jeudi 11 mai 2006 - par matthieu mingasson

L’inéluctable nouvelle vague du Web 2.0

A l’occasion d’une conférence-débat, qui s’est tenue à San Francisco à la fin de l’année 2004, entre Tim O’Reilly et Media Live International, la vague d’innovations qui anime et transforme peu à peu le Web a été baptisée “Web 2.0”.

Depuis la conférence Web 2.0, la sphère des créateurs et concepteurs Internet californiens ne cesse de débattre pour tenter de comprendre et de définir ce que recouvre réellement ce terme. Mais dans son article intitulé “Qu’est-ce que le Web 2.0 ?”, Tim O’Reilly explique assez clairement que le Web, loin de s’être arrêté après l’explosion de la bulle Internet en 2001, se voit animé d’un second souffle. Les innovations sont nombreuses, et depuis trois ans de nouvelles applications ne cessent de voir le jour : Google Maps, Flickr, Wikipedia, les weblogs, les RSS, l’optimisation des moteurs de recherche, etc.

De fortes similitudes avec la première vague

Le phénomène que l’on observe actuellement ressemble en plusieurs points à ce qui s’est produit lors de l’expansion du Web à partir du milieu des années 1990. Premièrement, la Californie, et plus précisément San Francisco, restent le point de départ de toutes les innovations. La ville qui était le centre névralgique de la première vague du Web reprend de l’activité après trois années sombres, durant lesquelles les activités économiques urbaines, et plus spécifiquement celles liées à l’Internet, s’étaient considérablement affaiblies, entraînant fermetures de sociétés et chute des loyers. Depuis le début de l’année 2003, la ville qui a fait naître le Web reprend son essor.

Le second point concerne les innovations techniques qui sont à l’origine de la nouvelle vague. Tout comme dans les années 1990, quand l’apparition de moteurs de recherche efficaces a changé l’usage du Web (altavista, yahoo), les applications Web de nouvelle génération semblent modifier à nouveau le paysage Internet. La société informatique Google est la figure emblématique de cette nouvelle vague, mais de nouveaux modes de recherche et de sélection de l’information surgissent de toutes parts, principalement basés sur ce qui semble être l’un des fondements du Web 2.0 : la participation active des utilisateurs à l’enrichissement des données et des connaissances.

Le troisième point de similitude avec le phénomène que nous avons connu dans les années 1990 concerne le buzz, c’est-à-dire l’activité intellectuelle ininterrompue qui vient enrichir et accompagner les innovations techniques et les nouveaux usages. Cette tentative de compréhension et d’analyse du phénomène par les acteurs eux-mêmes est un signe fort de la vitalité de la nouvelle vague. Par exemple, le site web20workgroup.com recense un nombre important de blogs qui se penchent sur l’étude et l’analyse du Web 2.0.

Un Web participatif

Pour cerner ce phénomène et essayer de le comprendre, il est nécessaire de l’apprivoiser, c’est-à-dire d’utiliser les outils qu’il met à notre disposition. Les weblogs sont déjà bien connus et utilisés dans le monde entier. Les services offerts par Google le sont également : Google Maps et Google Earth, GMail, Groups, Translate, etc. On en recence actuellement près de 30 sur la version américaine du moteur de recherche.

Les flux d’information XML, aussi connus sous le nom de RSS, commencent à s’installer dans notre usage du Web moderne, mais en Europe, tous les sites d’information ne proposent pas encore de flux RSS.

Les services de bookmarking, quant à eux, sont en pleine explosion aux Etats-Unis mais restent assez peu connus du grand public européen. Del.icio.us, BlinkList, Shadows et Clipmarks sont les principaux services dans cette catégorie. Del.icio.us reste un exemple des plus frappants car sa simplicité d’usage et son intelligence de conception en font un modèle des services du Web 2.0. Il permet à quiconque s’y enregistre (gratuitement) de sauvegarder ses bookmarks au sein d’une immense base d’information partagée par tous. L’idée de génie de Del.icio.us est en effet de laisser en libre accès les bookmarks de tous ses utilisateurs. Il est ainsi possible à quiconque de consulter les informations collectées par autrui sur un sujet donné. Les sites référencés au sein de Del.icio.us sont indexés selon un système extrêmemement fluide - le tagging - permettant de les qualifier. Les tags sont créés et modifiés par les utilisateurs eux-mêmes en fonction de leurs besoins du moment. L’utilisateur est donc partie prenante de l’enrichissement des informations. Il collecte, classe et partage ses informations.

