lundi 23 novembre 2015 - par Elliot

Comptes et mécomptes de la politique étrangère de la France : difficile aggiornamento de l’Élysée et du Quai d’Orsay

Les attentats sur le sol parisien n'ont pas encore entièrement entièrement convaincu Hollande et Laurent Fabius de modifier leur politique diplomatique en Syrie.

Ils continuent de marteler leur exigence du départ de Bachar El Assad, c'est un peu leur mantra, les mots leur viennent mécaniquement...

Le cerveau humain est un de ces mystères que la géopolitique a du mal à intégrer.

Bien qu'il soit évident que Poutine, instruit du précédent des Américains en Irak ( par charité on passera sur l'intermède libyen ) qui ont réussi à transformer une guerre gagnée en défaite politique majeure puisqu'ils ont été incapables ( ah ! le fameux proconsul Paul Brenner plus sensible aux injonctions sionistes qu'aux réalités du terrain ) de reconstruire une gouvernance sur les débris de l'administration irakienne.

Que du contraire ! les Américains et leurs complices ( parmi lesquels Sarkozy qui a frétillé tant et plus pour être enfin admis à la table des croisés ) sont partis du principe qu'il fallait diviser pour régner et ils ont libéré des forces centrifuges dont ils ne maîtrisent aujourd'hui plus l'agenda.

Ils ont réussi à transformer un pays ( une dictature certes ! ) d'esprit laïc et sur le chemin du modernisme en une arène où se déchaînent des rivalités confessionnelles et où, comble d'ironie, ils ne sont même plus entendus sinon écoutés d'une oreille distraite par des chefs de guerres qui ne leur demandent qu'une chose : que coulent à flot le produit de leurs usines d'armement.

On mettrait volontiers ce foutoir et maintenant ses conséquences sur notre sol au compte de la seule incompétence politique mais on peut soupçonner aussi que certains intérêts eurent à cœur de tirer le meilleur parti de ce bouillonnement, qu'ils en retirent l'écume et s'en repaissent grassement.

Ce n'est un secret pour personne qu'aux Etats-Unis mais aussi chez nous de puissants lobbies sont à l'œuvre qui influencent toute la politique étrangère : la complaisance inouïe dont bénéficie Israël, un état voyou au même titre que d'autres qui ne respecte aucune des nombreuses résolutions de l'ONU lui enjoignant de se retirer dans ses frontières reconnues et qui continue, fort de ses soutiens aux USA et en France, à arracher aux Palestiniens des lambeaux de territoires en arguant des nécessités de sa sécurité alors qu'il apporte le fer et le feu chez ses voisins ( dont la Syrie baasiste, victime parfois des poussées d'urticaire de quelque bureaucrate israélien en mal de sensations ).

Aujourd'hui que Poutine a décidé de soutenir fermement le régime en place – reconnu par la communauté internationale, ce qui n'est pas anodin – qui est celui de Bachar Al Assad, il y a comme un certain contretemps ( j'adoucis mon écriture pour éviter des termes plus orduriers ) à continuer à vouloir, envers et contre tout et surtout la volonté de la Russie devenue maître du jeu, une destruction de l'appareil d'état incarné par Assad et le retrait d'icelui .

Rakka n'étant pas l'unique objet du ressentiment russe, la France, attaquée sur son sol, est bien forcée de contribuer un peu plus massivement à l'anéantissement de l’État islamique que les Occidentaux gardaient, il faut le dire, en forme jusqu'il y a peu.

Cependant Poutine fait, pour sa part, une guerre méthodique où la reconquête des territoires passe par la reddition ou la défaite de tous ceux qui s'opposent au régime, donc aussi ceux, dont on nous dit qu'ils sont démocrates, ceux que l'on arme et qui passent avec armes et bagages à Daech, ce qui démontre à la fois de la naïveté et un certain esprit de collusion.


