Boulogne-Billancourt (92), des municipales mouvementées
A l’approche des municipales, il y a quelques villes qui sont spécialement intéressantes à étudier, et Boulogne-Billancourt en fait partie.
Les racines de la guerre fratricide remontent à loin.
En 1995, l’équipe Fourcade-Baguet, tous les deux UDF, s’empare de Boulogne ; M. Fourcade en devient le maire, et M. Baguet premier adjoint. M. Baguet devient de plus député des Hauts-de-Seine en 1997. Hélas, le début des ennuis arrive : suite à des divergences dans la gestion de la ville, MM. Baguet et Fourcade se brouillent. Au point que lors des municipales de 2001, M. Fourcade, toujours UDF et qui bénéficie du soutien du RPR, de DL, du RPF et du MPF, ne met pas M. Baguet sur sa liste, qui se console en étant élu député en 2002 dès le premier tour sous l’étiquette UMP-UDF. Quant à M. Fourcade, il rejoint l’UMP.
M. Fourcade s’attaque alors au réaménagement de l’île Seguin qui accueillait les anciennes usines Renault, fermées en 1992. Un premier projet avait consisté à y implanter la fondation d’art moderne de Pinault ; mais le projet traîne, suite à des recours d’associations écologistes et à la lenteur de l’administration, et M. Pinault déclare le 10 mai 2005 qu’il installera sa fondation à Venise. Grosse colère des Boulonnais devant cet échec lamentable du maire, colère qui se traduit par des messages peu sympathiques sur le forum de la ville, forum qui devient hors-service fort opportunément.
M. Fourcade, affaibli par cet échec, doit donc bâtir rapidement un nouveau projet. De coin de l’œil, il surveille également M. Baguet, qui ne fait pas mystère de ses intentions de devenir maire de la ville, et met toutes ses chances de son côté en ralliant Sarkozy en octobre 2006. M. Fourcade, âgé, décide alors d’installer un dauphin à la tête de Boulogne, afin que celui-ci puisse se représenter dans la foulée et couper l’herbe sous le pied de M. Baguet ; M. Fourcade démissionne donc en mars 2007, M. Duhamel devient maire.
M. Duhamel, rapidement, tente de se faire connaître des Boulonnais pour asseoir sa légitimité et pouvoir se représenter ; il organise donc des réunions de quartier et lance une politique de rénovation des trottoirs. Mais l’UMP veut récompenser M. Baguet de son ralliement à Sarkozy et décide d’investir M. Baguet comme candidat. M. Duhamel se tâte, hésite, puis finalement décide de ne pas se présenter contre M. Baguet.
Voilà Fourcade ennuyé ; son plan a raté. Mais, mû par son hostilité envers M. Baguet (qui la lui rend bien), désireux de terminer l’aménagement des terrains Renault, il décide de se représenter et arrive à rallier à lui la majorité des membres UMP et apparentés du conseil municipal actuel. Et le voilà qui se lance en campagne. Il est aussitôt exclu de l’UMP mais n’en a cure.
Si la rivalité est bien sûr une question de personnes, il y a aussi une divergence sur le projet, et en particulier sur l’avenir des terrains Renault en général et de l’île Seguin en particulier.
M. Fourcade s’en tient au plan de secours lancé après le retrait de M. Pinault, à savoir des logements, des bureaux, des commerces, un hôtel quatre étoiles, une résidence pour des artistes, et l’université américaine de Paris, jointe à la New York University, pour un campus, des bâtiments d’enseignements, et une résidence. Et également l’Institut national du cancer et une salle de musique.
M. Baguet, quant à lui, voudrait installer des jardins, un hall d’exposition de sculptures contemporaines, un grand jardin rempli de sculptures, un pôle média et culture avec une villa Médicis pour la culture et des pavillons de TF1, un étang artificiel, un amphithéâtre pour des spectacles de plein air, des boutiques, un cinéma et un port.
La campagne électorale fait rage et les partisans de M. Fourcade expliquent que cela coûtera très cher d’annuler les promesses de vente, tandis que les partisans de M. Baguet répondent que de toute manière le projet de M. Fourcade n’aurait quasiment rien rapporté en matière de taxe professionnelle.
Ainsi, la guerre fait rage à Boulogne, entre les deux candidats de droite, et les phrases assassines volent. Les deux autres candidats, Mme Vouette (PS) et M. Canet (MoDem), en sont réduits à compter les points dans une ville où Sarkozy a remporté les deux tiers des voix au deuxième tour de l’élection présidentielle.
Toutefois, chaque candidat a de quoi se consoler en cas de défaite ; M. Fourcade est sénateur des Hauts-de-Seine et président de la Société d’aménagement d’économie mixte du Val-de-Seine, tandis que M. Baguet est député.
A cette guerre entre un umpiste et un ex-umpiste, s’ajoutent deux autres conflits : un conflit infra-MPF, les deux conseillers municipaux MPF sortants ayant décidé de continuer à soutenir M. Fourcade, tandis que la candidate MPF aux législatives a rejoint M. Baguet, chacune des deux factions du MPF critiquant l’autre et menaçant de l’exclure, même si le MPF national officiellement ne soutient personne.
Et un autre conflit, celui des cantonales ; le sortant du canton sud de Boulogne, M. Choisel, UMP, n’a pas été réinvesti ; l’UMP a préféré soutenir Mme Godin. Mme Godin est soutenue par M. Baguet, tandis que M. Fourcade soutiendrait M. Choisel. Pour compliquer un peu plus, un membre de la liste Fourcade soutient officiellement M. Gaborit, candidat PS sur ledit canton, mais également numéro deux de la liste PS pour les municipales de Boulogne.
Les élections s’annoncent donc mouvementées.