lundi 14 mars 2016 - par Marcel MONIN

Armons les citoyens

On pense souvent que lorsque la société ou à tout le moins lorsque ceux la gèrent, dérapent, il faut changer de constitution.

Les constitutions ressemblent aux prières : pour qu’elles soient exhaussées, il faut que Dieu s’en mêle. A défaut, il ne faut pas compter sur les hommes.

 

Ré écrire une constitution ne sert à rien ou à pas grand chose, en tous cas pas longtemps.

Ne sert pas à grand chose parce qu’un texte constitutionnel organise seulement le fonctionnement des institutions. C’est à dire le cadre dans lequel des individus essaieront d’atteindre des objectifs divers, qui peuvent être de « s’en mettre plein les poches » ou au contraire de promouvoir de manière désintéressée l’intérêt général, avec toutes les sortes de comportements intermédiaires.

N’est pas efficace longtemps. Et ne peut l’être.

Parce que depuis toujours et en tous lieux, des lobbys et des groupes de pression ont existé, existent, et ne peuvent que continuer à exister (financiers, économiques, géostratégiques, confessionnels, … ) dont le « travail » est d’amener (persuasion, corruption sous une forme ou une autre, menace, placement d’hommes et de femmes à eux dans les sphères décisionnelles … ) les déclencheurs des décisions à faire prendre, par ceux qui ont cette compétence dans l’Etat, les dispositions juridiques conformes à leurs intérêts particuliers.

Peu importe aux lobbys et aux groupes de pression, l’endroit où se trouvent les catalyseurs de décisions. Leur travail a le même objectif quelle que soit la « couleur » politique des décideurs, le moment ou le cadre constitutionnel dans lequel ces derniers évoluent.

Pour éviter que les lobbys agissent sur les dirigeants des partis qui occupaient des postes d’entrainement, notamment au sein des commissions parlementaires, la constitution de 1958 a déplacé le centre du pouvoir décisionnel et a confié ce dernier au général de Gaulle. Lui parti, le centre du pouvoir est demeuré entre les mains du président de la République. Les lobbys ont tiré les conséquences logiques de ce départ. Surtout quand ils ont pu avoir pour « clients » des politiciens acquis à d’autres idées et à une autre éthique que celles du général de Gaulle.

Parce que les hommes sont les hommes, et que ce n’est pas en changeant la couleur du papier peint de la salle à manger, qu’on changera leurs habitudes alimentaires, spécialement quand ils sont gourmands.

Surtout, s’agissant des hommes politiques, que les changements constitutionnels n’affectent ni leur carrière, ni leurs intérêts, puisque les mêmes restent en place quand on change le numéro de la République..

 

L’exemple de constitution française de la V° République rédigée pour un chef d'Etat désintéressé au service de la France est à cet égard idéal typique. Avec de Gaulle, la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille ; la France ne devait pas être une colonie américaine. N. Sarkozy (de manière éclatante), F. Hollande (et avant eux, les autres) ont utilisé le même texte … pour promouvoir exactement le contraire.

Quant à de Gaulle, personne n'a pensé à l'accuser d'être communiste ou de vouloir faire gouverner les pauvres. Mais à y regarder de près, on le dirait probablement aujourd'hui (pour le « démonétiser » ou l’éliminer) d'un homme politique lambda, qui aurait pour programme de faire … ce que de Gaulle a fait (à la Libération et entre 1958 et 1969) et qui invoquerait les mêmes principes que ceux qui guidaient de Gaulle, dans son action et son comportement (choix personnels) à la tête de l’Etat.

 

On peut multiplier les exemples dans lesquels un texte organisant le fonctionnement d'une institution est utilisé par des individus à des fins privées … qui sont contraires aux objectifs du texte (code des marchés publics tourné avec un simple téléphone, valises de billets se jouant des lois sur le financement des partis politiques) …

Pour regarder ailleurs, les présidents de la République sont élus en Afrique au suffrage universel direct. Le texte fait penser … démocratie ; en réalité, gagner cette élection, c'est gagner le jack pot ; ce qui n'a rien à voir avec la finalité des opérations électorales.

 

Il faut plutôt « armer » les citoyens, en leur donnant des moyens juridiques et politiques de faire valoir leurs droits w<souveraineté nationale ou de souveraineté populaire ou des deux à la fois) collectivement et individuellement propriétaires.