En effet, les Services de renseignements occidentaux qui ne sont pas si mauvais que ne veulent bien le dire ceux qui ne tiennent aucun compte de leurs avertissements, devaient tout de même être alertés par le pedigree de nos alliés et ont sûrement fait remonter l'information et les réserves d'usage.

Qu'importe ! l'important était que Daech maintînt la pression sur le régime que l'on voulait abattre sans souci pour le chaos qui, là comme en Irak comme en Libye, devait inévitablement lui succéder.

De politique de Gribouille en politique de Gribouille, on se retrouve à l'eau sans savoir nager.

 

Où l'irrationnel fait irruption dans ce conflit, c'est quand Daech relativement épargné par nos armes se décide à frapper massivement le sol français s'opposant ainsi une réplique plus calibrée à son pouvoir de nuisance : cela fait penser à Hitler reclus dans son bunker et lançant avec ses généraux des contre-offensives avec des troupes dont il ne disposait plus et alors que le bruit des canons atteignait le centre de Berlin.

Comparaison n'est pas raison mais on peut s'imaginer que la bête mortellement blessée donne ses derniers coups de griffe : on doit aussi se résigner à la voir renaître de ses cendres tant qu'existeront au Moyen-Orient compliqué des motifs de frustration qui ne sont pas tous illégitimes..



5 réactions


  • leypanou 23 novembre 2015 14:58

    On assiste à une grande campagne d’hypocrisie pour endormir le peuple et lui faire croire qu’on cherche à le protéger : quand le ministre des Finances a dit qu’il faut surveiller les cartes prépayées maintenant qui peuvent servir de source de financement pour ISIS/Daesh.

    C’est sûr qu’avec les millions de naïfs/incultes qui regardent les MSM, dont entre autres BFM-TV et FranceTélévisons, on ne risque pas de savoir qu’ISIS/Daesh reçoit le renfort des activistes de l’ASL pour ce qu’il en reste et que des actions communes ISIS/Daesh Al-Nusra (Al Qaeda) sont courantes.

    Al-Qaeda (al-Nusra) remercie l’Armée Syrienne libre pour les missiles anti-tank reçus des Occidentaux via l’Arabie Saoudite et le Qatar ou non.


  • Meyssan avance l’hypothèse que la France et Israël vont déplacer leurs opérations terroristes et de déstabilisations vers le nord de la Syrie et de l’Irak en vue de la création d’un État Kurde unifié. Cette fois, je na partage pas l’ analyse de l’excellent Thierry Meyssan.
    .
    Perso, je ne crois pas que cela se réalisera. La France et Israël sont des petits joueurs....sur la scène mondiale . La Russie et les USA (et même la Chine pour d’autres raisons ) vont plutôt opter, a mon sens, pour
    refroidir cette zone.  Les grandes puissances opteront pour un démembrement de l’Arabie Saoudite en trois entités. Non pas pour s’accaparer ou piller les champs pétroliers des saoudiens....mais bien pour contrôler le débit de production de pétrole. 
    .
     La réduction de la sur-production mondiale de pétrole ( et maintenant de gaz) a toujours été l’objectif principal des guerres, déstabilisations et des opérations terroristes sous fausses bannières au Moyen-Orient et ailleurs . Cette fois, les grandes entreprises pétrolières ont décidé que ce sera l’Arabie Saoudite qui se sacrifiera et qui offrira au Monde une réduction de production, un ralentissement de la surproduction.
    .
    Les financiers et l’establisment souhaitent aussi cette réduction , de la surproduction mondiale de pétrole, qui entrainera une hausse significative de l’inflation mondiale. ( La hausse des prix du pétrole
    entrainera une hausse des couts des transports qui se répercuteront dans toute la chaine mondiale de production industrielle ).
    .
    L’establisment , le système financier actuel ne peut survivre a une déflation prolongée, il a un besoin urgent de cette inflation significative . Cette hausse de inflation , sur une période de 10 ans, permettra de réduire la valeur des dettes publiques et privée
    .
    Dans ce sens, les intérêts énergétiques ou stratégiques d’Israël et de la France pèseront peu dans la balance face aux intérêts des grandes puissances. 
    .
    Voici donc le lien de ce dernier article de T. Meyssan : La France et Israël lancent une nouvelle guerre en Irak et en Syrie, par Thierry Meyssan


  • wesson wesson 23 novembre 2015 23:13

    Bonsoir l’auteur, plusieurs choses sur votre papier, avec lequel je reste toutefois globalement d’accord. 


