mardi 26 mai 2009 - par Nicolas R

Mixi : le réseau social du futur ?

Dans le monde des médias sociaux, il est un réseau qui préfigure peut être l’avenir de ce secteur : il s’agit de Mixi.

Mixi ? C’est le premier réseau social au Japon. Lancé en 2004, il a déjà séduit un internaute japonais sur 5 (15 millions de membres) et génère 14 milliards de pages vues mensuelles, laissant loin derrière Myspace et autres Facebook dont les audiences japonaises sont très faibles (une domination que ces derniers tentent depuis peu de contester… même si l’on peut gager qu’ils auront probablement fort à faire).

Pour comprendre pourquoi Mixi est différent, il faut d’abord comparer ses audiences à celles de Myspace et Facebook, ainsi que nous l’avons fait dans le tableau ci-dessous :

 

On le voit, un membre Mixi consulte mensuellement près de 2 fois plus de pages Mixi que ne le fait un membre Facebook sur son réseau, et 4 fois plus qu’un membre Myspace ! (sans compter que pour Myspace, nombre de pages sont visibles mêmes pour les non membres, ce qui réduit encore le nombre de pages Myspace vues mensuellement par un membre Myspace).

En d’autres termes, l’implication des internautes sur Mixi est beaucoup plus élevée que sur Facebook ou Myspace : chaque membre produit et consulte plus de contenu que sur ces deux derniers.

Et de fait, sur Mixi, l’activité ne se borne pas à amasser les « amis » ou à envoyer des messages : sur le réseau japonais, le blogging est au centre. On y écrit beaucoup sur sa vie et ses goûts, et l’on y réagit beaucoup…

Un investissement communautaire élevé qui a des conséquences financières pour le moins importantes : Mixi, dont les revenus sont constitués par la publicité et la vente de services payants, peut se targuer d’un revenu annuel par membre bien plus élevé que celui de Facebook ou de Myspace. Avec un CA 2007 de 82,4 millions de dollars chez Mixi, contre 150 millions de dollars pour Facebook, le revenu annuel par membre Mixi est donc de 5,5 dollars, contre 1,7 dollars par membre Facebook… soit un revenu plus de trois fois supérieur !

Quelle est la recette de Mixi pour obtenir un tel investissement de la part de ses membres ? Elle réside probablement dans les spécificités de Mixi, lesquelles peuvent être résumées en un mot : la fermeture. En effet, contrairement à nos réseaux sociaux occidentaux, l’accès à Mixi est extrêmement fermé. D’abord parce qu’il fonctionne exclusivement par cooptation (si vous voulez vous y inscrire sans être parrainé par un membre, c’est tout bonnement impossible). Mais aussi parce que Mixi est en japonais. Uniquement en japonais. Ce qui restreint de fait l’utilisation de ce réseau aux seuls utilisateurs nippons (même si, depuis cette année, Mixi a commencé à s’intéresser à la Chine. Une fermeture qui s’est d’ailleurs encore accrue récemment, puisqu’en début 2008, Mixi a de fait restreint l’accès au réseau aux seuls japonais, en obligeant tout nouvel inscrit à disposer d’un numéro de téléphone portable nippon !

Résumons nous : d’un côté, un investissement communautaire de l’utilisateur Mixi particulièrement important, et de l’autre, un accès au réseau extrêmement fermé… Un paradoxe, vraiment ? Pas tant que cela, si l’on pose cette hypothèse : le climat « d’entre-soi » créé par ce haut niveau de fermeture accroitrait la confiance et l’échange au sein du réseau. Cette hypothèse tient-elle la route ? Il semble bien que oui, si l’on en croit les résultats de nombre d’expériences menées en psychologie sociale sur ce phénomène (l’une des plus récentes est par exemple celle-ci). Un phénomène pour lequel les chercheurs ont même créé un terme spécfique : le in-group bias , soit la tendance à faire confiance et à échanger préférentiellement avec les membres de son groupe d’appartenance (in-group) plutôt qu’avec des gens de l’extérieur (out-group).

Autre probable mécanisme psychologique en jeu, vieux comme le monde là encore : la rareté créatrice de valeur. Ici, l’accès difficile à Mixi lui confèrerait l’aura d’un lieu « précieux », où des choses ayant plus de valeur qu’ailleurs y sont partagées. D’où une propension à utiliser le réseau plus intensément une fois inscrit.

