mardi 4 septembre 2012 - par Pelletier Jean

Hadopi, la mission Lescure et le gouvernement

La campagne présidentielle et les premiers pas du gouvernement Ayrault n’ont pas permis d’y voir plus clair sur ce que le pouvoir socialiste entendait faire du dossier Internet et du droit d’auteur. Les observateurs avisés se souvenaient simplement des âpres discussions parlementaire autour de la loi DADVSI et Création et Internet où le groupe socialiste s’était plutôt brillamment illustré sur le sujet, volontariste, audacieux jusqu’à faire voter, très provisoirement, un amendement créant la licence globale.

HADOPI dans le collimateur.

Mais l’exercice du pouvoir inclut des obligations et des contraintes qui « freinent » toutes velléités de réformes un tant soit peu audacieuses. Bref il était temps qu’un point soit fait ou du moins qu’une stratégie et une méthode de travail soient définies. Pour autant la ministre de la culture Aurélie Filippetti a d’ors et déjà fait savoir tout le mal qu’elle pensait de l’HADOPI. Il est vrai qu’avec un budget de 12 millions d’euros (et 60 agents), la Haute Autorité ne peut afficher à son actif qu’un peu plus de 1 million de mails d’avertissements envoyés aux internautes et….314 dossiers en cours d’examen avant envoi au Parquet !

Donc le Premier Ministre a confirmé au parlement qu’une loi serait bien votée, conformément aux engagements présidentiels et qu’une mission avait été lancée sur « l’acte II de l’exception culturelle », confiée à Pierre Lescure, directeur du théâtre Marigny et ancien dirigeant de Canal+. Le lettre de mission précisait que ce chantier « mêlera l’ensemble des acteurs sous l’œil attentif de l’Etat qui validera ou non les propositions, dans l’idéal sous six-huit mois », il « débouchera sur un nouveau cadre juridique au cours du semestre 2013 » et sans doute un vote au parlement avant 2014.

Toutes les précautions sont prises : propositions qui déboucheront ou pas …une mission de 6 à 8 mois …un nouveau cadre législatif début 2014….

Donc une seule chose est sûre, les jours de l’HADOPI sont comptés, d’autant plus que l’ex député socialiste, pourfendeur des projets de lois sur le sujet de Sarkozy et promoteur de la licence globale, Didier Mathus vient d’être nommé au collège de l’HADOPI, même chose pour Christian Phèline qui vient aussi d’arriver au titre de la cour des comptes.

La mission Lescure.

La mission de Pierre Lescure dépasse largement le cadre de la simple HADOPI, elle englobe bien le problème du droit d’auteur, la problématique du développement de l’offre légale, les questions du financement de la création et le respect de l’exception culturelle. Aurélie Filippetti a été très claire : «  Il s’agit de tirer un véritable bilan de l’évolution des pratiques en matière d’utilisation des contenus culturels numériques, et de dégager une prospective sur les besoins légaux pour qu’Internet devienne l’une des plus grandes sources de financement de la culture ». L’ensemble des acteurs de la filière seront consultés (Enfin le changement !) y compris les associations de consommateurs, avec pour objectif ambitieux de « faire émerger de nouvelles ressources, de nouveaux modes de financement de la création et d’y associer ceux qui tirent profit du développement de la circulation des œuvres dans les réseaux. »

Cette fois il émerge dans ce discours un début de prise de décisions quant à la participation des principaux bénéficiaires d’Internet a u financement de la création.

La ministre s’est faite encore plus précise en ajoutant  : « Dans un contexte budgétaire serré, il faut avoir un souci d’efficacité, de réconciliation entre les artistes et les publics, et trouver des solutions qui soient réelles et qui permettent vraiment de financer la création et non plus se payer de mots ». Le changement de ton est là… reste à voir ce que la concertation accouchera et ce qu’en retiendra au final le gouvernement.

Méthode et calendrier de la mission Lescure.