 

Et, au lieu de se demander s’il faut donner aux députés la possibilité de contrecarrer le chef de l’Etat (son entourage et ses amis), ou s’il faut empêcher les députés de « magouiller » en déplaçant le centre de décision du côté de l’exécutif (ce qui a inspiré les modifications constitutionnelles depuis la Révolution), il faut plutôt diriger les regards vers ceux qui prennent les décisions dans le cadre constitutionnel (quel qu’il soit.)

 

Et s’intéresser à eux, et à ce qu’ils choisissent de décider. En prévoyant des sanctions qui les atteignent personnellement, dans leur « carrière » et dans leurs biens. On ne peut espérer d’un homme qu’il soit ou demeure vertueux. On peut en revanche l’y contraindre : pas tellement en lui donnant des directives, mais surtout indirectement en lui faisant craindre une sanction qu’il ressente comme suffisamment terrible pour le dissuader de faire mal.

 

Car si les choses vont mal, ce n’est pas en raison de la manière dont la constitution est rédigée, mais c’est parce que des individus se sont servis des dispositions de la constitution pour faire en sorte que ça aille mal. Soit parce que ce sont des imbéciles, soit parce que ce sont des « malhonnêtes ».

Qu’ils soient malhonnêtes n’est pas tolérable ; qu’ils soient – au moins en apparence (1) - des imbéciles n’est pas supportable.

 

Pour éviter les errements, on ne peut prévoir tout à l’avance, multiplier les interdictions, les prescriptions et les garde-fous. C’est techniquement impossible, ce serait invivable et surtout inutile. Car l’intérêt, à la manière de l’eau, trouve toujours son chemin, en se glissant dans la lettre de la règle ou en en contournant l’esprit.

 

Et le droit pénal et ses techniques ont montré leurs limites (2) ainsi que les enquêtes de Transparency le montrent.

Quant aux manipulations dont les électeurs sont l’objet elles ne sont prises en compte par aucune règle de droit alors même qu’elles ont, comme la recherche du gain illicite, les mêmes effets pervers sur la démocratie (3)

 

L’usage par les citoyens de leurs armes (v. ci-dessous) est-il de nature à avoir un effet curatif puis un effet dissuasif garantis ?

On ne saurait l’affirmer a priori, mais si l’on n’expérimente pas on le saura encore moins..

 

Le pari est le suivant :

Si un individu envisage de faire de la politique pour faire de l’argent ou faire faire de l’argent à ses amis au détriment de la collectivité, pour priver ses concitoyens du droit de lui demander des comptes, etc … sait que ses gains lui seront confisqués à coup sûr, et qu’il sera exclu pour couronner le tout de la vie politique, aura-t-il la vocation ? Probablement pas.

« How much ? » se lit en réalité dans les deux sens au moment de la tentation : « combien ça rapporte ? », mais aussi « combien ça coûte ? »

 

Il faut donc mettre place des mécanismes « automatiques » d’exclusion de la vie politique et d’appauvrissement des représentants … qui ne représentent pas. En faisant en sorte que lorsque le mécanisme nécessite l’intervention d’un juge, celui-ci joue le jeu (4).

 

La liste des domaines n’a pas besoin d’être très longue. Dans l’état actuel de nos sociétés, nous la voyons devoir jouer dans les domaines suivants.

 

 

I. 

Les domaines.

 

Il nous paraît exister trois domaines dans lesquels les procédures pourraient être instituées.

 

A.

Les décisions qui méconnaissent les principes fondamentaux de fonctionnement de la République et celles qui ont pour effet ou pour objet de priver les citoyens de leurs droits politiques, à commencer par la privation de l’exercice par eux de la souveraineté (5)

 

a) Décisions qui opèrent une suppression quelconque (de droit ou de fait) du droit de vote.

 

Exemple concret : Lorsque certains politiques se sont arrangés pour interdire à l’Etat d’emprunter à la banque centrale publique, ils ont transféré le pouvoir décisionnel du politique, vers les détenteurs de capitaux.

Lorsque certains politiques se sont arrangés pour mettre dans des traités des règles sur lesquelles les citoyens ne peuvent pas revenir, soit directement, soit par leurs représentants, avec comme effet que le pays sera dans une situation inextricable (6) si le pays dénonce le traité, ils ont vidé le droit de suffrage de l’essentiel de sa substance.