En d’autres termes, durcir les conditions d’accès semble intensifier :

  • le sentiment d’appartenance et la proximité entre membres : chaque membre est en effet passé par les mêmes épreuves « qualifiantes » que les autres (à savoir être choisi par un membre de la communauté), et chaque membre est assuré de n’y croiser que des personnes proches d’elle culturellement via l’accès rendu possible aux seuls japonais). Ce qui augmenterait au sein de la communauté la confiance réciproque
  • le sentiment que ce qui est partagé au sein du réseau a plus de valeur qu’ailleurs

… ce qui augmente la propension de chaque membre à y échanger un plus haut volume de contenus qu’ailleurs.

Et il est un autre constat chiffré qui vient renforcer cette hypothèse : le fait que l’investissement des membres Facebook est lui-même plus élevé que celui des membres MySpace (on a vu dans notre tableau qu’un membre Facebook consultait 2,5 fois plus de pages sur son réseau qu’un membre MySpace ; pour plus de détails là-dessus voir ici ). Or, Facebook est lui-même un réseau plus fermé que MySpace. En effet, pour consulter les pages des membres Facebook, il faut s’être préalablement inscrit (et encore, il faut que ces pages aient été rendues publiques pour les membres non « amis »), alors que pour MySpace, l’accès aux pages des membres est accessible aux non inscrits (seule la consultation des galeries photos nécessite généralement d’être inscrit). Là encore, un niveau de fermeture plus élevé semble donc bien générer un niveau d’implication plus élevé de la part des membres.

En utilisant ces constatations, on peut même dresser le petit graphique suivant :

Si ce raisonnement est opérant, alors on peut s’attendre à ce que l’évolution générale des réseaux sociaux aille effectivement dans le sens d’un accès plus fermé. Car à l’heure où des inquiétudes pointent leur nez au sujet de la rentabilité de MySpace et Facebook , il devient évident que ce n’est plus seulement le volume de l’audience qui déterminera la valeur d’un réseau social, mais surtout le revenu généré par utilisateur (notons au passage que si Facebook n’est toujours pas coté en bourse, Mixi et ses 5,5 dollars annuels de revenu par membre, l’est en revanche depuis 2006, ce qui n’est probablement pas un hasard). Lequel revenu généré par utilisateur est directement lié au taux d’utilisation du réseau par le membre (si j’utilise beaucoup mon réseau, alors la probabilité pour que j’y remplisse des formulaires opt-in, ou y achète des services payants, sera plus élevée). Dès lors, si le niveau de fermeture s’avère bel et bien un stimulant de l’implication du membre sur le réseau, alors le durcissement de l’accès aux réseaux sociaux pourrait dès lors devenir une évolution possible.

En poussant cette logique jusqu’au bout, cela dessinerait alors la typologie suivante :

Et vous ? Pensez-vous que le modèle Mixi préfigure l’avenir des réseaux sociaux ?

Nicolas Revoy

—> Nicolas Revoy est journaliste, consultant médias & nouveaux médias chez Think-Out Research & Consulting

—> Retrouvez toutes les analyses de Think-Out sur la mutations des médias dans le blog de Think-Out

 



17 réactions


  • eugène wermelinger eugène wermelinger 26 mai 2009 20:19

    Pas compris l’intérêt pour cet article nipo-japonais réservé à leur propre mafia. 


  • plancherDesVaches 26 mai 2009 21:47

    Bien vu, Eugène, mais allons plus loin.

    L’asiatique ne prend son pied que dans le virtuel. Ceci est assez connu car les Japonaises ont du mal à trouver un mari et sont obligées de ressembler à des mangas dans la vie réelle pour espérer intéresser un « potentiel » mari... Le pied.

    Les réseaux « sociaux »....
    Rien que le terme m’amuse.

    Pensez-vous sincèrement que vous sembliez connaître une personne rien que par ses écrits.... ????

    C’est accorder bien peu de cas à une relation de personne à personne. Dans la réalité.
    Cette relation vous ferait-elle peur... ????


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 27 mai 2009 13:03

      @ Plancher des vaches,

      " Pensez-vous sincèrement que vous sembliez connaître une personne rien que par ses écrits.... ???? Au début de mes interventions sur le ouaib, je ne trouvais que critiques négatives sans aucun argument. Mais après deux ans, ceux qui me lisent attentivement depuis le début, cooptent favorablement avec mes argumentations soutenues, et probablement aussi avec mes centre d’intérêts divers et variés, dont particulièrement Eugène.

      " C’est accorder bien peu de cas à une relation de personne à personne. Dans la réalité. Cette relation vous ferait-elle peur... ???? La meilleure preuve que non, est que Eugène est la première personne intéressée par mes écrits à s’être déplacée vers mes chambres d’hôtes pur une réelle visite, suite à l’intérêt porté envers mes articles. 

