lundi 24 novembre 2008 - par otekwen

Le journalisme : un métier de la mort en République démocratique du Congo

Encore un journaliste tué en République démocratique du Congo ! Didace Namujimbo, journaliste à Radio Okapi (radio de l’Onu), âgé d’une trentaine d’année a été froidement abattu le 21 novembre à Bukavu, chef lieu de la province du Sud Kivu, dans l’est de ce pays. Après le meurtre toujours dans la même ville de Serge Maheshe, son collègue et ami, ce crime abject plonge l’ensemble des journalistes congolais dans l’insécurité totale. J’irai même plus loin en affirmant que le journaliste congolais sait d’office que la mort l’attend à chaque fois qu’il a fini son travail.
Cette mort ne concerne pas les journalistes « d’Etat » qui tiennent des propos et des informations confortant carrément le pouvoir en place. Des journalistes qui se laissent corrompre, qui se font la caisse de résonance des hommes politiques puissants, des journalistes qui ont induit la population en erreur pendant les élections de 2006.
 
Cette mort concerne plutôt ceux qui, au moyen de leurs images, leurs stylos ou leurs micros, osent dénoncer un régime autocratique d’apparence démocratique.
 
En novembre 2005, Frank Ngyke, journaliste dans le quotidien "La Référence" a été assassiné à quelques mètres de chez lui .
 
Louis BAPUWA MUAMBA, ancien journaliste à l’Agence France Presse (AFP), au magazine "Jeune Afrique Economie " et enfin indépendant publiant dans les journaux dits de l’"opposition politique" a été abattu, lui en 2006 dans sa chambre.
 
Le fiasco des procès des assassins présumés de tous ces journalistes a rendu possible d’autres éventuels crimes. Les récidivistes sont encouragés, les auteurs de crimes courent toujours les rues.
 
Si ces grands journalistes expérimentés ont été assassinés pour avoir dit tout haut ce que les autres disent tout bas, d’autres sont arrêtés sans procès puis torturés. A peine quelques jours, Mbuyi Bwebwe, Directeur de programme de la chaîne Raga TV a été ecroué avec deux autres journalistes dans les cachots de l’Agence nationale de renseignement du Congo( ANR), pour avoir diffusé une interview d’un opposant, Roger Lumbala. Celui-ci critiquait le président joseph Kabila qui avait décidé de déplacer ses bureaux pour l’Assemblée nationale. En sus de ces cas très connus, beaucoup d’autres chevaliers de la plume croupissent en prison sans procès et pendant plusieurs années.
 
Inversant l’échelle des valeurs, au Congo ce sont les journalistes qui sont terrifiés et intimidés en lieu et place des malfaiteurs et assassins.
 
Conséquence : ils sont muselés, ils voient et entendent des choses mais ils n’osent le dire craignant de perdre leur vie.
 
Le journaliste congolais fait donc partie de la génération des sacrifiés dans un pays pourtant démocratique comme l’indique son nom.
 
Qui va les protéger ?


8 réactions


  • easy easy 24 novembre 2008 13:16
    Sans rien vouloir retirer à la dimension dramatique et révoltante de ce meurtre, je trouve qu’il est lourdingue d’écrire "a été froidement abattu"
    Révoltés, nous en venons à écrire ou à dire n’importe quoi, pourvu que cela exprime notre sentiment. Peu nous chaut alors la vérité.
    Or ici, il s’agit d’un article comme on en voit beaucoup dans les journaux, qui se voudrait avant tout informatif, même s’il est partisan.

    Et "Froidement" n’est pas une information.
    Placé en cet endroit, c’est une tentative de manipulation de l’opinion.

    Seul celui qui a tué peut dire s’il l’a fait froidement ou ardemment.



    D’où nous vient cette propension à recourir systématiquement à ce "froidement" quand il est question de décrire une scène que nous récusons ?
    Je pense que ça provient de notre besoin de nous désolidariser du meurtrier. De nous désolidariser complètement, à la folie, de celui qu’on désapprouve. Allant jusqu’à lui renier toute appartenance à notre espèce humaine. Espèce qui fonctionne à 37°C.
     
    Alors c’est p’tet très compréhensible, mais ce genre d’allégation est absurde et rend les procès extrêmement confus.
    On veut toujours qu’un assassin soit non humain, abject de la tête aux pieds, qu’il tienne plus du cobra que du lapin et on s’enfonce alors dans un réquisitoire abusif, délirant. Il faut ensuite des journées entières pour démêler l’écheveau hystérique de l’accusation et dégager enfin la vérité toute ...froide.