 

b) Manipulations tendant à vicier le consentement accordé par le bulletin de vote

 

Le droit de suffrage est vidé de sa substance, lorsque le citoyen fait l’objet de manipulations. Lesquelles sont connues et faites pour cela, et sont le fait des hommes politiques et des médias (6 bis) . Dans la situation connue dans laquelle ceux qui financent les hommes politiques, sont en même temps ceux qui sont propriétaires des médias.

 

B.

Décisions qui sont prises dans une situation de conflit d’intérêt. 

Le décideur utilise ses fonctions en vue de la satisfaction d’un intérêt personnel ou de celui d’un tiers. Satisfaction immédiate ou différée (un décideur peut utiliser ses fonctions d’une telle manière qu’il peut en espérer les fruits de diverses manières (emplois, missions, gratifications, honoraires) après la sortie de fonctions.

 

C.

Situation des élus ou des fonctionnaires qui utilisent des fonds illicites et / ou fraudent la loi, notamment la loi fiscale. Ces personnes sont censées respecter la loi, la faire respecter, et sont supposées exercer leurs fonctions électives ou administratives dans le respect du principe de désintéressement (qui est étroitement lié à la notion de poursuite de l’intérêt général par les personnes exerçant de telles fonctions).

On est dans un domaine très particulier dans lequel les recherches du caractère illicite des fonds utilisés sont souvent vaines, puisque ces fonds utilisent des voies détournées et cachées et qui ne peuvent être d’autant moins découvertes que des systèmes sont mis en place pour paralyser les investigations.

La procédure doit tenir compte de cette réalité.

 

 

II.

Les voies de droit et les procédures :

 

Ces procédures doivent être telles

a) qu’elles puissent être mises en oeuvre par les citoyens sans conditions préalables dissuasives, et sans risque de sanction pour eux

b) qu’elles puissent aboutir grâce à des juges osant décider sans crainte ou sans espoir d’aucune sorte.

 

Le tout, compte tenu des pesanteurs inhérentes au fonctionnement de la société et à une partie des comportements humains.

Ce qui constitue autant de facteurs paralysants dont il doit être tenu compte.

 

A. Des procédures simples

 

Le recours pour excès de pouvoir, « ouvert sans texte » aux citoyens pour leur permettre de saisir un juge pour faire annuler les décisions entachées d’irrégularités, peut servir de modèle.

Sans ministère d’avocat, mais aussi sans que le citoyen ait à craindre une condamnation pour procédure abusive, et sans risque pour lui d’être poursuivi pénalement ou civilement à raison de son action (7).

 

a)

On peut imaginer d’ouvrir par principe aux citoyens un « recours en constatation de nullité  » de certains actes et de certaines situations (v. ci dessous),

Dès lors que l’objet du recours est de faire constater une nullité, ce recours n’est pas enfermé dans un délai. Ce qui fait planer une menace permanente sur la situation des individus qui y ont prêté la main.

Le juge saisi peut être le juge judiciaire ou le juge administratif (puisqu’il s’agit de constater une nullité).

Ce juge doit juger quel que soit le statut ou la situation des personnes en cause ; quelle que soit la nature de l’acte.

 

Le juge doit alors, la nullité constatée, en tirer les conséquences :

1. L’acte nul ne s’applique plus et ses effets passés font l’objet d’un tri (certaines conséquences pouvant ne pas être effacées rétroactivement dans un contexte déterminé) être déclarées.

2. L’individu qui en est à l’origine ou qui en est l’acteur (ou l’un des acteurs selon le cas) s’expose aux conséquences liées à la constatation de nullité, telles qu’elles sont définies au II A ci dessous.

 

b)

On peut également envisager d’ouvrir aux citoyens, un « recours en vérification de conformité de la situation financière ».

Pendant l’instruction de ce recours le juge peut utiliser ses pouvoirs d’instruction pour demander à la personne qui fait l’objet de la procédure d’établir ses dépenses et de justifier de l’origine des fonds qui ont servi à les couvrir. Avec comme conséquence que le plafond des dépenses électorales a été nécessairement dépassé, ou que la vie privée a nécessairement été alimentée avec des fonds illicites (8) si l’origine des fonds n’a pu être établie par celui qui en a profité. 