Une autre expression des plus marquante du Web participatif est le site Craiglist. Craiglist est un service de petites annonces et de forums. Selon la définition donné par le site lui-même, ses services permettent de “trouver un emploi, un logement, des services et des biens, des activités sociales, un ou une petit(e) ami(e), des conseils, des informations sur des communautés d’intérêts - le tout gratuitement dans un environnement relativement non commercial.” Quant à la réussite du projet, les chiffres parlent d’eux-mêmes : Craiglist revendique plus de 3 milliards de pages vues par mois, 10 millions d’utilisateurs (également par mois). Enfin, 6 millions de petites annonces et 1 million de billets de forums sont disponibles à l’heure actuelle. Pour comparaison, le plus gros service payant de petites annonces disponible en France (topannonces.fr) revendique 1 million de visiteurs et 250 000 annonces par mois. Voir les chiffres complets du site Craiglist.

Des dizaines de nouvelles applications

Ces quelques exemples de nouvelles applications du Web 2.0 ne représentent qu’une petite partie du phénomène. Le blog de Dion Hinchcliffe propose une liste des nombreuses catégories que regroupe le Web 2.0. En voici une adaptation française simplifiée (autant que ce peut), accompagnée d’un lien vers le site le plus représentatif de chaque catégorie :

Une liste d’exemples de services et d’articles concernant le Web 2.0 est disponible sur mon compte Del.icio.us.

Lire, écrire, exécuter.

Une petite révolution technique se déroule depuis environ trois ans au sein de la communauté des concepteurs-réalisateurs Internet. Les recommandations du World Wide Web Consortium, organisme chargé de la standardisation des techniques et des langages Web, ont été appliquées et intégrées aux navigateurs de nouvelle génération (Firefox, Internet Explorer, Safari, Opera pour ne citer que les plus courants). La principale recommandation porte sur la séparation du contenu et de la forme, une méthode de conception indispensable et inhérente à l’évolution de la publication de l’information sur le Web.

La normalisation du XML (Extensible Markup Language), pour le traitement de l’information, des CSS (Cascading Style Sheets), pour la programmation graphique, et du couple DOM (Document Object Model)-Javascript pour la manipulation de l’affichage, permet aujourd’hui aux applications Web d’effectuer un nouveau bond en avant.

Profitant des nouvelles possibilités offertes par cette normalisation des pratiques de mise en oeuvre, des applications Web voient le jour, offrant aux utilisateurs de nouvelles manières d’appréhender l’information. La technologie permet à présent non plus seulement la consultation du contenu, mais également sa création. L’utilisateur n’est plus un simple lecteur, au mieux un acheteur, il devient un acteur et un producteur d’information. Il lit, écrit et exécute.

Tentative de schématisation du principe Web 2.0

Le Web 2.0 : une étape vers l’Internet du futur

Le mode de fonctionnement du Web 1.0 se limite à un échange utilisateur-fournisseur. Les technologies et les applications liées au Web 2.0 transforment profondément ce modèle. L’information devient une entité à part entière qui vit et évolue. Les applications sont là pour permettre aux utilisateurs de produire cette information et de la partager entre individus, petits groupes d’individus ou larges communautés d’intérêts. La notion même d’auteur change : Wikipedia , encyclopédie qui rassemble plus de deux millions d’articles dans plus de dix langues, est enrichie par quinconque souhaite y participer. Dans certaines sections, notamment scientifiques, un travail considérable d’écriture, de classement, de recherche est effectué sans qu’aucun auteur ne puisse être identifié car le principe même de Wikipedia empêche la personnalisation de l’information. C’est le travail de la masse qui l’emporte sur celui de l’individu.

On le voit grâce à Wikipedia, l’Internet prend, avec cette nouvelle étape de son développement, le chemin de la constitution d’une vaste base de connaissances sur le savoir humain. Le Web 1.0 nous en avait déjà annoncé les prémisses, le Web 2.0 le confirme. Dans la société contemporaine, l’information est au coeur des activités humaines. Détenir l’information, c’est détenir le pouvoir, mais ce que semble proposer le Web de demain, c’est davantage de le partager que de le conserver.

Il revient donc aux acteurs de l’Internet d’adapter sans cesse leurs méthodes de conception, de réalisation, d’organisation - en fin de compte leurs méthodes de travail - pour prendre en compte dans leurs réalisations ces nouveaux paramètres.

En effet, le Web, loin de s’être arrêté pour se conformer à un modèle social bien défini, ou de répondre à des besoins à court terme, se transforme sans cesse et se dirige déjà vers sa version 3.0.

