mercredi 12 mai 2010 - par Délits d’Opinion

Le web politique est-il « de gauche » ?

Deux études récentes semblent le confirmer : les sympathisants de gauche et d’extrême-gauche sont davantage actifs sur Internet que ceux du centre et de la droite.

Dans la première vague de son Baromètre des usages sociaux et politiques du web, réalisée en septembre 2009 pour le think-tank Temps Réels, TNS Sofres estime que 45% des internautes ont une pratique politique d’Internet (signer une pétition, consulter le site d’un parti, participer à des discussions politiques, etc.), ce qui représente 30% de l’ensemble des Français.

Des sympathisants de gauche plus actifs politiquement sur Internet que ceux de droite

Résultat le plus croustillant, il semblerait que la proximité partisane soit l’un des facteurs les plus corrélés aux pratiques politiques (avec l’âge, le sexe et le niveau de diplôme notamment). Ainsi, 54% des sympathisants d’extrême-gauche et 47% des sympathisants de gauche exerceraient au moins une des formes de pratiques politiques décrites dans l’étude, contre seulement 42% des sympathisants de droite. L’IFOP, dans son Observatoire de la netcampagne réalisé en décembre 2009, confirme également cette tendance, en avançant des chiffres voisins.

Nous voici donc face à un résultat apparemment fiable, qu’il s’agit maintenant d’interpréter…

On pourrait objecter que ce résultat est fallacieux, qu’il ne fait que refléter le poids des jeunes générations sur Internet, jeunes générations généralement plutôt marquées à gauche qu’à droite. Il semblerait néanmoins qu’une analyse poussée des données détaillées permettrait d’écarter cette hypothèse.

On pourrait ensuite être tenté d’avancer une raison « structurelle » à cet avantage de la gauche sur la droite. La culture militante, active et prosélyte serait davantage ancrée à gauche qu’à droite, dans un imaginaire et un terreau plus fertiles : révolutions, grèves, agit-prop, mai 68, action syndicale…

C’est cependant un peu court, comme explication. On pourrait objecter avec raison que les deux bords politiques ont fait des efforts importants au cours des douze derniers mois. En témoignent le lancement des plateformes en ligne de sympathisants la Coopol au PS et les Créateurs de possible à l’UMP, sans oublier, au centre, les Démocrates du Modem.

On pourrait enfin avancer une autre raison, plus « conjoncturelle ». La gauche est dans l’opposition depuis 2002, la nécessité de faire entendre sa voix se fait plus pressante. D’autant plus sur le web : il représente une alternative bienvenue aux grands médias traditionnels, dont l’appartenance pour beaucoup d’entre eux à de grands groupes industriels froisse les sensibilités de gauche.

Le paradoxe d’un « activisme pessimiste » à gauche

Mais le fait le plus frappant est que cette enquête TNS Sofres fait ressortir que ce sont ces mêmes sympathisants de gauche qui se montrent les plus méfiant vis-à-vis de l’influence d’Internet sur la vie politique, alors qu’ils sont les plus actifs sur la toile. A quoi attribuer cet « activisme pessimiste » ?

Là aussi, y aurait-il un effet de structure : il y a à droite plus de personnes âgées et moins d’internautes, donc probablement plus de réponses de complaisance ou mal informées ? Rappelons que l’étude a été réalisée en face-à-face : n’y a-t-il pas un « effet enquêteur » à l’œuvre, le « vieux » sympathisant UMP n’osant pas répondre « pas du tout d’accord » aux questions sur l’influence d’Internet, de peur de paraître vraiment « à côté de la plaque » ?

Ou bien, comme l’avance Pierre Jougla de TNS Sofres dans un article de L’État de l’opinion 2010 consacré à cette étude, est-ce que les sympathisants de gauche, « plus actifs mais ayant subi deux revers coup sur coup, seraient donc plus prompts au scepticisme quant à l’influence qu’a leur mobilisation sur Internet dans la vie politique » ?

