mercredi 13 juillet 2011 - par Flore Vasseur

Zizeck et Assange, sur la violence et le terrorisme

DSK n’arrive pas à ouvrir la porte de son Riad new yorkais et les télévisions nous recrachent les 3 minutes de ce suspens impossible à une heure de grande écoute. Il y aurait du césium radioactif dans l’eau de Tokyo et personne ne parle plus vraiment de ce pays. Là bas, tout ce printemps un Tokyoïte français s’est excité, seul face à la caméra de son ordinateur. Il a hurlé contre la désinformation en cours. Il a peur pour lui, ses enfants. Ses vidéos, postées sur youtube, disparaissent, le plus souvent. Il est seul, comme une voix dans la nuit, loin, si loin de notre pays tout acquis à la cause du Tour de France. C’est Alex in Tokyo qui nous dit que nous n’avons jamais été aussi informé et pourtant, que nous ne savons rien, ou si peu. Les media se perdent dans le décorticage des minis drames inutiles des célébrités quand le monde réel, celui qui nous explose à la figure, est ignoré. Ou si mal considéré.

Ce constat a servi de point de départ en février 96 au programme d’information alternatif et sans publicité ni même argent de l’Etat Democracy Now. Aucune tutelle donc et du coup, pas de copain, ni de blonde plantureuse ni de jeunes loups hyper brushés à l’antenne. Amy Goodman, une journaliste d’une soixantaine d’année tient le micro depuis le studio de TV rafistolé dans une ex caserne de pompier de Chinatown, à New York. Elle montre chaque semaine que l’information se bat, comme le vrai beurre, à la force du poignet. Amy Goodman était à Londres il y une dizaine de jours pour un débat peu évoqué dans les « media », entre Slavoj Zizeck, le psychanalyste philosophe slovène, et Julian Assange, l’homme de WikiLeaks. Elle a animé la discussion de deux heures dédiée à l’état de l’information et du travail du journaliste aujourd’hui.

Vidéo de la discussion en anglais (faute de traduction en français)

1800 personnes étaient rassemblées dans un théâtre Art Déco de la banlieue de Londres, entre l’élection de Miss England et un concert de Morrissey. De fait, la conversation, retransmise sur internet aurait pu sombrer dans le n’importe quoi (même si j’adore Morrissey) : Assange avait mis aux enchères les places de son déjeuner qui précédait le débat // Zizeck ne parvenait pas à retenir ses blagues souvent assez douteuses. Passé cela, le débat, entre le “Elvis de la théorie culturelle” selon le New York Times et le “terroriste High Tech” selon Joe Biden, était passionnant. Notamment de la part de Zizeck.

D’abord d’ailleurs sur l’idée du terrorisme, Zizeck s’exclamant au sujet de Assange « D’une certaine façon, vous êtes bien un terroriste, de la même manière que Gandhi était terroriste. Il a essayé de mettre un terme à la façon dont les britanniques opéraient en Inde. Et vous, avec WikiLeaks, vous essayez de rompre avec la façon dont les informations circulent. »

Ensuite sur l’idée de violence : « Quand nous pensons à la violence, au terrorisme, nous pensons toujours aux actes qui interrompent le cours normal des choses. Mais que penser de la violence que le système doit déployer pour que, chaque jour, les choses fonctionnent ? » Et de fait, il en faut de l’énergie et des coups bas. « Le monde n’est pas doux », s’excusait presque le patron du Bilderberg il y a un mois.

De fait, toujours pour Zizeck, « il ne s’agit pas de savoir si vous – Assange - êtes au fond, quelqu’un de bon ou non. Mais si vous êtes un terroriste, comment définir ceux qui vous accusent d’être un terroriste ? ». C’est la vraie question qui rappelle la phrase de Bill Mc Kibben, un activiste environnemental qui a coutume de rappeler à ses équipes : « nous ne sommes pas les extrémistes dans cette bataille ». On peut lui faire confiance : il se cogne depuis des années le lobby de l’industrie dès qu’il parle de pollution.

Paradoxalement, le fait qu’il y ait castagne, le fait qu’il y ait une censure dans les media est une bonne nouvelle. Cela prouve qu’il y a encore des choses susceptibles d’être entendues, que le contenu, en tant qu’industrie, n’a pas encore gagné, que nous sommes pas encore tout à fait anesthésiés. D’ailleurs, c’est le seul espoir de Zizeck : « Il y a des personnes tout à fait ordinaires qui tout à coup, comme par miracle, se mettent à faire quelque chose de merveilleux ».