On en sait un peu plus sur les conditions d’exercice de la mission Lescure, il disposera d’une équipe conséquente de 12 personnes : hauts fonctionnaires de la cour des comptes, de l’inspection des Finances, représentants des ministères associés et quelques personnalités extérieures. Bien entendu un comité de pilotage a été mis en place comprenant : la ministre de la Culture, le ministre de l’Economie, le ministre du Redressement productif, la ministre déléguée à l’Economie numérique.

Nous disposons d’un calendrier de travail détaillé :

- Le diagnostic de l’existant (fin septembre 2012).

- Les auditions et débats contradictoires (fin décembre 2012).

- Rendu de la mission (fin mars 2013).

Un site internet dédié aux travaux de la mission sera créé. Il sera interactif et permettra aux internautes de s’exprimer.

Lescure a déjà parlé…

Pierre Lescure a déjà commencé depuis le début de l’été son travail et s’est exprimé sur les médias. « L’idée est venue au moment des primaires […] en discutant avec François Hollande, que je connais depuis longtemps […]. Je lui ai donc proposé l’idée de cette mission. ». Puis avec plus de clarté : « A l’époque, le camp Aubry optait pour la suppression d’Hadopi et pour la mise en place d’une licence globale. C’est un truc à deux balles. Tu paies une fois 2 euros pour avoir le droit à tout sur Internet. ». Cela a le mérité d’être clair, en ce qui le concerne, personne n’en a été surpris connaissant les positions antérieures de Pierre Lescure sur le sujet. Il trouve même, malgré les propos de la ministre, « des vertus de principes » à l’HADOPI. Il s’inquiète des conséquences de l’arrivée imminente de la Tv connectée : « Avec ces nouvelles télés, le piratage va devenir inarrêtable. Cette mission sera l’occasion de faire un débat violent, contradictoire, mais nécessaire même si je risque d’en prendre plein la tête ». C’est ce qu’on peut lui souhaiter de mieux, vue l’urgence à ce que les pouvoirs publics légifèrent enfin sur le sujet et garantissent aux acteurs de la création la juste rémunération qu’ils méritent.

Il poursuit par ailleurs sur HADOPI « Elle a amené des gens à réfléchir que tout ne pouvait être entièrement gratuit. Il va falloir trouver un système absolument différent d’aujourd’hui et qui va faire que la dynamique du financement de la culture continue ». « Il faut tenir compte de ce nouvel entrant essentiel et vital qui est l’usager. S’il n’est pas d’accord, on n’arrivera à rien ». « Une partie de la réponse comportera la légalisation des échanges non-marchands ; je ne crois pas à autre chose ». Il se déclare aussi contre la coupure d’accès à Internet qu’il juge disproportionné.

Enfin il se donne comme objectif « d’aboutir à un corpus, une doctrine, qui ait à peu près l’assentiment de tous, d’Internet aux ayants droit ». On se réjouit du programme et restons curieux de ses résultats, tant les antagonismes sont violents et surtout que l’immobilisme des gouvernements de Nicolas Sarkozy en la matière les a enkysté durablement



13 réactions


  • wesson wesson 4 septembre 2012 10:18

    Bonjour Jean, 


    je n’ai pas encore lu votre article, toutefois je crois déceler ce qui va ressortir de cette « commission ».

    En effet, Pierre Lescure en plus de hanter depuis 20 ans les salons du capitalisme parisien, est administrateur du groupe Kudelski, prestataire des mesures techniques de protection (MTP) d’un bon nombre de télévision, y compris le groupe Canal+.

    Pour le dire plus simplement, il est l’un des patrons de la boite qui fournit le cryptage à Canal+. 

    Et pour être encore plus clair, Kudelski serait fortement impacté par une licence globale d’état, qui rendrait l’utilisation de MTP (DRM) inutile. Bref, un cas d’école de conflit d’intérêt, un peu comme si on confiait à Bouygues la tête d’une commission pour décider la fin de la construction des ponts.