      @ l’auteur,

      votre comparatif me fait dire que plus les contenus sont importants, plus ils génèrent des flux de publicité racoleuses comme elles apparaissent désormais sur ce site. m’est avis que les acteurs des sites capables de supporter ces pubs continuelles ne sont pas les plus développés mentalement et donc les plus soumis à la pensée unique lobotomisante de ces systèmes. Notez bien, je dis cela bien que je n’y ailles pas y mettre mon nez...

      @ la direction Agoravox,

      j’aimerais bien savoir votre avis sur le contenu de cet article, en chiffres et en opinion quant à l’évolution de votre site ?

      @ Eugène,

      je vais arrêter d’écrire, tout est déjà clairement dit dans ton puissant livre.

      Cordialement. L.S.


    • eugène wermelinger eugène wermelinger 27 mai 2009 13:39

      Merci Lisa, et surtout continue d’écrire. Nous avons tous une vue différente parceque nous sommes placés autrement. Et c’est en juxtaposant nos témoignages que l’on découvre les faces cachées de la réalité. 


    • plancherDesVaches 27 mai 2009 13:56

      Le ternet permet d’avoir des avis multiples qui vous et nous éclairent. Ceci est justement en train de se faire museler par notre gouvernement. (parano ce gouvernement, non ??? Mais il me connaissent et je ne peux leur donner tort....)

      Et donc, merci à vous deux de me donner un exemple qui appuie mes dires.
      Et je suis comme vous. Ayant rencontré ma compagne actuelle par le net et ayant des ami(e)s QUE JE SUIS ALLE RENCONTRER dans toute la France. J’ai la capacité de traverser la France pour rencontrer les gens et visiter ma famille (je suis quelque part, un grand voyageur smiley )

      Ainsi, comme vous, je ne peux concevoir de qualifier d’ami une personne que je ne connais que par ses écrits.
      Certes, parmi les communautés d’informaticiens auxquelles j’appartiens, je passe pour un extraterrestre.
      Sainte IRL, je prie pour vous smiley


  • Lapa Lapa 27 mai 2009 01:04

    les réseaux « sociaux » sont l’une des plus grosse arnaque du web. Aucun intérêt.


    • Capone13000 Capone13000 27 mai 2009 17:54

      je confirme, ils ont cependant un intêret, celui de pouvoir collecter une exceptionnelle base d’informations des plus détaillées.

      Il suffit de choisir un champs (allez par exemple imaginez un groupe s’appellant : je suis contre mon gourvernement) pour que le listing complet avec nom, adresse, téléphone, messages et commentaires recus et envoyés soit édité et prêt à l’emploi pour d’éventuelles répressions de la police ou de milices privés.

      Génial les réseaux sociaux, et dire que comme d’habitute les gens ne voient que le cotés ludiques, pendant ce temps là, ceux qui les créent ne les voient pas de la même manière et savent parfaitement quel va en être l’intêret.


  • eugène wermelinger eugène wermelinger 27 mai 2009 08:18

    En somme : allez voir « là-bas » si j’y suis, moi je reste sur « le plancher des vaches ».

    Un peu dur dur pour Nicolas Consulting.
    Fera mieux une prochaine fois en nous parlant d’Ipernity, produit français. 

    Résultats de recherche
    1. ipernity - Wikipédia
      ipernity a été développé à Sophia Antipolis et a nécessité deux années de programmation et de tests. En mai 2006 une version alpha a été mise en ligne. ...
      fr.wikipedia.org/wiki/Ipernity - 36k 

  • Topaloff Topaloff 27 mai 2009 08:33

    Il aurait été déjà intéressant de comparer les contenus de Mixi et Facebook, et moins les contenants. L’aspect restrictif de l’accès à beau être là, il faut quand même un attrait substantiel pour l’internaute dont je ne connais toujours pas le secret à la fin de ma lecture.


    Comment le site peut généré 5x plus de recettes ? Il y a bien une technique quelque part....

    Vous êtes parti dans une comparaison reposant en grande majorité sur des chiffres et c’est dommage. Vous ne vous êtes pas demandé que si Mixi était plus fréquenté c’était peut être culturel voir par chauvisme ?

    Quand je lis ça, j’ai peur : « Mixi a de fait restreint l’accès au réseau aux seuls japonais, en obligeant tout nouvel inscrit à disposer d’un numéro de téléphone portable nippon ! »

    Pour moi c’est la constitution de la plus grande base de données téléphoniques pour une entreprise privée...


    • Gasty Gasty 27 mai 2009 16:41

      Les petites nippones proposent-elles leurs petites culottes aux enchères ??? Quel est le contenu des pages vue ???