 

c) La troisième série de recours que l’on peut imaginer, vise à permettre au citoyen de voter en connaissance de cause, sans être victime de manipulations. Auxquelles les candidats excellent, avec souvent l’aimable renfort des médiats, les premiers étant souvent financés, comme il a été dit ci-dessus, par les propriétaires ou les amis des seconds.

 

On peut imposer aux candidats qu’ils répondent durant la période électorale aux questions des citoyens, 1/ relatives à leur intentions d’utilisation de leur mandat représentatif, et 2/ relatives à leur situation personnelle (appartenances à des groupements, activités professionnelles, ressources, liens de dépendance). Par exemple sur un site internet officiel ouvert pour chaque campagne électorale.

Ces réponses sont des éléments fondamentaux qui permettent aux électeurs de voter en pouvant se faire une idée de la manière probable dont ils seront représentés.

 

D’où deux voies de recours (dont les modalités doivent être précisées) , inspirées de la notion de « dol », qui en droit privé, permet de se sortir d’un contrat dans lequel l’une des parties a abusé l’autre :

- La distorsion entre les déclarations de campagne électorale et l’utilisation du mandat représentatif qui ouvre à un pourcentage d’électeurs le droit de provoquer une élection partielle.

- La non réponse aux questions, ou les réponses inexactes qui fonde un groupe d’électeurs à faire annuler l’élection, par la voie d’un « recours pour atteinte à la sincérité des opérations électorales. »

 

 

B. Des procédures aux effets réparateurs et dissuasifs.

 

Dès qu’un élu ou qu’un agent public utilisent leurs fonctions à des fins privées, ils agissent concrètement en dehors de la sphère publique. Mais, dans l’état actuel des choses, rien ne permet de les en faire sortir physiquement. Ce qui fait que des personnes qui trahissent leur fonction, et les citoyens par voie de conséquence, continuent à officier.

La possibilité existant dans les faits d’utiliser des fonctions électives ou administratives pour engranger des bénéfices personnels, immédiats ou différés au delà de l’indemnité ou du traitement, pervertit les cercles politico-administratifs dirigeant l’Etat .

 

Le juge doit donc, lorsqu’il a constaté la nullité, ou constaté la non concordance des dépenses et des fonds officiels, ordonner deux types de décisions accessoires :

 

a) la démission d’office de l’individu, assortie d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer des fonctions électives ou publiques, et de l’interdiction d’activités privées liées à ces fonctions

b) la condamnation à reverser au Trésor public les sommes perçues dans la situation relevée, assortie d’une condamnation éventuelle à une amende civile. Avec possibilité pour le juge de rechercher ces sommes dans le patrimoine de tiers gardiens ou bénéficiaires, (voire dans les patrimoines par lesquels lesdites sommes ont transité).

 

Ces actions et condamnations sont indépendantes des poursuites pénales. Lesquelles obéissent à une autre logique et à d’autres règles.

Quant aux individus qui feraient l’objet des recours citoyens et des poursuites dans le cadre répressif, ils auront matière à ne pas être contents. Mais ils ne pourront en tous cas pas ignorer « qu’il l’ont cherché ».

 

Question finale (et subsidiaire) :

Les juges seront-ils submergés de procédures citoyennes ?

Avant de répondre à cette question, il faut faire observer qu’on ne saurait se détourner d’une procédure au motif qu’elle donnerait du travail aux juges. Si ce devait être le cas, il faudrait dépénaliser les cambriolages, le vol, l’outrage à agent, et, si les choses continuent sur la lancée à Marseille, le meurtre.

 

Il est probable, que dans une première phase, cette procédure serait beaucoup utilisée. Car le nombre de procédures pénales initiées contre des élus est telle, qu’il fait craindre qu’il y a matière à déclencher des procédures citoyennes.

Surtout que par ces procédures, les citoyens auront l’espoir de pouvoir se débarrasser de personnes qui les narguent en quelque sorte.

 

Mais la première vague d’assainissement une fois réalisée, il est probable que les candidats aux élections et les fonctionnaires, spécialement ceux qui constituent les entourages de certains politiciens, auront beaucoup moins de velléités de se servir de leur fonction pour mettre du beurre de contrebande dans leurs épinards.

