jeudi 12 janvier 2006 - par Poirier Olivier

Oh ! ma télé... tu m’as rejeté aussi vite que tu m’as sélectionné !

Quel souvenir gardons-nous des émissions de télé-réalité ? Que sont devenus ces anonymes projetés sur le devant de la scène du tube cathodique ? Et les lofteurs version numéro 1 ?

Il semble effectivement que Loft Story (on pourrait jouer sur les mots Love/Loft), ce jeu ayant mis en scène onze célibataires devant vivre ensemble pendant plusieurs semaines sous l’oeil aiguisé, disons plutôt sous l’oeil vicieux et pervers, de vingt-six caméras, ait été le phénomène du printemps 2001 en France sur la chaîne M6.

Même les quotidiens lui consacrèrent une rubrique !

D’emblée, ce jeu a rencontré un vif succès, tant à la télévision que sur Internet : un à deux millions de personnes au moins se connectaient sur le site de Loft Story. La vie de nos concitoyens serait-elle si dépourvue de distractions, d’intérêts, qu’ils restent des heures à regarder celui ou celle qui provoquera dans le jeu un événement croustillant, notamment l’acte amoureux ?

Il en est peut-être tout autrement. Tous ne vivent pas par "procuration", tous les téléspectateurs ne sont pas voyeurs. Voyeurisme, exhibitionnisme, voilà deux mots qui siéent parfaitement à cette émission de l’époque. Sommes-nous voyeurs ? Certains d’entre nous n’aiment-ils pas à s’exhiber de quelque manière, de temps à autre ?

La question est posée par ce jeu. D’autres, des réalisateurs, avaient déjà soulevé le problème au cinéma bien avant, mais cela restait une fiction. Ici, la fiction rejoint la réalité. Comme l’exprimait Henri Laborit dans son livre Eloge de la fuite, l’image a pris le dessus sur l’être. D’ailleurs, nous pouvons nous servir des travaux d’Henri Laborit sur le comportement humain, dans un contexte social, afin d’étudier les réactions des candidats de ce jeu. L’intérêt -s’il en existe un- de ce jeu est de nature comportementale, sociale et psychologique. Force est de constater qu’il reflète explicitement ou implicitement une certaine forme de société, de notre société, laquelle est axée sur le pouvoir néfaste de l’image. Une société où concurrence, combativité font bon ménage. Dans le jeu "Loft Story", cette idée demeurait sous-jacente, puisqu’au terme de deux mois, sur les onze candidats, seuls deux sont restés pour "le grand final", par conséquent, il fallait bien éliminer les autres.

Et les lofteurs de cette première édition, que sont-ils devenus ? Certains apparaissent encore dans diverses émissions, soit pour présenter une petite rubrique, soit pour témoigner de leur expérience. D’autres se sont servis de Loft Story pour vivre de leur image.

Ils auront au moins eu leur "quart d’heure de célébrité" !




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