mercredi 26 avril 2006 - par jean charles espy

Médiamétrie est-il devenu archaïque ?

En 2005, 9700 entreprises (appelées dans le jargon professionnel « annonceurs ») ont dépensé, pour soutenir leurs marques, 5,5 milliards d’euros en publicité télévisuelle et 2,5 milliards en radio (source Yacost).

Pour déterminer l’écoute et donc la survie des émissions TV et radio, un baromètre a été créé en 1985, appelé Médiamétrie. Afin d’assurer la pluralité et l’impartialité de l’institut, le capital de l’entreprise privée est réparti entre différents intervenants : 62% par les médias (France Télévision 22,79%, Radio France 13,34%, TF1 10,75%, RMC et Europe1 5,38% chacun, RTL 2,69% et Canal+ 1,4%), 23,28% par les publicitaires (Publicis Conseil et Aegis France 6,67% chacun, Havas 6,67%, DDB et FCB 1,61% chacun), 11,72% par l’UDA (Union des Annonceurs), 2,79% par l’INA et enfin 0,44% par Jacqueline Aglietta, la présidente de l’institut de sondage.

Chaque matin, au sein des médias, un rituel se crée, l’analyse, par Mediamétrie, des chiffres d’audience des programmes diffusés la veille. Un rituel lourd de conséquences, un mauvais score et c’est la mort à court terme pour l’émission qui n’a pas réussi à séduire le public visé. A l’inverse, un bon score assure des revenus publicitaires en hausse. Ainsi va notre univers cathodique et radiophonique. Pourtant, depuis quelques mois, la zizanie règne au sein de ce monde consensuel et feutré, et il aura fallu la conjonction de 3 événements pour délier les langues.

Tout d’abord, la mise en place, par l’opérateur Free, à la rentrée 2005, d’une mesure d’audience d’un nouveau type identifiant la chaîne regardée par les foyers abonnés, à la seconde près. L’information ainsi disponible en temps réel est une véritable révolution, certes limitée aux équipements numériques et donc non représentative de l’ensemble de la population. Mais cette nouvelle approche rend totalement obsolète le panel Médiamat qui analyse quotidiennement, via un boîtier, 3150 foyers, l’audience télé. Certes, ce panel dans son principe est représentatif, mais l’outil est perçu par l’ensemble de la profession comme archaïque devant le chamboulement des habitudes télévisuelles de nos concitoyens. Les comités « audiométrie » passent leur temps à jongler avec des acrobaties statistiques, à gonfler certains échantillons pour les corriger ensuite. Médiamat tient compte de manière très partielle des transferts télé/Internet, des offres satellite et câble, du développement exponentiel de la TNT, de l’évolution de la consommation nomade (télé via téléphone, podcasting) et de l’extension de la bande FM.

Deuxième événement « anti-médiamétrie », l’arrivée à échéance du mandat de la présidente Jacqueline Aglietta et sa candidature (à 64 ans !) pour un nouveau mandat. Outre l’âge du capitaine, qui peut laisser perplexe face à l’ampleur des chantiers à mener, la reconduction de Mme Aglietti nécessiterait un changement de statut (limite d’âge à 65 ans). Or il semblerait que France Télévision, Radio France et les différents actionnaires de l’orbite Bolloré (Aegis et Havas) souhaitent le changement. Ils représentent, réunis, 49 % des actionnaires et plus de 50% des voix.

Enfin le dernier événement de cette révolution annoncée, étroitement lié aux 2 précédents, se situe au niveau de la fronde des intervenants de la TNT. Selon eux, le panel Médiamat n’arrive pas à suivre l’équipement croissant des adaptateurs TNT estimés à ce jour par GFK à 1,4 millions et par MPG à 2,4 millions. Bertrand de Lestapis, PDG de cette dernière estime, dans Le Figaro « qu’on peut s’interroger sur la fiabilité d’une mesure réalisée par un échantillon de 150 audimètres alors que 2,5 millions de récepteurs TNT sont déjà en circulation (...) Le système français est à bout de souffle ».