Pour y voir plus clair, on aimerait que ces baromètres, premiers essais méritoires de cartographie des pratiques politiques sur Internet, permettent d’aller plus loin dans les analyses. Pourquoi pas des batteries de questions sur les valeurs, les opinions, les raisons du choix d’une pratique politique assidue sur le web – ou de son absence ? Ou bien, pourquoi ne pas ajouter un volet qualitatif à ces enquêtes, qui permettrait de saisir, à travers des entretiens approfondis en face-à-face, les parcours de ces internautes engagés, à gauche comme à droite, ainsi que les raisons de cet engagement ?

Internet, outil et média politique entré dans la maturité ?

Un dernier résultat de ce baromètre TNS Sofres-Temps Réel laisse en effet songeur : à la question sur les pratiques politiques d’Internet, nombreux sont les Français qui répondent que non, ils n’ont jamais eu recours à ce type de pratique, et « ne pensent pas le faire à l’avenir ». Doit-on en conclure que le réservoir de mobilisation pour de nouveaux internautes militants est faible ? N’est-ce pas un premier signe de maturité du web politique, même ténu ?

L’Observatoire IFOP cité plus haut montre que les Français ont eu davantage confiance en la télévision (26%) qu’en Internet (20%) pour les informer sur la campagne des régionales, et qu’Internet n’arrivait qu’au quatrième rang des médias les plus utiles pour faire son choix aux élections, derrière la presse écrite régionale, la télévision et la radio.

Faut-il y voir un signe que le web a déjà atteint une forme de maturité, et trouvé sa place quasi-définitive dans le paysage médiatique et politique français ? Ou lui reste-t-il encore des réserves de croissance, notamment du fait de la poussée des jeunes générations « connectées » (les fameux Digital Natives) ? Encore faudrait-il que ces jeunes portent un intérêt aussi significatif à la politique « dans la vraie vie » qu’à Internet en général, ce qui est une autre paire de manches…



11 réactions


  • jako jako 12 mai 2010 12:35

    Normal , question d’age sans doute aussi


    • Hadrien Hadrien 12 mai 2010 13:26

      On peut effectivement s’interroger sur l’âge des tenants du système bipartisan, avec deux blocs écrasants toutes les alternatives.

      Je dirais des personnes assez âgées qui ont connu toute leur vie la prospérité, le plein emploi, et une vraie différence entre la droite et la gauche. Différence qui n’existe plus.

      J’ai pris comme exemple le président socialiste grec, mais j’aurais pu dire DSK, banquier en chef du FMI et il y en a d’autres. Quelle différence dîtes moi ?


    • matthius matthius 12 mai 2010 18:02

      La realite est que la droite a mis en place une propagande liberale en 1974. Dassault lui a forme des economistes aux liberalisme economique. Fabius, Strauss-Kahn, Delors faisaient partis de ces economistes liberaux.

      Pourtant les sondages mettent en avant Strauss-Kahn. Pourtant il est redoute au sein du PS. Certes Martine AUBRY dit qu’elle est de la gauche de la gauche. Mais elle fait du liberalisme humain et ne parle nullement de rendre le peuple souverain. Segolene Royal a tente de rendre le peuple souverain avec le participatif, mais le peuple ne croyait pas encore au web.

      La realite est que plupart des votants sont abrutis par le discours du liberalisme economique, qu’ils y croient ou pas. Ce discours est encore et toujours assimile par ceux qui ne croient pas au web. Comment peut-on vouloir une societe si on ne sait pas laquelle creer ?


  • Hadrien Hadrien 12 mai 2010 13:14

    Qu’est-ce que ça veut dire aujourd’hui la droite et la gauche ?

    Cette notion du 20ème siècle m’échappe quelque peu dans le contexte actuel où le président Grec est aussi le président de l’Internationale socialiste.

    Aujourd’hui le clivage c’est l’information souverainiste (le pouvoir au peuple), contre les autres (ultra-libéraux et leurs supplétifs de la gauche bobo et de la droite bobo).

    Si vous restez dans cette grille d’analyse bipartisane qui s’appliquait après la seconde guerre mondiale, vous risquez de vous faire enfumer sévère. Et je pense que c’est ce qui va arriver incessamment sous peu.


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 12 mai 2010 13:16

    La droite c ’est camembert alors que la droite c ’est merdenbarres .....