    Je pense que les soldats de France et d’ailleurs qui participent aux pelotons d’exécution ne tuent pas froidement. 
    Si ?
     









    • easy easy 24 novembre 2008 15:38

      Arthur,
      J’ai commenté un adjectif important du texte, en posant que cet adjectif ne sera probablement accepté par aucun tueur, qu’il tient plus de l’hystérie que de la vérité et qu’il pollue donc la vérité des faits. Je ne vois pas en quoi cette réflexion serait moins dans le sujet que le relevé de vos températures.


    • otekwen 27 novembre 2008 19:26

      Easy,

      Je crois que le but dans cet article n’est pas de prendre partie pour qui que ce soit, ni pour la victime, ni pour le tueur. Mais si tu vivais en Afrique notamment dans le Sud Kivu, tu verrais comment les militaires et les miliciens tuent les gens. Tu verrais comment les droits de l’homme sont bafoués. Ce jour là , tu te tairas et regretteras d’avoir fait un tel commentaire. Otekwen.


    • easy easy 29 novembre 2008 16:50

      Otekwen,
      La guerre, je l’ai vécue de près mais la question n’est pas là car je ne vois pas le rapport. Je ne vois pas en quoi le fait d’avoir vu ou vécu de près une guerre où il n’y a plus que des abus, donnerait titre ou droit pour parler du problème que je pose et qui n’a rien à voir avec le fond du sujet.

      Concernant un texte, on peut discuter de son fond et aussi de sa forme. Sur le fond du sujet principal, je n’ai rien à en dire puisque l’idéal, pour en discuter serait de connaître tous les tenants et aboustissants comme on dit..
      Par contre je peux facilement discuter de sa forme puisqu’elle se produit là sous mes yeux et que ses preuves sont indélébiles

      Et bien avec mes yeux, je vois que l’auteur, sans même le réaliser probablement, cherche à influencer son lectorat en débordant du factuel et en moulinant dans l’émotion.

      Lorsqu’on est écrivain, là je pense à Dostoïevski, on raconte la pensée des personnages, sans complexe puisqu’on les a inventés. Ils sont comme on les a fait, ils sont nos marionnettes et nous les faisons penser, parler, agir à notre guise d’auteur. Aucun problème. Faut juste que ça tienne la route.
      Mais quand on est journaliste, on se fourvoie et on manipule, en accordant aux personnages des pensées, des sentiments, des émotions qu’on imagine.
      .


  • ZEN ZEN 24 novembre 2008 13:27

    Cette triste nouvelle a sans doute un rapport avec cela...


  • Nathan Nathan 24 novembre 2008 13:56

     L’assassinat de journalistes est un des facteurs principaux distinguant une démocratie d’une dictature ... Le Congo RDC n’aurait donc de démocratique que le nom ... Un peu comme une Russie d’Afrique en quelque sorte ... Le problème est que le régime de Joseph Kabila est soutenu par la France et que celle-ci ne manque pas une occasion de donner des leçons à la Chine ... Que fait Rama Yade ??


  • Annie 24 novembre 2008 19:32

    Il faut en général se méfier des pays qui ont démocratique ou populaire, dans leur nom. Mais il n’est pas tout à fait vrai que l’assassinat de journalismes est l’apanage des dictatures. Le Mexique répond à la définition d’un pays démocratique, avec des élections (même s’il y a parfois des recomptages, un sénat et une chambre des députés), mais c’est un des pays les plus dangereux pour les journalistes, rédacteurs, pigistes etc. qui sont régulièrement assassinés, et abandonnés au bord des routes ; sans oublier bien sûr de préciser que les responsables de ces meurtres ne sont jamais inquiétés.
    Mais il est vrai que le Congo comme le Rwanda se trouvent au centre d’une guerre de désinformation et de propagande et que les journalistes en sont, avec la vérité, les premières victimes.


  • fourminus fourminus 27 novembre 2008 01:03

    D’après des amis qui travaillent à radio Okapi : Didace a été tué le soir en rentrant chez lui.
    Quand les voisins de Didace ont entendu le coup de feu ils se sont terrés chez eux. Ils ont eu peur pour leur vie. Ca n’est que le lendemain matin qu’ils ont osé aller voir et qu’ils ont trouvé le corps du journaliste.

    Didace a risqué sa vie pour informer les autres. Et il a fallu toute une nuit pour que l’on découvre son corps...
    Voilà qui en dit long sur les dangers du journalisme en RDC quand on est Congolais.

    Toutes mes pensées aux journalistes de radio Okapi, en particulier ceux de Bukavu...
     smiley


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