    En France, Hollande est en fait inexistant en politique étrangère, et comme à son habitude tente la synthèse entre ceux qui décident réellement : Valls et Fabius. 

    Là, dans le cas d’espèce il semble bien que ce soit Fabius qui ait la position la plus jusqu’au boutiste sur la Syrie. 

    Et il est vrai que Fabius est un ministre qui pose énormément de problèmes. Il y a d’abord sa maladie que l’on dit grave. Puis aussi son incompétence qui est notoire : il ne sait rien ou presque de ses dossiers, et est déjà perçu comme le plus mauvais ministre de affaires étrangères depuis au moins 2 siècles. 

    Mais il y a pire : son fils est un véritable cas : poursuivi pour escroquerie en France, il est aussi connu pour être un joueur impénitent, capable de claquer des millions au casino dans une seule soirée.
    Il a laissé des ardoises partout, notamment à Las Vegas, ou une procédure judiciaire contre lui a été lancée, pour plusieurs millions de chèques en bois. En pratique, si il mets les pieds aux USA il est bon pour la taule, mais pour l’instant, il peut encore voyager en dehors. 

    Cela fait que - par le truchement de cette fin de race - il est très facile de faire chanter le papa, M. Fabius, et je suis tout à fait convaincu que les USA et quelques autres ne s’en privent pas.

    C’est pour toutes ces raisons que la présence de M. Fabius au gouvernement pose un sacré problème à la France et à sa politique étrangère.

    L’autre point, c’est à mon avis prématuré de parler de succès Russe en Syrie. Certes leur engagement est réel, et ils ont obtenu des résultats. Mais je voit très mal les Saoudiens et tous leurs alliés rester comme ça les bras croisés sans rien faire pendant que les Russes mettent dehors leur marionnettes. Tout ce monde là va consacrer des moyens considérables pour rendre la tâches difficiles aux Russes et aux Syriens. Les Saoudiens viennent d’acheter 15.000 missiles filoguidés (TOW) aux USA le mois dernier. 8 sur 10 vont se retrouver en Syrie qui en est déjà littéralement remplie (je ne compte plus les séquences ou les « snackbars » s’amusent avec leur TOW contre des camions ou des jeeps sans aucune valeur militaire, on sent bien qu’on ne leur pleure pas les cartouches). Pareil aussi avec le Captagon, la drogue des Djihadiste que l’on saisit à la tonne au large des côtes syriennes ou dans les avions privés de la famille Saoud. 

    Bref, je ne pense pas que le conflit va rapidement se terminer. Il est parti pour durer, et ceux qui l’entretiennent feront absolument tout pour cela. Au demeurant d’ailleurs, selon le gouvernement Français, « [re]parler aux Syriens n’est pas à l’ordre du jour », si ils ont des renseignements sur des djihadistes qui opéreraient en France, et bien qu’ils se les gardent ça n’as pas l’air de nous intéresser.

    • Elliot Elliot 24 novembre 2015 00:07

      @wesson

      Indépendamment des problèmes de santé de Fabius ( dont je n’avais jamais entendu parler avant que vous ne les évoquiez ) ou de ses problèmes familiaux et on peut penser que, d’une certaine manière, ça pourrait peser sur sa liberté d’action ou ses velléités d’indépendance à l’égard des USA et donc d’Israël, la France s’est globalement placée depuis une décennie en état de servitude volontaire vis-à-vis de ses alliés qui sont progressivement devenus ses maîtres.

