lundi 19 septembre 2022 - par Sylvain Rakotoarison

Patrick Poivre d’Arvor : à tchao, bonsoir !

« Le but du journalisme n'est ni de déplaire ni de complaire. C'est de remuer la plume dans la plaie. La plume, et aujourd'hui le micro et la caméra. » (Patrick Poivre d'Arvor).

Formule efficace pour définir son métier. Le journaliste Patrick Poivre d'Arvor fête son 75e anniversaire ce mardi 20 septembre 2022. PPDA, comme l'appelle la profession, est l'incarnation du présentateur du journal télévisé en France, il faudrait sans doute mettre au passé, il l'était, tant il pouvait représenter ce rôle dans une sorte de "perfection professionnelle".

S'inviter chez les gens tous les soirs de la semaine à l'heure du dîner pour leur annoncer les (mauvaises) nouvelles crée évidemment un lien d'intimité qui est absolument incomparable. Lien auquel il a fait allusion lors de son dernier JT.

À l'origine, ils étaient d'ailleurs deux qui pouvaient être ces incarnations, Patrick Poivre d'Arvor et Christine Ockrent. Ils n'étaient pas les premiers présentateurs, mais ils étaient sans doute ceux qui ont marqué le plus l'histoire des journaux télévisés.

Christine Ockrent fut recrutée en octobre 1981 par Pierre Desgraupes, le patron d'Antenne 2, pour présenter le journal de 20 heures de cette chaîne en alternance avec Patrick Poivre d'Arvor déjà en place. Christine Ockrent y est restée jusqu'en juin 1985 avec la réputation de "reine Christine", la première femme à présenter régulièrement le journal (il y en avait avant elle, mais pas régulièrement). Ensuite, elle a occupé d'autres fonctions de journaliste, parfois en tant que dirigeante de médias.


Patrick Poivre d'Arvor, lui, de manière différente, a toujours voulu rester présentateur du JT ou journaliste plus généralement et ne pas prendre de fonctions managériales. Il a commencé sur Antenne 2 le 16 février 1976 pour un remplacement et c'est Jean-Pierre Elkabbach qui l'a imposé à la rentrée de la même année avec deux autres journalistes. Très rapidement, il a fait quelques "coups" médiatiques, comme présenter le journal en direct de Pékin le 10 octobre 1979. La présence de Christine Ockrent qui présentait le journal une semaine sur deux ne lui convenait pas et il a quitté le JT le 28 juillet 1983. Cela dit, la formule de Pierre Desgraupes était la bonne puisqu'en 1982, l'audience du JT d'Antenne 2 avait dépassé celle du JT de TF1.

Après quelques activités dans la presse écrite et Canal+, Hervé Bourges l'a recruté sur TF1 en 1986 et après la privatisation de TF1, PPDA est devenu le journaliste phare du journal de 20 heures sur TF1, à partir du 31 août 1987. Le JT de TF1 a redépassé celui d'Antenne 2 en audience, et Patrick Poivre d'Arvor régnait en maître du JT pendant deux décennies, jusqu'au 10 juillet 2008, du lundi au jeudi, relayé en fin de semaine notamment par Claire Chazal de 1991 à 2008.

Pendant cette période, il animait les soirées électorales, interviewait les Présidents de la République, animait les débats présidentiels (en 2007 avec Arlette Chabot), etc. Il s'occupait aussi d'une émission littéraire sur TF1, "Ex-Libris" de 1988 à 1999, puis "Vol de nuit" de 1999 à 2008. Sa statue semblait indéboulonnable au point que les Guignols de l'Info en avaient fait leur personnage central, puisqu'à partir du 29 août 1988, la marionnette PPD, dont la voix était imitée par Yves Lecoq, a présenté ces faux JT parodiques, et cela jusqu'au 26 juin 2015, c'est-à-dire bien après l'éviction de PPDA de TF1 (en 2008).

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Lors de son dernier journal télévisé, le jeudi 10 juillet 2008, Patrick Poivre d'Arvoir a terminé en beauté, par ces paroles en citant Shakespeare : « "Ce qui ne peut être évité, il faut l'embrasser". Alors, puisque je n'ai pu éviter ce qui m'arrive ce soir, je vous embrasse tous (…). Merci pour votre affection, votre confiance, pour ce lien que nous avons tissé. Et je suis sûr qu'on va se revoir très vite ! Je vous laisse entre de bonnes mains pour l'été, puisque ce sont celles d'Harry Roselmack. ». Sans citer celle qui allait reprendre à la rentrée 2008 son poste, Laurence Ferrari. Selon Médiamétrie, 9,6 millions personnes auraient regardé ce dernier JT, au lieu des 8 habituels, soit 49,3% de part de marché (au lieu de 36%). Un départ en beauté. La polémique entre PPDA et TF1 s'est poursuivie jusque devant certains tribunaux.

