samedi 11 août 2012 - par Sylvain Rakotoarison

Michel Polac (1930-2012) : provocateur clivant et grognon cultivé

Quel malheur pour un homme de lettres de mourir la première quinzaine du mois d'août ! Je ne sais plus quel écrivain remarquait que le comble de l’horreur pour la postérité, c’est de tirer sa révérence quand les journalistes font trempette sur la plage…

Je l’imagine une pipe à la main, son gilet un peu négligé sur les épaules, l’air bonhomme avec la cravate d’une personne qui ne met pas de cravate, la moustache encore conservée, les lunettes au bout du nez, se tenir devant saint Pierre ou même devant Dieu, dans les nuages, et lui vendre une nouvelle émission pour distraire et égayer un peu les cieux. Il engagerait Reiser, Effel ou même Faizant, pourquoi pas ? pour faire des dessins humoristiques en éternité réelle.

Michel Polac est arrivé dans les lieux, à ces cieux, le mardi 7 août 2012. Le visage déjà bien buriné et malade par les 82 ans d’une existence qui l’a conduit à l’écriture, au journalisme et au cinéma. Neveu par alliance d’André Malraux, épaulé par Jean Paulhan et Albert Camus, il sortit son premier roman à 26 ans. L’année précédente, il avait commencé sa première émission dans l’audiovisuel, avec "Le Masque et la Plume" encore diffusée sur France Inter.

En tout, dix-sept romans et essais et treize films ou téléfilms, dont un documentaire réalisé en 1969 sur Céline qui a été rediffusé récemment sur une chaîne câblée.

Il a acquis une grande notoriété en animant l’émission "Droit de réponse" sur TF1 d’avant la privatisation, tous les samedis soirs. C’était une émission tardive, le premier talk show à la française. La première émission a eu lieu le samedi 12 décembre 1981 et Michel Polac est même parvenu à la préserver après la privatisation de la chaîne mais l’émission n’a pas duré à cause d’une de ses provocations contre son nouveau patron, Francis Bouygues, en septembre 1987.

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Et justement, je n’aimais pas trop ses émissions qui cultivait trop facilement la provocation, qui clivait méchamment et sans justification, parfois avec arbitraire et gratuité. Une émission où l’on pouvait fumer allègrement jusqu’à empester le téléspectateur. J’ai souvenir de provocations mutuelles sans intérêt avec des invités comme Jean-Edern Hallier (mis sur écoute par l’Élysée). Parmi les invités réguliers, il y a eu notamment les journalistes Dominique Jamet et Noël Copin.

Mais il faut reconnaître qu’il y avait de bonnes émissions, qui dépendaient surtout de sujets moins polémiques et d’invités plus consensuels. Je me rappelle Edgar Morin (qui fut parmi les invités de sa première émission) qui parlait étonnamment de physique quantique pour le grand public (c’était vers 1985 et j’étais surpris de voir un philosophe sociologue prendre en compte les nouveaux enjeux intellectuels résultant de la physique quantique).

Frédéric Taddeï est probablement celui qui a le mieux continué dans cette veine, avec "Ce soir (ou jamais !)", diffusée depuis le 25 septembre 2006, émission à mon goût un peu trop franchouillarde et boboïsante, parfois très agaçante mais sans tabac désormais.

Les dernières interventions télévisées régulières de Michel Polac furent dans l’émission de Laurent Ruquier "On n’est pas couché" du 16 septembre 2006 au 9 juin 2007 où il jouait le rôle de chroniqueur aux côtés d’Éric Zemmour.

Enfin, pour être complet, Michel Polac avait écrit en 2000 un récit titré "Journal" qu’il aurait "honoré" un jeune garçon d’une dizaine d’années dans un lit de chambre d’hôtel. Vrai ou faux ? Peut-être vrai mais pas forcément tant la part de fiction dans un écrit personnel peut prêter à discussion, surtout lorsque son auteur est un polémiste professionnel. C’est le genre de confidences littéraires dont la réalité exacte des faits n’est pas vraiment établie même si elle est revendiquée, un peu comme ce fut le cas pour Frédéric Mitterrand et la polémique qui suivit bien après la publication (qui avait à peine fait réagir) parce qu’il était devenu ministre.

Le seul fait d’avoir écrit des faits dans un roman ne constitue pas en l’espèce la preuve d’un délit ou d’un crime, d’autant plus qu’il n’y a jamais eu aucune plainte ni aucune précision sur l’identité de l’éventuelle victime (la police a déjà eu beaucoup de cas où certains innocents s’autoproclamaient coupables ; ce n’était pas suffisant pour les condamner). Par ailleurs, s’ils étaient avérés, les faits seraient déjà prescrits puisqu’il évoquait ses 40 ans (il y a donc quarante-deux ans).