    A partir de cela, les travaux de Lescure n’ont pas grand intérêt car ils ne peuvent que déboucher sur une solution consistant à généraliser les DRM partout, et à ne surtout pas abandonner le principe de l’apporche qui a conduit à Hadopi.



    • Pelletier Jean Pelletier Jean 4 septembre 2012 11:25

      Bonjour Wesson,

      J’avais en effet collecté cette information, je ne l’ai pas mise dans l’article car à ce stade de la mission je considère que Lescure peut agir « librement » s’il le souhaite, malgré ses antécédents dont il ne cache pas. Il aune lettre de mission explicite et une équipe d e hauts fonctionnaires qui l’encadre.

      Attendons le résultat et nous jugerons sur pièces.

      Bien à toi.

      http://jmpelletier52.over-blog.com/ 


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 4 septembre 2012 17:04

      @Stabiloboss....

      ..........................................vosu en changerez jamais................

      http://jmpelletier52.over-blog.com/


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 4 septembre 2012 17:25

      C’est votre point de vue « imposteurs » je nesuis pas obligé de le partager...

      http://jmpelletier52.over-blog.com/ 


    • Pelletier Jean Pelletier Jean 4 septembre 2012 17:44

      yès .... je fais de la propagande. ce n’est pas interdit par la loi ?

      http://jmpelletier52.over-blog.com/ 


    • wesson wesson 5 septembre 2012 06:28

      bonjour Jean,


      « J’avais en effet collecté cette information, je ne l’ai pas mise dans l’article car à ce stade de la mission je considère que Lescure peut agir »librement« s’il le souhaite, »

      Désolé, j’achète pas l’argument. Celui qui dès le départ était pressenti sur cette commission, c’est Juan Branco qui a été le directeur de campagne d’Aurélie Filippeti, et que l’on disait chef de cabinet de la future ministre, et à la tête de cette commission sur Hadopi. Ce fils de producteur de cinéma avait pris des positions très intéressante sur le sujet lors de la campagne et il paraissait soutenu par les socialo. Son défaut : c’est d’être plus proche des artistes et des internautes que des grands groupes industriels qui vivent justement sur le dos des artistes.

      Bref, Juan Branco a appris par la presse qu’il était viré par celle qu’il avait soutenu pendant toute la campagne, et pour mettre à la place sur Hadopi un parfait représentant des industriels en clair conflit d’intérêt. 

      Alors dans ces conditions là, la « liberté d’action » de pierre Lescure me fait largement sourire. Il est là pour sauvegarder les intérêts des grands groupes industriels dont il fait partie, et il ne fait strictement aucun doute que c’est ce qu’il fera, au détriment réel des artistes.

      « malgré ses antécédents dont il ne [se] cache pas. »

      Il n’a aucun besoin de le faire, la presse s’en charge pour lui, aucun papier sur cette nomination ne mentionnait ce conflit d’intérêt.


      «  Il aune lettre de mission explicite et une équipe d e hauts fonctionnaires qui l’encadre. »

      C’est ça. La porosité entre les affaires et les hauts fonctionnaires confinent en fait aux relations consanguines. Autant dire qu’il ne s’agit en rien d’une quelconque garantie.

      Je suis désolé de persister dans ma pensée. De quelques bout qu’on le prenne et même avec toute la bonne volonté et une bonne dose de foi, je ne peut croire que Lescure qui fut placé là par des intérêts industriels qui ont eu raison d’une personne bien plus approprié puisse arriver à quoique ce soit de positif.