Pour aller plus loin :



14 réactions


  • (---.---.72.66) 11 mai 2006 13:27

    le lien « outils sociaux (Craiglist) » renvoie vers un site porno car vous vous êtes trompé de domaine (.com au lieu de .org)

    :P

    à part ça, bon article


  • Ulmo (---.---.254.6) 11 mai 2006 15:29

    Le terme « Web 2.0 » est juste un terme marketing.
    Je suis développeur Web et je peux vous dire que tout ca, c’est du FLAN.
    Ce mot a fait son apparition quand la technologie AJAX a commencé à être utilisée et/ou connue par plus de développeurs et d’investisseurs.
    Puisqu’elle utilise XML, elle s’est facilement retrouvée associée aux Web Services, aux news RSS. Le therme a donc dérivé pour intégrer les sites utilisant ces technologies.
    La folie des Wiki et Blogs s’est alors emparée des utilisateurs du Web, ce qui a surpris les investisseurs, qui se sont dit : « c’est ca le Web 2.0, ce sont les utilisateurs qui font le contenu et échangent entre eux ! »

    Désormais, un site Web qui rajoute un fil RSS à son site se vante d’être passé au Web 2.0.

    De plus, ce terme est ridicule...

    MA définition du Web 2.0, si elle existe, se contente aux sites web qui utilisent massivement AJAX, tel NetVibes


    • (---.---.162.15) 11 mai 2006 18:54

      Je suis d’accord avec Ulmo, je considère aussi que le « web 2.0 », c’est du marketing et de la foutaise.

      Prenez par exemple cet argument :

        Le mode de fonctionnement du Web 1.0 se limite à un échange utilisateur-fournisseur

      C’est complètement faux, COMPLETEMENT FAUX. Depuis presque toujours (au moins depuis 1996), le web permet les échanges utilisateur-utilisateur à travers des forums et de façon plus riche que sur des blogs.

      Je trouve lamentable qu’Agoravox donne un appui aussi répété à de telles divagations. Le fait qu’elles aient de solides arrières pensées commerciales n’est pas une excuse, au contraire.

      Am.


    • ewropano (---.---.32.181) 12 mai 2006 01:11

      Déja, le fait de passer de 1.0 à 2.0 c’est bien la preuve que ce n’est jamais au point !

      A quand la version 1.1 ?

      Au lieu de multiplier les gadgets, il faudrait s’assurer, comme pour le téléphone du temps où il était un service public, que tout le monde dispose d’un minimum de fonctionnalités de base qui soient fiables et de temps de réponse raisonnables- conditions nécessaires pour tout système de communication efficace.


  • JC Morand (---.---.8.29) 11 mai 2006 15:59

    Il y certe une part un peu exagérée de communication autour des paradigmes du Web 2.0. Il est vrai que certains utilisent le terme un peu pour n’importe quoi. Mais il est aussi vrai que de nombreuses applications d’un nouveau style apparaissent actuellement en exploitant 2 choses :

    1) Les techniques AJAX, même si ce n’est pas nouveau d’un point de vue technique, l’innovation réside dans la créativité des concepteurs d’applications qui utilise maintenant ces outils pour créer des interfaces utilisateurs sur le web beaucoup plus riches. 2) Le phénomène de contribution collective (AgoraVox en étant un bon exemple) est aussi à l’origine de nouvelles formes d’interaction sur le Net. Pour n’en prendre qu’un qui est en train de boulverser le mode d’accès à la connaissance je citerai WIKIPEDIA qui est mentionné dans l’article.


  • kirinyaga (---.---.242.1) 11 mai 2006 16:32

    Bah ! J’en suis déjà au Web 3.5 release candidate 3 moi.
    Vraiment n’importe quoi ce marketing...

    Les internautes sont simplement en train de redécouvrir le fait qu’internet a été conçu pour le peer-to-peer, pas pour un modèle producteur-consommateur. Il n’y avait que du contenu collaboratif au début : CVS, usenet, ... La généralisation des hébergements dynamiques permet de refaire du peer-to-peer en utilisant comme support le modèle client-serveur qu’on a tenté de nous imposer.

    Pour peu que des accès DSL symétriques se répandent, et on pourrait tout aussi bien revenir à du peer-to-peer complet, similaire à freenet (pas besoin de cryptage), et carrément virer tous les serveurs webs. Aujourd’hui on sait faire du DNS, du backup, des bases de données, etc... massivement distribués.
    Pour le coup ce serait un vrai web 2.0


  • Pixies (---.---.16.172) 12 mai 2006 11:39

    Nous en france on a le web 0.0 grace à la dadvsi echange entre utilisateurs = prison


  • matthieu mingasson matthieu mingasson 12 mai 2006 19:04

    Bonjour,

    Merci de vos réactions (même si certaines me paraissent excessives dans leur formulation).