Maintenant qu’il est sous terre, ou sur les nuages, la polémique n’a plus lieu d’être. Même pour les plus cruels des assassins, la justice s’arrête au seuil de la mort. Cette mort emporte les secrets, parfois puants, parfois vides de sens, parfois simplement polémistes. Si les faits étaient vrais, bien sûr que ce serait moralement insupportable, mais qui serais-je pour me proclamer procureur au-delà de cette terre ? Je ne peux réagir en conscience que sur des éléments factuels établis clairement par une justice indépendante. Pas sur des suppositions certes crédibles mais avant tout littéraires, et qui pourraient tout aussi bien sortir de l’imaginaire d’un cerveau avide de créer la polémique.

Homme clivé et clivant, cultivé et cultivant la grognerie à l’état d’art, Michel Polac aura au moins suscité le débat il y a une trentaine d’années dans une société qui s’ouvrait timidement à la liberté d’expression dans le paysage audiovisuel. Nul doute que son nom restera associé au sommet de celle-ci, de cette liberté, aux côtés d’autres polémistes comme Thierry Le Luron et Coluche, morts avant "Droit de réponse", avant que le "politiquement correct" ne reprît le dessus dans nos contrées.

Michel Polac aura été, avec Bernard Pivot entre autres, l’un des animateurs qui a le plus marqué la télévision française des années 1980. « Touche-à-tout, il a fini par toucher terre. » est l’épitaphe qu’il s’était rédigé pour compléter la tombe qu’il occupera à partir de ce vendredi 10 août 2012 à Cabrerolles, dans le Languedoc-Roussillon.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 août 2012)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Edgar Morin.
Albert Camus.
Frédéric Mitterrand.
Louis-Ferdinand Céline.
Bernard Pivot.
Thierry Le Luron.
Noël Copin.

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10 réactions


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 11 août 2012 11:21

      Polac était quand-même autre chose qu’un pédophile (même si ce point prête à contestation).


      Cela dit, la pédophilie n’a pas toujours eu aussi mauvaise presse qu’aujourd’hui. Elle était même à la base de la pédagogie socratique dans l’Athènes antique où le maitre aimait son élève aussi étroitement que possible ! 
      Et le prix Nobel André Gide, l’homme de gauche, la grande conscience universelle, auteur de la Porte étroite mais aussi de Corydon, sut « aimer » à une époque, les petits Maghrebins qui acceptèrent de se laisser « honorer » !

      Si Polac fut, hélas !, pédophile, il ne fut pas que cela et il se trouva en bonne compagnie !


    • flesh flesh 12 août 2012 11:22

      Mine de rien vous traitez les anciens grecs et Gide de pédophiles, alors qu’ils ne l’étaient absolument pas. Ils étaient en vérité des pédérastes. Beaucoup l’ignorent mais la pédérastie est beaucoup plus acceptable puisqu’ils s’agit de l’amour des jeunes... pubères


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 12 août 2012 19:30

      Et alors ? Polac était un pédéraste et non un pédophile !!! Il n’a jamais dit qu’il violait les petits enfants ! Quand à la nubilité, elle est considérée à partir de quel âge chez nous, et dans les pays méditerranéens ?


    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 12 août 2012 19:32

      Je rectifie : il est question littéralement de « pubères ». Alors à quel âge la puberté ?


    • flesh flesh 12 août 2012 20:28
      Et alors ? Polac était un pédéraste et non un pédophile !!! Il n’a jamais dit qu’il violait les petits enfants ! 

      C’est vrai.. il a seulement dit qu’il éjaculait sur leurs fesses. 

      il est question littéralement de « pubères ». Alors à quel âge la puberté ?

      Pour les garçons, dès qu’on a les couilles assez pleines pour être papa, c’est à dire en moyenne 14, donc un peu plus que « 10, peut-être moins » selon Polac.

  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 11 août 2012 11:10

    « C’était une émission tardive » écrit l’auteur. Non ! Il me semble qu’elle était diffusée à une heure de grande écoute, vers 20h30. Je me souviens de notre stupeur, syndicalistes « gauchistes » sortant d’un de nos « collèges » pour aller dîner chez un petit restaurateur maghrebin non loin de la place Alligre de Paris, quand en mangeant notre couscous, nous avons découvert l’une des premières de « Droit de réponse ». Cette liberté de ton, ce joyeux fouillis, à la télévision d’état, c’était vraiment la preuve d’un changement...

    Il est possible qu’on l’ait retardé par la suite avant de la supprimer pour crime de lèse employeur...

  • ricoxy ricoxy 11 août 2012 19:28

    A une époque où des gamins de plus en plus jeunes alimentent les chroniques de la délinquance, cela sied mal de jouer les pères-la-vertu ; Michel Polac était ce qu’il était, c’est-à-dire un homme qui a marqué la vie culturelle de son temps, un point c’est tout. Et on se fout totalement de ses choix ou orientations.


    • Antoine Diederick 11 août 2012 21:56

      "A une époque où des gamins de plus en plus jeunes alimentent les chroniques de la délinquance, cela sied mal de jouer les pères-la-vertu"

      Qu’est -ce- à dire ?


    • ricoxy ricoxy 12 août 2012 12:53

      C’était une réaction à un commentaire qui, curieusement, n’apparaît plus, et qui traitait Michel Polac de tous les noms.


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