    • Pelletier Jean Pelletier Jean 5 septembre 2012 10:22

      @Staboloboss... ;
      Tu ne vois même pas mon humour au x ième degrè.....c’est pour te faire plaisir que je dis cela, dans ton nombrilisme absolue tu penses tellement fort que je suis au ordre, qu’on me paye.... que je fais de la propagande… tu as beaucoup de mal à admettre l’autre…..celui qui ne  te ressemble pas… 


  • Furax Furax 4 septembre 2012 12:44

    @ Jean,
    « Pierre Lescure, directeur du théâtre Marigny et ancien dirigeant de Canal+ ».

    La simple photo de ce type (Lescure), me révulse.
    Il a exercé connu d’autres activités, en particulier la pire saloperie journalistique dont j’ai jamais eu connaissance.
    J’habite le département du Nord. Souvenez vous, il y a quelques années, quelques abrutis de la pire espèce (des aides-soignants arrêtés et jugés) s’étaient fait remarquer en prenant des photos de patients du CHR de Lille en réanimation. Comme les malades étaient inconscients, ils les avaient mis dans des poses grotesques. Ces photos avaient été proposées pour publication à la presse. TOUS les journaux, même les plus pourris, avaient refusé indignés.
    Quelques mois plus tard, je vois une de ces photos en couverture d’un « journal ». Il se nomme « Choc ».
    Furieux, je cherche le nom du patron de ce torchon : Pierre Lescure !
    Si le PS crée une commission de travail sur la « Morale laïque », faudra penser à lui !


  • Scual 4 septembre 2012 12:59

    Aucun mot sur le conflit d’intérêt flagrant entre cette mission et le fait que Lescure fait partie d’une société suisse de lutte contre le piratage ?

    C’est comme si on confiait au PDG de Total une mission sur la réduction du prix de l’essence...


    • Scual 4 septembre 2012 15:09

      Puisqu’un petit malin m’a moinssé, j’ai retrouvé : C’est la société Kudelski .

      C’est une spécialiste des DRM. Spécialisée dans les décodeurs à travers sa filiale Nagravision (tiens, tiens... là aussi on pourrait peut-être chercher un éventuel conflit d’intérêt avec Canal +...), elle est détenue en partie (non majoritaire) par le groupe Dassault, c’est à dire un très gros acteur du secteur des logiciels. De plus elle est liée stratégiquement à Disney.

      Au conseil d’administration on y trouve notre ami Pierre Lescure qui a donc des intérets directes dans le secteur de la lutte contre le piratage... alors, cette info mérite t-elle vraiment qu’on me moinsse ?


    • Scual 4 septembre 2012 16:30

      Bon, il semblerait donc qu’il y ait un ami des conflits d’intérêt sur Agoravox. On en apprend tout les jours, je ne savais pas que ça pouvait exister.

      Bientôt on verra surement aussi des « fans de corruptions » et autres « amis du clientélisme », voir une « association pour le développement des magouilles et collusions ».

      Finalement, c’est peut-être pas à l’école qu’il faut donner en prorité des cours de morale.


  • philoxera philoxera 4 septembre 2012 13:21

    Une oeuvre numérique sera nécessairement gratuite car copiable à l’infini pour un coût quasi nul. L’offre tendant alors vers l’infini, le prix ne peut que tendre vers zéro.


    Et puis donner cette mission à Lescure, ça serait comme nommer des Goldman Sachs à la tête de la BCE. Conflit d’intérêt évident. Heureusement que ça n’arrive jamais dans nos « démocraties ».

  • spartacus spartacus 5 septembre 2012 10:11

    Un chef d’oeuvre du non engagement et d’absence de prise de responsabilité !


    Hymne à la phrase bonne conscience.
    Ne jamais s’engager sur rien.
    « d’aboutir à un corpus, une doctrine, qui ait à peu près l’assentiment de tous, d’Internet aux ayants droit ».

    Succession de mots dénués de sens, qui prétend trancher entre les intérêts contradictoires des téléchargeurs en quête de gratuité et des titulaires de droits d’auteurs.

    Noyer Hadopi dans l’eau trouble du jargon. 
    C’est ça le volontarisme de gauche... La moumouitude...


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