Patrick Poivre d'Arvor a eu aussi son clone sur la chaîne concurrente : David Pujadas, ancien de TF1 et de LCI, recruté par Olivier Mazerolle, a présenté le journal télévisé de 20 heures sur France 2 du 3 septembre 2001 au 8 juin 2017, lui aussi évincé par la direction de la chaîne.

L'éviction de Patrick Poivre d'Arvor de TF1 en 2008 l'a conduit à ne plus présenter de journaux télévisés mais à présenter d'autres émissions télévisées, d'actualité ou de littérature. Il n'a en revanche jamais voulu diriger opérationnellement un média, et a refusé également la proposition qui lui a été faite de succéder à Dominique Baudis à la Présidence du CSA en janvier 2007 (Dominique Baudis avait aussi été présentateur du journal de 20 heures sur TF1 entre 1977 et 1980 et du Soir 3 sur FR3 entre 1980 et 1982, avant d'être élu maire de Toulouse en mars 1983).


Patrick Poivre d'Avor n'est pas que "journaliste" dans la mesure où il a également beaucoup écrit. On lui doit environ quatre-vingt ouvrages, des romans ou des documents, pour beaucoup coécrits avec son frère Olivier Poivre d'Arvor. Il a aussi touché au cinéma, au théâtre et même à l'opéra (il a écrit un livret). Il s'est aussi beaucoup engagé dans les sports, lui-même très sportif (cyclisme, voile, course automobile, alpinisme, tennis, football, rugby, parachutisme, etc.). Il était parmi les journalistes qui couvraient le Paris-Dakar 1986 et suivait en particulier Daniel Balavoine, il aurait même dû être dans l'hélicoptère au moment du malheureux crash le 14 janvier 1986.

Parmi les nombreux livres de PPDA, j'en cite un qu'il a coécrit en 2000 avec le déjà polémiste Éric Zemmour : "Les Rats de garde" (éd. Stock), qui citait un psychanalyste : « Nous ne voulons pas entendre ce cri d'alarme poussé par un psychanalyste, Serge Tisseron, qui, dans un livre paru aux éditions Arthaud, Nos secrets de famille, écrit : "Le droit au secret de chacun, adulte ou enfant, est essentiel. Il permet de protéger son identité profonde des intrusions de l'environnement. Il est la première condition à la possibilité de penser par soi-même et pour soi-même. Les régimes totalitaires ont d'ailleurs tous pour point commun de chercher à étendre leur contrôle sur la vie privée des individus et à abolir cette barrière du secret". ».

Au-delà de son engagement au sein des jeunes giscardiens entre 1969 et 1971 (il a quitté la politique lors de son recrutement sur France Inter en 1971), Patrick Poivre d'Arvor, dont le nom réel est Poivre, le "d'Arvor" n'étant qu'un nom d'emprunt pour faire plus breton, pris à son grand-père qui l'avait adopté comme pseudonyme pour ses écrits, a provoqué de nombreuses controverses dans sa carrière de journaliste, des faux interviews, des plagiats, etc. voire des situations de privilèges (affaire Botton).

Je m'arrêterais sur deux autres aspects de sa vie, ici plutôt privée mais qui ont très largement débordé dans le domaine public, soit de sa propre initiative, soit au contraire bien malgré lui.

Patrick Poivre d'Arvor a eu sept enfants, dont deux filles qui sont mortes bébé ou à la naissance (Thiphaine en 1975 et Garance en 1980), ce qui a dû être de terribles chocs pour les parents. Parmi ses cinq filles, la plus connue s'appelait Solenn, dont il a raconté l'histoire dans plusieurs ouvrages. Solenn souffrait en effet d'anorexie et elle s'est jetée sous une rame de métro aux Sablons, à Neuilly-sur-Seine, à l'âge de 19 ans. Accompagnant son suicide, cette lettre à son père : « Merci pour tout mais je n'aime pas la vie. Je veux être incinérée et gardée dans une petite boîte, mais pas jetée à la mer. ». En 2004, avec la mère de Solenn, Véronique, PPDA a ouvert une maison des adolescents souffrant de ce mal, appelée la Maison de Solenn, dans le cadre de l'hôpital Cochin, financée principalement par l'Opération pièces jaunes promue par Bernadette Chirac, elle-même mère d'une enfant ayant aussi connu cette triste maladie, l'anorexie (ce qui pouvait expliquer la grande humanité du Président Jacques Chirac pour tout ce qui relevait des situations de handicap).

L'autre aspect est en fait la seule actualité de PPDA depuis un an, les très nombreuses accusations d'agressions sexuelles voire de viols contre lui. Dans ce phénomène qui tend à délier la parole des femmes victimes des abus des hommes, "abus" étant un mot qu'il faudrait absolument précisé car il peut s'agir d'un simple geste sexiste comme d'un véritable viol, il est bien entendu bon que la parole se libère, comme on dit, la parole des femmes. Mais le procès médiatique, ou plutôt, le lynchage médiatique ne doit pas remplacer un vrai procès avec de vrais juges. L'ennui, c'est que la plupart des faits présumés sont prescrits.

