Bonne nouvelle : Nouvelle Donne
Quel timing, je suis étonné qu’aucun conspirationniste n’ait encore relevé ça : alors que Montebourg fomentait son clash pour le crash du gouvernement, Nouvelle Donne tenait son université d’été.
Comment, vous ne connaissez pas Nouvelle Donne ? Avant samedi, moi non plus. Et c’est normal : cette formation est toute fraîche. Elle a néanmoins réalisé 3% aux Européennes, se hissant ainsi d’un seul coup au niveau d'un vétéran tel que "Debout la République" (15 ans déjà). En nombre d’adhérents, le succès est comparable à EELV (soit environ 10,000 cotisants revendiqués).
Conspiration bien sûr, car Nouvelle Donne est issu d’une scission de l’aile gauche du PS. Le groupe avait d’abord pris la forme d’un think tank, le “collectif Roosevelt”. Devant l’inertie du parti au pouvoir, il fut décidé de créer un mouvement indépendant, et incarnant l'esprit du “New Deal” post 1929.
Les événements de ce weekend sont donc tombés à point nommé, et à l’heure où j’écris ces lignes, le co-Président de Nouvelle Donne est en train de me causer dans le poste. Pierre Larrouturou, la figure de proue de ce nouveau mouvement, dispose d'une tribune pour fustiger le drame socialiste.
Le positionnement est opportun. Mais on ne peut pas éluder la question de la concurrence avec le Front de Gauche. Certains observateurs y voient même un monstre en sous-marin, piloté depuis l’Élysée et censé torpiller le toiseur Mélenchon. En éparpillant les voix, Nouvelle Donne serait là pour garder à flots Le Radeau de la Méduse qu’est devenu le PS, du moins jusqu'à un hypothétique second tour.
À Nouvelle Donne, on peine effectivement à énoncer une raison valable pour refuser une alliance avec le Front de Gauche. Mais n’est-ce pas naturel pour un nouveau parti ? Si l’on veut développer ses propres idées, mieux vaut ne pas démarrer avec des calculs de bidouillages politiciens.
Le côté trop charismatique et écrasant de Mélenchon est donc mis en avant. En rêvant de “sociocratie”, Nouvelle Donne miserait plus sur le "collaboratif". C'est beau. Mais comment un parti peut-il exister sans un tribun percutant ? Pour l’instant, le rôle semble donc délégué à ce Pierre, dont la voix continue de se répandre dans le poste, au moment où je tape ces mots.
Il évoque d'ailleurs un tweet publié quelques minutes plus tôt : un schéma illustrant que la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises, aurait baissé de 10% en 30 ans. Autrement dit, la demande est trop faible, car une trop petite part du PIB arrive jusqu’au consommateur ; les flux se sont détournés vers les marchés financiers…
Le PS est acculé, et condamné pour sa politique de gestionnaire, suiveuse des intérêts de l’Allemagne. Mais ce constat n'est-il pas déjà partagé par tous autres partis, en dehors de l’UMP ? Y a-t-il une réelle spécificité ?
Oui : ils sont par exemple en faveur d’un revenu universel. Cette idée puissante n’a jamais percée chez Mélenchon, qui je le suppose, doit se méfier des racines néo-libérales de ce dispositif. En versant un salaire à chacun, on élimine implicitement le besoin de stabilité dans un contrat de travail. On ne fait aussi que nourrir le marché, en s’assurant d'une manne de consommateurs.
Pourtant, une telle mesure pourrait être ultra-bénéfique à la société, et ses partisans sont de plus en plus nombreux. Sans débattre d’avantage sur ce projet complexe, relevons que rares sont les partis ayant adopté ce regard nouveau : il y a donc de la fraîcheur chez Nouvelle Donne.
Ce regard neuf s’incarne par la présence de nouvelle têtes. Outre le médiatique Bruno Gaccio, on trouve Julien Dourgnon, ex-Directeur charismatique de Que Choisir, passé par le cabinet Montebourg, a priori trop timoré pour lui. Jean-Marie Perbost est aussi de la partie : économiste-enseignant, et "data-journalist" à ses heures perdues, il se fit un plaisir de sortir quelques chiffres intéressants.
Ainsi, il rappela le décalage entre les perceptions et la réalité, en signalant que les homicides ont baissé de 50% en 20 ans. Surfer la vague de l’insécurité est donc irresponsable et inexact. Il pousse son raisonnement à d’autre champs, en insistant sur le fait qu’en termes de finances et d’économie, seules trois choses comptent vraiment : la fraude, la rente et la productivité.
Les ministres éludant ces points seraient des menteurs, méritant d'être jugés. La fraude est en effet estimée à 60-80 milliards d’euros par an, soit à peu près l’équivalent de notre fameux déficit. Pourquoi notre ministre du budget perd-il donc du temps à pleurnicher pour une rallonge de tolérance bruxelloise ? S’il était honnête, il tenterait plutôt de freiner la fraude, avec de réels moyens.
Ou bien il prendrait à bras le corps l’un des deux autres points : en rabotant les niches fiscales de façon efficace, une bonne centaine de milliards pourrait aussi être récupérée. Cela ferait-il fuir les riches et les entreprises ?
Jean-Marie rappelle qu’en l’an 2000, les recettes fiscales de l’État français était supérieures de 100 milliards à celles d’aujourd’hui. Vivions-nous alors sous le joug d'un impôt insupportable ? Beaucoup d’hommes d’affaires et d’acteurs iconiques fuyaient-ils alors le pays ? Réponse : NON. Et il y avait 100 p****** de milliards de plus dans nos caisses. Le même type de raisonnement s’appliquait à la productivité, et sa joute fut fort applaudie par l’audience.
Avant cette démonstration, la table ronde s’était ouverte sur un constat d’ordre plus général, posé par Michaël Foessel. Ce dernier vient de reprendre la chaire de Philosophie de l’X, auparavant occupée par Finkielkraut. Beaucoup moins obsédé par l’immigration que son prédécesseur, le professeur rappelait l’étonnante permanence de la “crise”.
Au sens traditionnel, ce mot ne désigne qu’un moment ou une période passagère. Or, voici que les crises se succèdent non-stop depuis le choc pétrolier de 1973 (ce moment où le conflit israélo-palestinien s’était exporté en pilonnant l’économie mondiale).
Le discours politique est depuis semé de “crises”... Avec toujours la même rhétorique "d’état d’urgence", visant à exiger des sacrifices sociaux. L'état perdure et aucune réinvention ne mène sur quelque chose de nouveau. La muséification de notre pays serait même un symptôme de ce point mort : la crise n'est pas passagère, elle est devenue un statu quo sans horizon.
Et là, on repense au graphique de l’OCDE twouitté par le co-Président : effectivement, le bien-être semble avoir chuté depuis cette époque... Espérons que Nouvelle Donne saura changer les règles du jeu.