 

Marcel-M. MONIN

m. conf. hon. des Universités

Secr. gl. de l’UTD

 

 

(1) Certains chefs d’Etat ou de gouvernement, ministres ou chefs de partis, paraissent sots ou se révèlent être d’une inefficacité caricaturale. En réalité, dès lors qu’ils acceptent le jeu des banquiers ** (Etat fonctionnant avec des prêts bancaires et prêteurs imposant leurs conditions à l’Etat) ils ne peuvent rien faire … sinon obéir, couvrir, manipuler. Et si, pour ce faire, ils sont récompensés, les citoyens ne sont pas prêts de pouvoir changer d’opinion sur leurs dirigeants.

** Sur le lien entre la maitrise de la monnaie et la détention du pouvoir, lire ci-après quelques citations parmi les plus connues :

- Napoléon Bonaparte : « Lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est au dessus de la main qui reçoit… »

- Mayer-Amschel Rothschild : « Donnez-moi le droit d’émettre et de contrôler la monnaie d’une nation et alors peu m’importe qui fait les lois ». Souhait réalisé par son petit fils qui créa, avec d’autres banquiers et des milliardaires, la Réserve fédérale américaine, réunion de banques privées qui émettent le dollar, le prêtent au gouvernement américain, en contrepartie de reconnaissance de dettes !!! 

NB. Système (transposé) imposé en France par MM. Pompidou et Giscard d’Estaing en 1973 et imposé à l’Europe (par un aéropages de personnes de « droite » et de « gauche »).

Système qui est à la base de l’asservissement et de l’état catastrophique d’une partie de l’Afrique, acceptés par ses dirigeants. 

 

(2) Dans l’état actuel de nos habitudes juridiques, les individus qui initient, décident ou acceptent de retirer l’usage de leurs bulletin de vote aux citoyens, ou ceux qui utilisent leurs fonctions pour en tirer un profit personnel actuel ou futur ou pour le profit de leurs amis, ne risquent à peu près rien. (Ceux qui lavent le cerveau des électeurs pour obtenir le vote de ces derniers risquant encore moins, c’est à dire rien). Ils sont couverts par des immunités juridictionnelles, et quand ils ne le sont pas, le droit pénal est souvent impuissant.

En effet, certains individus répondent de leurs actes devant leurs amis ou ceux qui ont été associés à leur forfaiture (cas de l’incroyable « Cour de Justice de la République »). Et, de manière plus générale, parce les incriminations pénales ne recouvrent pas forcément leur forfait. Et quand ils le couvrent, l’élément intentionnel de l’infraction manque dès lors qu’ils se contentent de mentir ou de dire qu’ils ne savaient pas, qu’ils n’avaient pas le temps de s’intéresser à la manière dont l’argent était ramassé à leur profit, … Et la preuve ne peut alors pas être techniquement apportée en dehors de l’improbable aveu de l’individu concerné. On a vu ces dernières années qu’au regard d’un réseau d’indices concordants, on pouvait être convaincu, sans risque de se tromper, que certains individus avaient fait ce qu’on les soupçonnait d’avoir commis. Mais on a constaté que la mise en œuvre qui était faite des règles ci-dessus faisait échapper les individus dont s’agit à toute forme de sanction. Le tout, sans risque d’être exclus du circuit décisionnaire et avec la possibilité de continuer et de recommencer.

Dès lors que les procédures que nous proposons ici sont déconnectées du droit pénal, elle peuvent être mises en œuvre en étant débarrassées des protections (autorisation du bureau des assemblées pour certains actes de procédure, immunités juridictionnelles pour les membres du pouvoir exécutif).

NB. Procédures pénales qu’il faudra finir par réformer dès lors que l’on observe que de nombreuses demandes de levée d’immunité parlementaires portent sur des affaires qui portent sur des infractions liées à l’usage illicite d’argent. Comportements par excellence privés entièrement détachables de l’exercice des fonctions. Et dans lesquelles on ne peut déceler la moindre velléité de quiconque de se servir de la voie pénale pour attaquer les individus concernés à raison de leur positions en matière politique.

 

(3) « Je ne crains pas le suffrage universel : les gens voteront comme on leur dira. »
Alexis de Tocqueville.