Ordinaire ou pas, Assange a du filer à Beccles, le lieu de sa résidence surveillée avant le couvre feu de 18 heures qui lui est imposé chaque jour depuis 6 mois. Il saura aujourd’hui s’il est extradé pour être jugé en Suède pour viol. Partant de là, il risque d’être extradé aux Etats Unis, pour espionnage.

Pour aller plus loin :

Democracynow.org



8 réactions


  • Capone13000 Capone13000 13 juillet 2011 11:34

    J’ai quand même une méfiance envers Wikileaks, je trouve étonnant qu’aucun document vraiment compromettant pour les USA ne soit sorti, notamment concernant le 11 septembre, la guerre en Irak ou les fraudes des banques US... Wikileaks ne sort que des cables qui ne révèlent pas grand chose que l’on ne sache déja.

    Donc je garde pour le moment une distance tant que wikileaks ne m’aura pas montré qu’il ne joue pas le jeu des USA.

    Je prèfère plutôt donner du crédit aux anonymous qui viennent par exemple de lancer l’operation bohemian grove : http://www.youtube.com/watch?v=fcSTF352cEc


    • sonearlia sonearlia 13 juillet 2011 13:44

    • flesh flesh 14 juillet 2011 01:13

      Je suis toujours agacé que des gens soient distraits par de fausses conspirations comme le 11/9, quand nous fournissons des preuves de conspirations réelles, sur la guerre ou sur des fraudes financières massives. 

      Julian Assange (Belfast Telegraph, le 19 juillet 2010)

      En ce qui me concerne je l’ai zappé direct ! 

  • djonzs 13 juillet 2011 13:51

    Merci pour le lien. J’aime bien Zizek. Je le trouve à la fois drôle et pertinent. Ses analyses sur le cinéma et la psychanlyse sont des classiques.

    Par contre, je ferais une distinction entre la disponibilité de l’information et l’usage que les gens en font. En général il y a bien assez d’information disponible pour se scandaliser pendant des siècles. A la rigueur on pourrait déjà dire « Tout le monde sait tout ». Ce qui est intéressant c’est que les gens dépensent bien plus d’énergie à ce qu’une information soit relayée qu’à agir sur son contenu et les faits qu’elles relate. L’important n’est pas que l’information existe et soit disponible en soi, mais qu’elle soit relayée par le plus grand nombre possible et principalement les « grands médias » - c’est comme si c’était là sa finalité. Je trouve que c’est une logique malsaine, car elle repose sur l’efficacité de la propagande et de l’indoctrination. Ce qui me choque sur la guerre en Irak, par exemple, ce ne sont pas les « détails » sur la torture qui y a été pratiquée (obtenues par des fuites de diverses sources), mais bien plutôt qu’un peuple (pas seulement ses dirigeants) soit prêt à initier une guerre *en toute connaissance de cause* des dégâts et victimes qu’elle risque de provoquer. Les arguments bidons invoqués pour justifier cette guerre (Powell à l’ONU) sont secondaires, tout le monde le sait : l’Amérique était déjà déterminée à faire ce qu’elle voulait. D’ailleurs on ne se souvient pas des conquêtes de Rome par les justifications qu’elle invoqua à l’époque pour passer à l’action, mais on accepte généralement qu’elle était dans une logique de conquête et de création d’empire. Et même si la propagande est toujours nécessaire, par exemple pour la guerre en Irak, elle fonctionne toujours en dépit d’informations déjà disponibles qui peuvent la réfuter. Cela veut dire que les gens « savent toujours déjà » mais préfèrent néanmoins passer outre. En mettant toujours l’accent sur l’information et sa propagation, nous ne voulons en réalité qu’une chose : contribuer à ce qu’elle arrive à une position hégémonique au détriment d’autres informations, qu’elle acquiert elle-même un statut de propagande.


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 13 juillet 2011 15:58

    Merci Fleur de remettre à la lumière avec tact ces personnalités qui s’insinueront peut être un jour dans le sillon creusé par Gandhi, seul l’avenir le dira et nous en serons grandhi d’autant de les avoir soutenues...

     


  • loxias loxias 1er août 2011 21:13

    Assange, ange sans ailes, du sang, des gènes, bel ange je t’aime smiley


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