean Moulin étaient moins cultivés que notre auteur ?

Oui, la culture n'empêche en rien l'action et le combat lorsqu'il devient nécessaire.

Et puis je pense à ceux qui résistent à la monstruosité islamiste dans leur pays. Que peuvent-ils penser d'une telle passivité ?

Non, on ne peut trouver l'attitude de Leiris magnifique comme j'ai pu le lire ici ou là. Plus j'y réfléchis et plus je suis scandalisé par ce qui ressemble à de la résignation.

Son "Vous n'aurez pas ma haine" ressemble beaucoup à un "Faisons comme si de rien n'était".

Et puis à ceux qui trouvent sa passivité courageuse, j'aimerais leur rappeler qu'un résistant de plus de 90 ans écrivait il y a quelques années "Indignez-vous". 

Et puisque Leiris aime tant parler de culture, rappelons-lui qui était Marc Bloch, l'auteur de "L'étrrange Défaite".

http://www.lyc-bloch-bischheim.ac-strasbourg.fr/wordpress/page-d-exemple/marc-bloch-1886-1944/

L'étrange défaite de la pensée, c'est le titre qui me vient à l'esprit lorsque je songe à Leiris.



16 réactions


  • legrind legrind 11 mai 2016 09:55

    Propagande que je trouve malsaine autour de ce bouquin, ce monsieur n’a pas « la haine » contre les assassins de sa femme très bien, cela méritait il un livre et sa promo ? Et que lui faut-il pour qu’il s’énerve un peu alors ? 


    • fatizo fatizo 11 mai 2016 17:28

      @legrind

      Oui, on ressent de la gène, on est mal à l’aise face à ce discours qui est bien au delà du « Vous n’aurez pas ma haine ».
      Aucune interrogation concrète pour comprendre ce qui a tué sa femme, si ce n’est un manque de culture et la stupidité .
      C’est vraiment faible pour quelqu’un qui prétend s’élever.
      Monsieur s’est élevé si haut qu’il ne voit plus la réalité qui est sur notre triste planète .


    • acetrip 12 mai 2016 07:42

      @legrindm
      non seulement éccoeurant de soumission et déni de la réalité,mais de plus,il monnaye avec son livre la mort de sa femme,

      somme toute un beau cas relevant de la psychiatrie...

  • ALEA JACTA EST ALEA JACTA EST 11 mai 2016 10:39

    On peut rejoindre Leiris dans son refus de tomber dans le piège de la haine mais par contre il y a quelque chose de profondément dangereux dans son discours quand il relativise les faits, quand il dit que son épouse aurait pu aussi être victime d’ une maladie.
    Ce qui est affolant et affligeant, c’ est de l’ entendre déjà parler de pardon alors que nous sommes au coeur de la bataille, et que ces attentats peuvent se reproduire demain n’ importe où en Europe.
    il parle de pardonner à un moment où ses ennemis ne sont même pas vaincus.C’ est fou !!!
    Peut-on imaginer quelqu’ un qui aurait pardonné aux nazis en 1942 alors que la victoire n’ était même pas acquise ?
    Pire, son attitude ne peut qu’ involontairement encourager les terroristes qui n’ y verront que de la faiblesse.Zemmour n’ a pas complètement tort quand il voit une dévirilisation de nos sociétés.Nous partageons nos larmes en public. déposons des fleurs et des bougies, ce qui fait bien rire les terroristes.C’ est exactement ce qu’ ils recherchent.
    On sent de la douleur mais aucune révolte chez Leiris... Cette faiblesse implicite pourrait signifier notre mort et notre sacrifice si nous réagissions tous comme lui.
    Enfin il ne nomme jamais ses vrais bourreaux.Il ne parle jamais du radicalisme islamiste.
    Peut-on imaginer un Primo Levi voulant témoigner des camps de concentration mais n’ osant pas prononcer les mots nazis, fascistes, hitler, etc... ???


    • raskolnikov 11 mai 2016 11:19

      @ALEA JACTA EST

      Coup double pour le point Godwin !!

      Nous sommes au coeur de quelle bataille ??

      La perception de la virilité comme vertu, est en soi un jugement de valeur, qui consiste à associer au genre masculin des qualités comme la force ou le courage. Dans les sociétés qui la valorisent, comme les sociétés patriarcales, cette association est au principe du développement de la personnalité masculine, et seule permet de la structurer de façon socialement satisfaisante.


    • ALEA JACTA EST ALEA JACTA EST 11 mai 2016 11:57

      @raskolnikov
      au coeur de quelle bataille ???
      Et bien je vous informe qu’ un certain proto-Etat ( je vous laisse deviner lequel) a comme seul projet politique notre destruction et que ce proto-Etat a formé et fourni la logistique aux tueurs de Paris...


    • fatizo fatizo 11 mai 2016 17:36

       Bonsoir ALEA JACTA EST
      Je ne peux qu’approuver tout ce que tu écrits.

