vendredi 4 décembre 2009 - par Gavroche

Quand le petit Gregory remonte à la surface

« 25 ans après la mort du petit Gregory de nouvelles pistes ont été trouvées grâce aux prélèvements ADN. L’affaire semble avancer mais ne dévoile toujours pas les mystères qui l’entourent. » L’ouverture du JT 20h de TF1 témoigne magistralement d’une tendance lourde des médias actuels, la montée en puissance des faits divers. Sur la base du fait divers Français le plus célèbre, il semble opportun de revenir sur les choix rédactionnels des grands médias et leurs conséquences.

Retour donc, 25 ans en arrière. Le petit Gregory, 4 ans est retrouvé mort dans la Vologne. Avec tout le respect que nous devons à ce drame, l’analyse de son traitement médiatique mérite d’être faite. L’enchainement médiatique a débuté simplement parce que deux radios locales en concurrence, à la recherche d’audience, ont mis ce drame sur la scène public. L’engouement provoqué par la surenchère de ces deux radios, attire immédiatement la presse, la télévision nationale. Ces drames sont vendeurs, il faut donc profiter du "filon" au maximum. Il fait la Une pendant des semaines, subit des rebondissements en partie provoqués par les médias, ressort régulièrement dans les JT. 25 ans après, TF1, FR2... ouvrent leur journal avec ce drame ! Ce vieux fait divers est devenue dans l’espace médiatique, plus important que l’actualité politique, internationale ou sociale du moment ! L’engouement médiatique autour de la mort de cet enfant témoigne d’une tendance plus lourde, qui place les faits divers, souvent dramatiques, la météo, les anecdotes au centre de notre actualité.
 
Une "fait diversation"
 
La question est pourquoi. Pourquoi nos journaux sont envahis de sujet peu important, n’intègrent pas des enjeux plus cruciaux pour la société ? L’audience est l’une des premières réponses. Le fait divers fait vendre, il est accrocheur. Une des raisons à cela, c’est une actualité que l’on peut prendre dans sa nature brute. Elle ne nécessite pas nécessairement des connaissances antérieures sur le sujet. Les médias le décrivent dans son simple appareil. Il est plus facile d’accrocher un public sur un fait divers, que sur l’avancé du conflit israélo-palestinien, dont beaucoup de Français ont perdu le fil. C’est un cercle. Le manque d’information sur l’actualité internationale par exemple, ne permet pas aux téléspectateurs d’avoir les infos nécessaires pour la comprendre. En la comprenant de moins en moins, ils vont de moins en moins la suivre, et se tourner sur des informations qui sont directement compréhensibles et peuvent les toucher directement. La proximité avec le fait divers est également une des clés de son succès. Ces drames peuvent arriver à n’importe qui, le téléspectateur se sentant plus concerné par la disparition d’un enfant dans le département voisin, que par le coup d’Etat dans un pays lointain. On observe une dépolitisation des médias, une baisse de la qualité de l’information, un nivellement pas le bas du traitement de l’actualité au profit du sensationnel.
 
L’audimat à mort
 
La recherche d’une audience maximum est à remettre en cause. Augmenter son audience, cela veut dire ne choquer personne, ne mettre personne de côté, cela veut dire proposer des sujets dont on sait qu’ils vont faire l’unanimité. Les faits divers sont les sujets idéals. Bourdieu les nommait, les sujets omnibus. Ces sujets qui font consensus, qui rassemblent le maximum de téléspectateurs sans aucun risque d’antagonisme idéologique, politique ou économique qui pourrait faire perdre de l’audience. Pour attirer le maximum de téléspectateurs, ils vont satisfaire tout le monde. Cela écarte donc tous les sujets qui ont des enjeux véritables, qui peuvent provoquer des discussions de fond sur la société, la politique ou l’économie. Le rôle démocratique attaché aux médias en train de se perdre. Tout le monde sera amusé de voir qu’il a neigé à Marseille, tout le monde sera scandalisé devant un cambriolage, choqué par la disparition d’un enfant mais est-ce que cela aide vraiment à la compréhension du monde qui nous entoure, est-ce que cela nous donne véritablement les armes pour avoir un rôle citoyens efficace ? Pour reprendre Bourdieu une nouvelle fois, ces faits divers font diversion. Ils cachent les sujets les plus importants pour l’avenir de notre société à la grande satisfaction des politiques. Comme des prestidigitateurs, ils attirent l’attention sur autre chose que ce qu’ils font. La vigilance citoyenne doit reprendre le pas !
 
 


6 réactions


  • plancherDesVaches 4 décembre 2009 19:56

    Excellent article.

    En effet, ayant déjà été témoin d’accidents, j’ai pu constater la fascination de ce que j’appelle les « vautours » face au malheur des autres.
    J’ai même une fois été violent face à un homme qui aurait voulu qu’il y ait mort d’homme.

    « Au plus je connais l’humain, au plus j’aime les animaux »... (je ne sais plus de quel grand penseur est cette réflexion)


  • morice morice 4 décembre 2009 21:59

    Pour reprendre Bourdieu une nouvelle fois, ces faits divers font diversion. Ils cachent les sujets les plus importants pour l’avenir de notre société à la grande satisfaction des politiques.


    un crash d’avion passé inaperçu révèle toute une filière de trafics d’armes : dans les médias : RIEN.

    • Pinkmounter Pinkmounter 5 décembre 2009 18:43

      Si l’on n’a pas besoin de parler du traffic d’armes puisqu’il est courant, connu et « donc » accepté, alors dans ce cas pourquoi ne pas faire de même avec ce genre de fait divers puisque des meurtres, il y en a tous les jours...


  • 5A3N5D 5 décembre 2009 11:50

    @ L’auteur,

    Le titre de votre article.... c’est d’un goût !!!


  • elec 42 elec 42 5 décembre 2009 17:56

    laissont c’est enfant reposer en paix.


  • Michel DROUET Michel DROUET 5 décembre 2009 17:57

    Que dire de votre titre racoleur ? Sinon qu’il procède de la recherche d’un audimat maximum lui aussi....


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