PPDA n'est pas le seul en cause, avant lui, Richard Berry et Nicolas Hulot ont eu des accusations du même genre, elles aussi classées sans suite, du moins pour celles qui ont fait l'objet d'une plainte judiciaire. Apparemment, toutes celles à l'encontre de Patrick Poivre d'Arvor aussi ont été classées sans suite jusqu'à maintenant. Pourtant, il est très étrange qu'un grande nombre de femmes continuent à porter ces accusations. Un titre de magazine people expliquait que PPDA était passé du statut de star au statut de paria.

Sa figure titulaire en a pris effectivement un grand coup. La première affaire concerne une plainte pour agressions et viols déposée en février 2021 au parquet de Nanterre. PPDA nie toute agression et est soutenu par un certain nombre de ses confrères, mais dans cette affaire, il est difficile de faire la part entre la réalité et ce que PPDA appelle lui-même "une dénonciation calomnieuse inspirée par une quête de notoriété inconvenante".

Les classements sans suite par la justice sont soit à cause de la prescription (faits trop anciens), soit à cause de l'insuffisance de preuves. (Précisons que pour la première plainte, son classement sans suite a été décidée en juin 2021 par une femme, la procureure de Nanterre). Du reste, la plainte pour dénonciation calomnieuse déposée par PPDA a aussi été classée sans suite en raison d'une "absence de démonstration d'une intention de nuire".

D'autres accusations ont été lancées dans certains médias au printemps 2022, dont une accusation de viol présumé sur mineure, si bien que dans le doute, l'employeur de PPDA, France Télévisions, lui a retiré, le 12 mai 2022, l'émission qu'il présentait sur France 5.

Une telle situation est impossible à gérer pour un employeur qui permet une exposition publique : soit il considère la présomption d'innocence et il laisse la possibilité qu'un violeur soit sous les projecteurs, soit il le vire car il prend en compte le sérieux des accusations, sans être pour autant juge, et il se donne la possibilité d'être injuste et de confirmer une accusation injuste le cas échéant.

Dans ce cas, le choix le moins hasardeux est de lâcher l'accusé : avant lui, d'autres en ont fait les frais, notamment au sein même du gouvernement, puisque Damien Abad n'a pas été reconduit (il a perdu l'avantage de sa supposée trahison politique), peut-être aussi Éric Coquerel aura quelques difficultés dans quelque temps. PPDA en a fait les frais cette année. Ce n'est pas nouveau, la très forte notoriété peut faire de vous une vedette mais aussi, comme disait l'autre, un paria. Vivons heureux, vivons cachés (et respectueux des autres, bien sûr).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 septembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Patrick Poivre d’Arvor.
Nicolas Hulot.
Ci-gît la redevance à la papa.
Daria Douguina.
Michel Drucker.
Michèle Cotta.
Ivan Levaï.
Jacqueline Baudrier.
La déplorable attention du journalisme à sa grande dame.
Aider les chrétiens d’Orient.
Philippe Alexandre.
Alain Duhamel.

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6 réactions


  • Gégène Gégène 19 septembre 2022 10:12

    il est mouru ?


  • Lonzine 19 septembre 2022 10:14

    Il a été jugé ?


  • ZenZoe ZenZoe 19 septembre 2022 13:57

    PPDA, beurk


  • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 20 septembre 2022 11:48

    Marre de ces consécrations des « héros » des médias. Jean-Luc Lahaye était le parfait exemple du docteur Jekill et Myster Hyde. PPDA comme Simenon (même profil) ont tous les deux eut des filles anorexiques suicidées


  • S.B. S.B. 20 septembre 2022 18:43

    Quel article complètement stupide  et inutile, à l’instar de 99 % de ce qui se publie ici.

    L’article passe complètement à côté de l’essentiel, à savoir le système qui a permis que PPDA commette ses méfaits et qui l’a protégé. Quand une secrétaire amène des jeunes femmes dans son bureau, quand la porte du bureau reste ouverte, quand tout le monde est au courant à TF1, quand tout le monde est au courant dans le monde de l’édition mais que PPDA a le pouvoir de promouvoir des livres dans ses émissions à la télé. C’est un système et c’est lui qui est révélateur de choses pas très belles.

    Par ailleurs, quand on est parent d’une enfant anorexique mentale qui finit par se suicider, on a une très large responsabilité dans ce qui lui arrive  à moins que ce ne soit le voisin qui ait sa part ? Ou le pape ?

    Bref, homme méprisable et article stupide.


    • Jean-Luc ROBERT Jean-Luc ROBERT 21 septembre 2022 08:02

      @S.B.
      Toutes les personnes qui savaient et qui restaient confortablement à leur poste sans rien dire étaient coupables également.


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