       On aimerait voir face à lui un journaliste qui lui poserait enfin les bonnes question plutôt que de lui trouver toutes les qualités du monde.
      Pourquoi évitez-vous d’utiliser les mots islamistes ou terroristes.
      Vous dites non à la haine. C’est très bien, mais Mr Leiris, il y a vraiment un énorme fossé entre la haine et votre attitude passive, voir complaisante (les ambassadeurs du destin).
      Pourquoi refoulez-vous à ce point l’horrible crime ?
      Etc...
      Des questions qui le pousseraient peut-être à remettre en question son comportement plus que troublant.

    • fatizo fatizo 11 mai 2016 17:43

      @raskolnikov
      Ah , l’allusion permanente au point Gogwin (comme si ce type détenait la vérité).

      D’ailleurs elle est aussi controversée par certains qui disent que se servir de cette période pour faire un parallèle est une métaphore. 
      Elle me parait imparable dans le cas présenté par AJE, mais comme cela dérange vos certitudes, on sort le réflexe bateau .
      Et vous , avec votre langage à la Emmanuel Todd, vous savez celui qui compare les millions de français qui défilent contre les terroristes à des pétainistes.
      Tiens, encore un adepte du point Godwin.


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 11 mai 2016 14:32

    Tout le monde n’a pas l’esprit de sacrifice d’un Jean Moulin, est-ce vraiment si surprenant ?


  • Breizh Atao 11 mai 2016 16:07

    Cet homme n’a pas de haine. Dans un certain sens son attitude est juste, la haine est mauvaise conseillère. Et il n’y a pas besoin de haïr ses ennemis pour les affronter et les vaincre.

    Mais son expression « ambassadeurs du destin » me choque. Il n’y a donc plus d’assassins, mais seulement des victimes prédestinées.

    Je ne veux pas juger cet homme, sa souffrance l’excuse.

    Ce qui m’attriste le plus c’est cette exposition médiatique et cette passivité face aux menaces qui, j’en ai peur, ne soit que l’annonce de lâchetés et de trahisons à venir.


    • fatizo fatizo 11 mai 2016 17:52

      @Breizh Atao

      Sa souffrance l’excuse.
      Lui qui pense en priorité juste après le massacre de sa femme à ne pas haïr ses monstres, auraient pu avoir également avoir une pensée pour les autres victimes.
      Sachant qu’il y a eu beaucoup d’autre personnes tués ce soir là, il devrait peser chaque mot.
      Employé le terme « destin » n’engage pas que lui dans le cas présent.
      Je ne peux imaginer que certains proches de victimes ne soient pas en colère après lui .
      En tout cas à leur place le le serais.

    • franc 12 mai 2016 14:21

      @fatizo

      -

      Si certains proches des victimes sont en colère contre lui et le lui ont dit .


  • franc 12 mai 2016 14:18

    je suis tout à fait d’accord avec la teneur de cet article e t la position de l’auteur

    -

    ne pas avoir de haine d’accord ,encore que , mais parler de destin ,pas d’accord.

    -

    ne pas avoir d e la haine je ne sais pas de prime abord si c’est bien ou si c’est mal ,cela dépend des circonstances et des motivations et des ressorts cachés .

    -

    certes ne pas avoir de haine c’est bien pour mieux juger,car il faut avoir toute sa raison pour bien juger ,mais ne pas avoir de haine qui conduit à ne pas juger est un comportement erroné , c’est déraisonnable et c’est mal ,c’est comme pardonner et ne pas pratiquer la justice ,or pardonner n’exclut pas la justice ;.

    -

    Ce monsieur Leiris que la douleur excuse mais pas tout quand m^me , me semble plus relever du sentiment de lâcheté que du courage .

    Ne pas avoir de haine calme la douleur effectivement mais si c’est au prix du renoncement au combat pour la justice cela relève de l’ égoïsme et donc de l’injustice et  de lâcheté voire de la stupidité .

    -

    La haine contrôlée et maitrisée peut être et même est une bonne chose , pour orienter une énergie négative en force positive dirigée dans le combat contre les forces du mal et cela relève de la raison et de l’intelligence, du cœur comme de l’esprit .


    • fatizo fatizo 12 mai 2016 18:19

      @franc

      Ce que je ne comprends pas, c’est l’unanimité des médias à son égard. 
      Comme vous le soulignez, son attitude relève plus de la lâcheté que du courage, et tout le monde est en extase devant ce type.
      Par contre j’aimerai bien savoir ou vous avez entendu que des familles de victimes n’étaient pas d’accord avec lui. Je cherche mais ne trouve pas.
      Et comme ils n’auront pas droit à l’accès aux médias autant que lui (ce qui est injuste).

  • franc 12 mai 2016 19:03

    C’est dans l’émission ONPC que mr Leiris a reconnu et avoué ou du moins suggéré que certaines familles ne sont pas d’accord avec lui et le lui ont dit ,il faut lui accorder cela , si vous regardez l’émission attentivement ,à moins que je rêve ou que je me trompe.


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