      Que Hollande soit l’exécutant en chef ou pas n’a au fond, vous en conviendrez, que peu d’importance : la nature des entraves n’a plus guère changé d’un président l’autre, l’un s’agitait dans son flacon, l’autre est de nature plus placide mais au bout du compte les deux se rejoignent dans le surplace.

      La France maîtresse relative de son destin avait connu un flamboyant retour avec Dominique de Villepin et son fameux discours à l’ONU dont on n’avait pas perçu à l’époque les accents prémonitoires.

      On sait de quelle manière il a dû céder le pouvoir et comment il a été dissuadé de faire son retour en politique.

      Idéologiquement à la remorque des gourous du néo-libéralisme, patauds essayant économiquement de singer l’Allemagne, enfermés dans le carcan de l’Otan et sa vision agressive des relations internationales, les politiciens français ont le talent d’explorer les voies sans issue.

      Rappelons-nous les cris d’orfraie des Occidentaux lorsque la Russie a arraché la Crimée aux exactions des nervis ukrainiens subsidiés par l’UE pour mener grand chambard à Kiev avec le coup d’état imposé au parlement ukrainien par des milices néo-nazies.

      Aujourd’hui nos braillards, lassés de leurs jérémiades, se sont rendus à l’évidence : l’Ukraine a bel et bien perdu la Crimée et elle végète maintenant dans l’assistanat à coups de subventions qui vont devenir de plus en plus pesantes pour le budget des conseilleurs.

      Je pense que Daech, usé d’avoir trop servi, sera vaincu parce que c’est la condition nécessaire pour maintenir la France dans le service actif des intérêts stratégiques de l’oligosionisme.

      Je pense aussi que renaîtront de ses cendres d’autres mouvements manipulés pour affaiblir la Russie et l’Iran et subventionnés par qui vous savez.

      Bonne nuit.


  • sirocco sirocco 23 novembre 2015 23:23

    Parmi les infos entendues sur les télés françaises aux ordres :

    .

    « Sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, les militaires étudient les cartes pour déterminer les lieux où ils frapperont Daech. »
    Faux : les Français opérant au Moyen-Orient sont placés sous commandement américain. Les opérations qu’ils effectuent sont planifiées par l’armée des USA. Ils font donc ce qu’on leur ordonne de faire. Mais les frais, eux, sont bien supportés par les contribuables français...

    .

    Dans un récent discours (il n’arrête pas de passer sur les médias, ça frise l’overdose), Hollande a affirmé que les opérations aériennes françaises contre Daech avaient débuté en septembre.
    Enfumage. Tout le monde a pu se rendre compte que la première véritable opération de bombardement n’a eu lieu, sous le coup de la colère, qu’après les attentats de Paris.
    S’ils ne s’en prenaient pas à Daech, que faisaient donc les avions français avant les attentats... à part apporter un soutien à l’Etat islamique ?

    .

    L’ectoplasme qui nous sert de président ainsi que le suce-bite (de Netanyahou) Fabius restent braqués sur l’éviction de Bachar el Assad. Pourquoi ? Parce que ce sont des caniches d’Israël, le seul Etat qui, depuis le début, oeuvre pour le dépeçage de la Syrie et entraîne tous ses valets (USA, France, Turquie) dans cette entreprise.
    Mais l’intervention russe a quelque peu changé la donne ! Comme il ne peut plus aller bombarder en douce les soldats de l’armée régulière syrienne ou les infrastructures du pays (ce que se permet encore - pour combien de temps ? - l’aviation israélienne) sans risquer de voir ses Rafale descendus par les Mig, Hollande s’en va guerroyer (= soutenir Daech) en Irak, où l’aviation russe n’est pas (encore) présente. Ce qui n’a pas changé, c’est que tout cela reste aux frais des Français.


Réagir