    • bakalex92 15 juin 2009 05:52

      Les contenus sur mixi ne sont pas spécialement intéressant.
      Je dirais même que c’est un peu un facebook du pauvre dans les possibilités et l’ergonomie.
      La principale différence est qu’il s’axe plus autour de la rédaction d’article type blog. Mixi possède aussi une sorte de webradio, et est un diffuseur de news sur l’actualité nippone et mondiale, que ça soit des choses importantes ou des potins sur les stars locales... Bref c’est beaucoup plus proche d’un japonais que pourrait l’être facebook, qui est plus international.

      Pour la fréquentation, ce qui est dit dans le paragraphe précédent est sans doute une des raisons. Mais je dirais que c’est une question de « timing » également. Quand facebook a commencé à vraiment se développer au Japon, mixi était déjà bien implanté, c’est donc devenu une habitude. Mes amis ont un « mixi », donc logique, je vais m’inscrire sur mixi plutôt que facebook. Autre raison, le web mobile au japon est avance sur le notre, et mixi mobile existe depuis l’ouverture du réseau. Aussi, beaucoup de japonais utilisent mixi exclusivement sur leur mobile. Aucun autre réseau social ne proposait ce genre de service à l’époque.

      "« Mixi a de fait restreint l’accès au réseau aux seuls japonais, en obligeant tout nouvel inscrit à disposer d’un numéro de téléphone portable nippon ! »


      Pour moi c’est la constitution de la plus grande base de données téléphoniques pour une entreprise privée..."

      C’est pas exactement ça. Le système d’inscription est basé sur l’invitation par un ami. Avant on pouvait répondre à cette invitation en s’inscrivant avec son portable, ou avec un mail de pc. Mais une recrudescence de bot, spam et pourriel en tout genre a commencé à sevir sur le reseau. Pour faire face à ce problème, ils ont limité l’accès au seul gens possèdant téléphone portable japonais. Fini les adresses PC.
      Mais là où l’article se trompe, c’est qu’il n’est nullement nécessaire de fournir son numéro de téléphone. Au japon, il n’y a pas de sms. Leurs sms sont en fait de véritables e-mails. Chaque abonné possède une boite mail directement sur son téléphone, dont il peut changer l’adresse à loisir. Grosso-modo, c’est pareil, à part que l’action téléphoner, et l’action envoyer un message ne sont pas unifié sur un seul et unique numéro comme en France. Par conséquant, mixi ne connait que votre mail, et ne pourra donc JAMAIS vous téléphoner, ni vendre votre numéro de téléphone à qui que ce soit, puisque l’entreprise ne le connaît pas.
      Si elle vous envoies du spam, de la pub, ou n’importe quoi qui vous dérange (je n’ai encore, après 3 ans d’utilisation, jamais eu de soucis à ce niveau-là), il suffit de mettre mixi en filtre sur sa boite et le tour est joué.
      En somme, c’est pas si différent d’une inscription quelconque sur n’importe quel site par PC, à part qu’ils n’acceptent que les mail en @docomo.ne.jp, ou @softbank.com etc...


  • surfy surfy 27 mai 2009 14:03

    Article très interéssant, moi me passionne pour la sociologie. Votre étude pose certins des problèmes de fond de ces « réseaux sociaux » sur le web : sentiment d’appratenance, données privées, etc.

    Par contre quelques remarques :
    - La comparaison est biaisée justement par le fait que le contenu ne soit accessible qu’aux japonais : quelle est l’influence culturelle ces résultats ? Si on ouvrait Mixi au monde (avec le système cooptatif) cela marcherait-il vraiment mieux que les autres ?
    - Il me semble manquer des comparatifs sur le contenu et les fonctionnalités


  • © 27 mai 2009 14:41

    Chouette 


  • menfin menfin 27 mai 2009 17:53

    kézako


    aucun intérêts

    incroyable, la baguette est mangé par des millions de personnes et aucune réaction, comprend pas

  • Moristovari Moristovari 27 mai 2009 18:11

    Les réseaux fermés ne sont pas l’avenir du net. Mixi me semble juste une lubie élitiste comme google mail à ses débuts. Dans un autre domaine, on peut lancer la comparaison Wikipédia (ouverture) / Citizendium (fermeture). Donc heureusement, le fort d’internet sera toujours la liberté et la simplicité.

    Pour ma part, du point de vue réflexion et attention envers l’interlocuteur et ses idées, le meilleur mode de communication reste la correspondance épistolaire. Pour les potins, twittez si vous voulez.


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