(4) Il convient aussi de convaincre les juges qu’ils font partie d’un pouvoir séparé et égal des autres. Lequel n’a pas comme mission de faire appliquer les textes décidés par le pouvoir normatif (exécutif, législatif, référendaire) Mission qui consiste certes à faire appliquer les textes, mais … après qu’il a été vérifié si les textes sont applicables. Ce qui implique que les juges devraient s’assurer que les textes quels qu’ils soient, quelle qu’en soit l’origine, quelle que soit l’appellation qu’on leur donne, ne violent ni un droit ni une liberté qui sont inhérentes à la qualité d’homme et de citoyen. Or, dans l’état actuel des choses, les juges contrôlent la plupart des décisions du pouvoir exécutif, mais pas toutes. Ils ne contrôlent pas toutes les lois. (Ils ont pris sur eux de juger de la conformité d’une loi à un traité, mais il a fallu les forcer par un texte, à contrôler la conformité des lois à certains droits et principes). Ils se refusent à exercer un contrôle sur les règles que les politiciens placent dans la constitution ou dans des traités.

Il leur reste beaucoup à faire pour pouvoir être considérés comme constituant un pouvoir séparé.

Dans les domaines qui sont abordés ici, les juges auraient pu offrir eux-mêmes aux citoyens, par une construction prétorienne, les moyens de paralyser les décisions prises dans une situation de conflit d’intérêt. Ils ne l’ont pas fait.

Compte tenu de l’enseignement que les facultés de droit dispensent aux futurs juges, compte tenu du mode de déroulement de la carrière et des habitudes, et, bien entendu, compte tenu de la tendance naturelle des individus à se protéger et à passer inaperçus, et compte tenu du fait que certaines fonctions juridictionnelles sont confiées à des politiciens (Cour de Justice de la République ; Conseil constitutionnel , ce qui donne une odeur caractéristique à certaines des décisions de ces organismes) …. il y a sans doute beaucoup à faire. Mais c’est faisable, si l’on en juge par le fait que dans le contexte actuel des magistrats (certes peu nombreux, qui ne constituent, comme les poissons volants, pas la majorité du genre) osent s’en prendre aux réseaux politico-maffieux, aux puissants, et osent s’afficher dans des groupes de réflexion qui traitent de corruption, de conflits d’intérêt, de la toute puissance des banquiers.

 

(5) « Voilà trente-cinq ans que toute une oligarchie d'experts, de juges, de fonctionnaires, de gouvernants prend, au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat des décisions dont une formidable conspiration du silence dissimule les enjeux et minimise les conséquences ». Philippe Seguin (5 mai 1992)

 

(6) « Quand, du fait de l'application des accords de Maastricht, notamment en ce qui concerne la monnaie unique, le coût de la dénonciation sera devenu exorbitant, le piège sera refermé et, demain, aucune majorité parlementaire, quelles que soient les circonstances, ne pourra raisonnablement revenir sur ce qui aura été fait ». Philippe Seguin (5 mai 1992).

 

(6 bis) https://www.youtube.com/watch?v=2AHzyHkxxaI

 

(7) Il ne s’agit pas d’accuser, il s’agit pour le citoyen de déclencher un contrôle de la conformité d’une situation ou de comportements individuels attendus par rapport à la norme. Conformité à laquelle il a droit. Comme il a droit par ailleurs à ce que les décisions administratives soient conformes à la loi.

Dans cette logique, mais c’est une question différente, il nous paraît nécessaire de rendre légales la fourniture d’informations ou de documents à l’administration ou à la justice, quelle que soit la manière dont ces informations ou ces documents ont été acquis. Lorsque l’information ou le document est de nature à faire cesser une infraction préjudiciable au Trésor public. On peut aussi étendre l’obligation de dénonciation qui existe pour les crimes, à des infractions n’ayant pas cette qualification, et portant sur l’objet ci-dessus. (v. sur internet, les développés consacrés aux « lanceurs d’alerte »).

Car il faut savoir ce que l’on veut. Si l’on veut lutter contre le blanchiment et la fraude fiscale, il faut être logique : seul un employé de banque peut le savoir. Puisque les banquiers organisent cette activité criminelle avec les comptes numérotés et l’effacement des opérations. Soit on assure l’impunité aux employés de banque, voire on les incite à fournir les informations avant que ces dernières ne soient détruites, soit on attend que les banques renoncent au chiffre qu’elle fond avec ces activités illicites. Auquel cas il faut reporter la lutte contre ces fraudes à la fin des temps.

 

(8) C’est une démarche banale du juge administratif dans certaines hypothèses de responsabilité pécuniaire de l’administration. Dans des cas dans lesquels la preuve de la faute de l’administration ne peut pas être administrée par la victime du dommage, mais dans lesquels le dommage ne se serait pas produit si l’administration avait eu un comportement « normal ». Dans ces cas la faute est présumée, l’administration ayant de son côté la faculté d’apporter la preuve qu’elle a fait ce qu’il fallait pour éviter le dommage.