    Comme vous le savez peut-être, nos amis les américains ont un gout prononcé pour les contractions et les formules chocs (« infotainment » est un bel exemple). « Web 2.0 » est leur manière d’exprimer en un mot un tendance assez forte. Ceci explique peut-être pourquoi certains d’entre vous pensent que ce n’est QUE du marketing. C’est peut-être effectivement du marketing, mais cela n’enlève rien à la réalité du phénomène puisque de l’autre coté de l’atlantique plus qu’ailleurs, le marketing fait loi. Je dirais même qu’aux Etats-Unis (plus qu’ailleurs, mais ailleurs aussi) le marketing façonne la réalité. Cette tendance est telle qu’elle pousse aujourd’hui les investisseurs à épauler et à rechercher des projets dits « web 2.0 ».

    Au sujet des points plus techniques, il ne me semble pas juste que l’on puisse résumer le Web 2.0 à l’utilisation de l’Ajax, et par la même réduire cette approche à une simple pirouette technique. Mon propos, dans cet article, est de tenter de montrer que le web 2.0 est une nouvelle étape de maturité dans les usages et les comportements. Il ne s’agit pas d’une révolution, mais d’une évolution à partir de ce qui existe déjà. Il est vrai que les forums et les newsgroups sont/étaient des plates-formes d’échanges utilisateurs-utilisateurs très riches, et ils sont certainement des précurseur de cette étape que l’on nomme web 2.0. La différence principale se trouve dans la véritable participation des internautes à la constitution d’une base de connaissances des savoirs humains, ce qui n’est pas le cas des forums. Wikipedia en est un très bon exemple, Agoravox aussi.

    Les technologies XML, AJAX, et autres ont simplement permis à cette étape de ce produire. Le vrai changement est à mon avis dans l’usage. Les technologies ont été incitatives, les utilisateurs ont répondu OUI à cette évolution en s’emparant des nouvelels possibilité offertes.

    Ce qui est interressant dans le terme « web 2.0 », c’est qu’il sous-entend qu’il y a effectivement eu un web 1.0 et qu’il y aura un web 3.0... ce que je trouve réjouissant, pour ma part.

    Vos réponses (modérées) à ces quelques réflexions sont les bienvenues.


    • kirinyaga (---.---.242.1) 15 mai 2006 11:33

      Je dirais plutôt qu’il y a eu un web 0.5 et qu’on est enfin arrivé au web 1.0 ... Car, comme vous le soulignez, la totalité des technologies nécessaires existent depuis très longtemps.

      Alors, oui, il y a une évolution très nette des comportements mais des volontés de participation/création en commun telles que wikipedia existaient avant que l’internet n’explose parmi le grand public (la quasi totalité d’internet a été construit ainsi, le concept même de wiki ne date pas d’hier). Pour moi, c’est ce public qui se réveille et prend conscience de l’outil qu’il a en main, alors qu’on avait essayé jusque là de lui vendre un modèle producteur/consommateur.

      C’est pour moi la véritable nature de la révolution qui est en cours, et ce qui échappe à nos chers législateurs : internet (re)devient une richesse commune.


  • Philippe Martin (---.---.143.154) 13 mai 2006 16:43

    Bravo, très bon article écrit dans un style simple et très utile pour les 95% des gens qui ne connaissent pas cette évolution dans le web. Pour compléter on pourrait aussi dire que désormais le « web est devenu le système d’exploitation »


  • citoyen citoyen 14 mai 2006 21:01

    Félicitation pour votre article, tout le débat pour savoir si l’expression utilisée et reprise par vous Web 2.0 correspond à une réalité ou constitue essentiellement du marketing est complétement absurde. Démonstration : 1/ le site même d’Agoravox en est la démonstration ; 2/ le fait de pouvoir échanger, de s’interpeller cela constitue une vraie évolution qui n’en est qu’àces prémisses


  • N’ayez pas peur !! (---.---.41.77) 16 mai 2006 21:41

    Quelques chiffres qui donnent à réfléchir:MySpace : 74 millions d’usagersTechnorati : 39,8 millions de blogs référencésYouTube : 13 millions de visiteurs uniques par jourWikipedia : 2,5 milliards de pages vues par moisIpod : 42 millions depuis son lancement en 2001Skype : 100 millions d’utilisateurs enregistrésCertains...


  • N’ayez pas peur !! (---.---.41.77) 16 mai 2006 21:45

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  • N’ayez pas peur !! (---.---.41.77) 16 mai 2006 21:57

    Quelques chiffres qui donnent à réfléchir:MySpace : 74 millions d’usagersTechnorati : 39,8 millions de blogs référencésYouTube : 13 millions de visiteurs uniques par jourWikipedia : 2,5 milliards de pages vues par moisIpod : 42 millions depuis son lancement en 2001Skype : 100 millions d’utilisateurs enregistrésCertains...


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