  • ZenZoe ZenZoe 12 mai 2010 13:24

    Les « ceux-de-droite » sont plus occupés à gagner leur vie (avec des moyens divers : emploi, boursicotage) et les « ceux-de-gauche » sont plus ccupés à commenter la leur ?


  • manusan 12 mai 2010 16:06

    Normal, internet est devenu le troquet d’autrefois où on refaisait le monde.


  • Ilan 12 mai 2010 16:57

    tout à fait d’accord...D’ailleurs voici une contribution que l’Ars combat à publié concernant l’intiative NO SARKOSY DAY :

     COMMUNIQUE ARS COMBAT SUR NO SARKOSY DAY
    No-Sarkosy day pour une alternative positive !

    Un collectif s’est créé autour du rejet de l’actuel serviteur de la bourgeoisie, Nicolas Sarkosy, président de la république, présenté comme le seul responsable des attaques contre la classe salariée.

    Aucune alternative n’est proposée par ce collectif.

    Il est reproché à Nicolas Sarkosy de mettre en péril « les valeurs communes de la République » ?. Cet appel élude que les causes du mécontentement de la classe salariée sont fondés sur son exploitation qui découle des rapports de propriété des moyens de production et d’échange !

    Le véritable pouvoir ne se situe pas à l’Élysée ou à l’Assemblée nationale, mais dans les conseils d’administration des grandes entreprises ! Nicolas Sarkosy en France, de droite, comme Nicolas ZAPATERO en Espagne, de gauche, tout comme hier en France les divers gouvernements de la gauche plurielle, ont prouvé qu’ils sont tous au service des intérêts de la classe exploiteuse, la grande bourgeoisie.

    Du point de vue des marxistes révolutionnaires, trotskystes, l’issue à la crise du capitalisme, une crise de surproduction, ne se résoudra pas par un simple changement banal de personnel politique à la direction d’un État au service du Capital, et ce quelques soient les étiquettes ou références dont ces politiciens se réclament.

    Seul un gouvernement des travailleurs issus des seuls conseils ouvriers sera en mesure de casser la dictature du capital dans les usines, pourra libérer les forces productives, relancer la production aux seuls bénéfices des travailleurs, partager le travail entre toute les mains, mettre en place l’échelle mobile des salaires !

    Nous, les travailleurs, les producteurs, nous n’avons strictement rien à attendre des politiciens corrompus qui briguent la direction de l’État bourgeois  ! Tous unis dans les usines nous imposerons notre pouvoir, nous construirons notre État et nous mandaterons nos élus pour appliquer notre programme, le programme communiste, celui que propose l’ARS COMBAT.

    POUR CEUX QUI SOUHAITENT EN DEBATTRE AVEC NOS MILITANTS CONTACTEZ NOUS AU 06 47 46 19 04

    Portail de l’ARS COMBAT : http://www.ars-combat.fr

    Liens sur le programme de l’ARS COMBAT

    http://ars-combat.fr/prg.php

    Lien sur le journal n°52 de l’ARS COMBAT format pdf

    http://ars-combat.fr/page_journal/image/image_journal/combat52.pdf

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  • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 12 mai 2010 18:54

    Les notions de droite et gauche sont plus que biaisées.

    Quand une bonne partie de la gauche et les conservateurs souverainistes votent ensemble.
    Quand la haine, l’ostracisme et la jalousie sont le moteur de l’extrême gauche et de l’extrême droite.
    Quand la droite conservatrice est aussi « colbertiste » que les sociaux-démocrate.

    • On peut parler de ceux qui veulent changer la société quitte à « ré-éduquer » l’Homme à leur idée.
    • De ceux qui veulent que rien ne change, pour protéger leurs positions et avantages.
    • Et enfin, de ceux qui veulent que chacun, par son initiative personnelle, fasse bouger les chose, sans rien imposer au autres.

    Dans ce cas, cela fait trois groupes : Les socialistes, les conservateurs et les libéraux.

  • yvesduc 12 mai 2010 21:21

    Un autre élément d’explication : la politique en général virant de plus en plus à droite, la contestation devient dès lors plus naturellement de gauche.


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