Le doute est semé. L’objectivité de Médiamétrie, véritable monopole, est de plus en plus remise en cause. L’organisme doit-il jouer un véritable rôle d’arbitre en créant les outils le plus pertinents possible, ou bien continuer à ne fournir que les chiffres favorables à leurs clients et actionnaires ? En clair, doit-il et peut-il casser l’instrument qui a fait la fortune des médias ? D’un autre côté, on assiste à la grogne des publicitaires, et surtout de leurs clients annonceurs, lassés de disposer d’informations tronquées ou incomplètes. A l’heure où le retour sur investissement du moindre euro doit être établi, les informations fournies aux publicitaires et surtout à leurs clients, les annonceurs (ceux qui paient !), devraient être d’une fiabilité totale. Mais « admettre aujourd’hui que l’outil de mesure est imparfait serait reconnaître que, depuis des années, ils paient pour quelque chose qui n’en vaut pas le prix, c’est impensable », lâche-t-on en off au siège d’une chaîne de télévision.

Est-il inenvisageable de mettre en place en 2006, comme le demande l’UDA, une base unique d’audience de la télé qui réunirait les chaînes historiques, celles de la TNT, du câble et du satellite, quelles que soient leurs plates-formes de réception ? Une évidence, la redéfinition de la mesure d’audience est rendue nécessaire par la multiplication des supports et des modes de consommation de la TV.



6 réactions


  • Ph4nt0w (---.---.120.205) 26 avril 2006 12:31

    Mediametrie est le nerf de la guerre au coeur d’un système de la course à l’audimat. Avec la télé « à la carte » (timeshifting, VoD) ce système de mesure doit paser au numerique ou mourrir.

    Mediametrie est au coeur de toute la stratégie publiciataire télévisuelle.

    Une sombre question pointe alors dans la tête de tous les « annonceurs »..

    Et si, en fait, les gens ne regardaient plus du tout 20h ?

     smiley


  • Dubitatof (---.---.83.158) 26 avril 2006 13:03

    La fin de Médiamétrie telle qu’elle est actuellement permettrait peut-être à un système plus efficace de mesure de voir le jour faisant ressortir les vrais choix des téléspectateurs.

    J’espère que nous pourrions assister à une petite révolution cathodique visant à améliorer la qualité des programmes en montrant qu’on n’est pas tous accros aux jeux débiles, aux émissions de télé-réalité plus dégradante les unes que les autres pour notre intellect ou à la désinformation véhiculée par certaines émissions.

    Le fait que la mesure de l’audience soit aussi moyenageuse devrait faire un petit déclic dans le service com des annonceurs qui paient sans en connaître le prix réel...encore une preuve de notre efficacité...

    Si la télévision était utilisée correctement on la regarderait peut-être différemment, donc le jour où un système mesurera plus exactement ce que nous regardons, tâchons de l’utiliser à bon escient.


  • (---.---.162.15) 27 avril 2006 09:52

    En tout cas, pour les abonnés de Free, la mesure d’audience de TF1 et de M6 est toujours la même et très stable : 0%. Tant pis pour les retardataires arrogants !

    Am.


  • Pierre Boni (---.---.156.193) 28 avril 2006 15:55

    Très bon article. Il suffit de regarder la composition des chaînes présentes au capital pour se rendre compte qu’il y également là un décalage par rapport au nouveau paysage télévisuel que nous connaissons. Rien de surprenant à voir par exemple toutes les contestations sur les mesures d’audience des nouvelles chaînes de la TNT, qui sont venues troubler les acquis des grandes chaînes hertziennes historiques. Quant aux autres nouveaux modes de distribution, satellite, adsl, et autres, n’en parlons même pas.


  • nono (---.---.94.25) 2 mai 2006 10:59

    Mediametrie est a coté de la plaque par que sur l’audimat.. Je fait partie du panel consommateur. J’ai donc chez moi un scanner de code barre.

    je doit scanner tous mes achats... et c’est une catastrophe dans mon cas en 1 an

    j’ai été obligé changer 3 fois de scanner et de leur retourner car il est tomber 3 fois en panne..

    Je ne sais pas si je suis un cas isolé, mais je suis plus que surpris de ce choix technologique couteux et qu’ils ne maitrise pas (dans mon cas) surtout qu’il aurait équipé une partie du panel qui a internet d’un scanner a douchette usb ca coutait moins cher que leur scanner actuel..

    La je commence a en avoir ras le bol de retourner en colissimo tout les 4 mois leur scanner a code barre... je pense que jevais quitter leur panel ... je veux bien etre dans un panel mais pas si c’est aussi contraignant et que la technologie est pas maitrisé...


  • VIEILLERIBIERE LAURENT (---.---.45.157) 5 janvier 2008 18:47

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