Dans les procédures pénales le présumé innocent qui est soupçonné d’avoir commis certaines infractions en un lieu et à un moment déterminé, est amené à fournir des « alibis », faute de quoi la conviction des juges sur son implication dans l’infraction peut s’établir.

Demander à un élu d’établir l’origine des fonds qu’il utilise pour voir si ces fonds ne proviennent pas de sources illicites ne constituerait de toutes façons pas une révolution intellectuelle.

Les élus ne peuvent dénoncer « le retour à l’inquisition » si on leur demandait de justifier de l’origine des fonds, que s’ils n’ont pas rédigé une déclaration complète de patrimoine (laquelle « dévoile » leurs sources de revenus et la liste de leurs biens) ou que s’ils se livrent à des activités tombant d’une manière ou d’une autre sous le coup de la loi.

 

Marcel-M. MONIN

( 5 avril 2015) 



13 réactions


  • Daniel Roux Daniel Roux 14 mars 2016 12:21

    Il existe des postes importants dont les titulaires sont responsables sur leurs propres deniers des erreurs éventuelles, par exemple les agents comptables de la Sécurité Sociale.

    L’auteur a raison, l’homme est faillible, volontairement ou involontairement. La Société devrait se protéger contre ce fait.

    Un mandataire, fut il un homme politique, ne devrait pas pouvoir engager son mandant au-delà de sa mandature, pas plus qu’il ne devrait établir de budget en déficit.

    Ce serait la moindre des choses qu’un élu condamné pour abus, détournement, favoritisme ou autre magouille, subisse une sanction sur ses biens personnels et qu’il ne puisse plus être éligible à vie.

     


    • Sarah 14 mars 2016 21:29

      @Daniel Roux
       

      Aussi : un comptable d’entreprise, une caissière de libre-service, un caissier d’une banque, une femme de ménage qui casse quelque chose...


  • Ruut Ruut 14 mars 2016 12:59

    C’est quand que les Présidents deviennent pénalement responsables de leurs choix politiques ?


  • beo111 beo111 14 mars 2016 14:28

    Y’en a qui disent qu’il faut armer les citoyens, tout simplement, avec des vraies armes.



  • zygzornifle zygzornifle 14 mars 2016 15:22

    un politique avant de se présenter devrait fournir un casier judiciaire vierge comme un simple employé de mairie et ensuite passer par le détecteur de mensonges ....


    • Anthrax 14 mars 2016 19:53

      @zygzornifle

      EXACTEMENT. Et puis faudrait lui arracher les ongles à titre préventif. Comme ça il se les boufferait plus en lisant les conneries des abrutis qui ont le droit de vote.

  • Attilax Attilax 14 mars 2016 20:38

    Ce serait plus simple et moins couteux de faire une démocratie directe et de se passer de représentants, non ?


    • Sarah 14 mars 2016 21:32

      @Attilax
       

      Oui, une démocratie - par définition directe - et pas de représentants mais des magistrats.


  • Sarah 14 mars 2016 21:39

    @l’auteur

    La France n’est pas une démocratie mais une république.

    Mais peut-être non seulement la France n’est pas une démocratie, n’est même plus une république, même si elle l’est officiellement, mais une oligarchie.

     

    Le stade suivant est la tyrannie, peut-être déjà atteint ça et là si on écoute le témoignage de gens se plaignant des persécutions de certaines administrations françaises.


  • Sarah 14 mars 2016 21:44

    @l’auteur

    D’après ce qui m’a été dit par des Français ayant connu l’époque de de Gaulle, la constitution de la Ve République avait écrite sur mesure pour lui. A la différence de leurs successeurs, toujours d’après eux, De Gaulle et Pompidou n’ont pas abusé des pouvoirs énormes qu’elle leur donnait.


  • Sarah 14 mars 2016 21:49

    @l’auteur

    Vos propositions sont de bon sens mais comment des élus, une fois élus, voteraient-ils pour des lois qui réduiraient leurs pouvoirs, permettraient de les sanctionner, de leurs faire rembourser ou de les exclure de leur poste ?

    Ne pensez-vous pas que la seule solution serait l’établissement d’une démocratie avant toute autre chose ?


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