mardi 24 mars 2020 - par
Coronavirus : une nouvelle ligne au passif de Macron (1/2)
Bien sûr, les macronistes en appellent à l’unité nationale et demandent d’éviter les critiques en cette période de crise. Mais cela se heurte à deux limites. D’abord, il faudrait qu’ils soient plus exemplaires en la matière, eux qui sont si prompts à incriminer l’opposition ou les français, quand ce n’est pas l’ancienne ministre de la santé qui rompt les rangs le lendemain des municipales. Ensuite, c’est cette pression critique qui permet aussi d’avancer, comme le montre le report des municipales…
Parapluie et boucs émissaires
Bien sûr, gérer une telle crise est extraordinairement complexe et dur. Mais ce qui frappe depuis quelques jours, c’est à quel point la majorité cherche à se protéger et à se défausser de ses responsabilités en incriminant les uns et les autres. Dès l’intervention du 12 mars, Macron s’est ainsi abrité de nombreuses fois derrière l’avis des scientifiques pour justifier le maintien du premier tour des municipales, alors que beaucoup plaidaient pour un changement de direction, comme dans le Quotidien du Médecin le 6 mars, ainsi que l’a rapporté le site Les Crises. Et parallèlement, fuitait l’opposition du président du Sénat et de Laurent Fabius à tout report, relayée par des députés de la majorité. Mais ces deux épisodes posent des problèmes de cohérence, et globalement de crédibilité.
D’abord, les deux versions sont contradictoires : pourquoi donc le président aurait proposé un report à Gérard Larcher si les scientifiques ne voyaient pas de problème à l’organisation du premier tour ? Les deux versions se contredisent et révèlent en creux, logiquement, qu’une bonne partie du conseil scientifique était opposée au maintien des élections du dimanche 15 mars. Et quelle farce de vouloir nous faire croire que Macron aurait reculé face au président du Sénat sur un tel sujet. Il a tout de même démontré une capacité à avancer comme un bulldozer malgré l’opposition des partis adverses et de l’opinion en de nombreuses occasions depuis son élection ! Ne peut-on pas plutôt imaginer qu’il préférait politiquement que les élections aient lieu pour solder un épisode politique peu en sa faveur ?
Le tour de passe-passe qui a été réalisé sur le sujet a seulement pour but d’exonérer le président de sa responsabilité dans la tenue du premier tour, au mépris de la lutte contre la propagation de l’épidémie. Le rôle d’Agnès Buzyn n’est pas très clair non plus. Sa déclaration post-élection où elle incrimine président et Premier ministre la met également en porte-à-faux par rapport à ses déclarations rassurantes du mois de janvier. En outre, pourquoi avoir accepté de prendre la tête de la campagne municipale à Paris et avoir abandonné son ministère si elle pensait que les municipales n’auraient pas lieu ? Décidément, Macron semble avoir un don pour s’entourer de personnes de petite qualité…
C’est encore le cas avec Olivier Veran, qui clame de manière orwellienne sa transparence. Son interview dans le Figaro daté d’hier est un monument de tout ce qui est exécrable en politique, digne des infox de Trump. Sur le manque de masques, il incrimine les majorités précédentes en détaillant tout ce qu’il a fait, démontrant de facto que l’Etat a agi bien tard, étant donné le manque actuel de masques. Il soutient également que « les masques sont inutiles pour se protéger », ce qui est faux puisque cela protège les autres. Ne serait-il pas plus honnête de simplement dire que nous manquons de masques et que nous privilégions les usages les plus importants ? Et sur le manque de tests, il ose dire que la non-systématisation « suivrait scrupuleusement les doctrines de l’OMS », un énorme mensonge.
Le retour des Gaulois réfractaires
Depuis dimanche dernier, les français sont devenus l’autre bouc-émissaire de la macronie, les images des parcs et marchés le dimanche ayant généré de nombreuses réactions. La majorité serait donc contrainte de prendre des mesures plus strictes du fait de l’irresponsabilité des français, qui n’auraient pas bien pris la mesure de l’épidémie et tarderaient à adopter le bon comportement, en somme un retour du discours sur les Gaulois réfractaires... Mais là encore, ceux qui tiennent un tel discours sont mal placés pour le faire… En effet, pas plus tard que le 6 mars, Macron allait au théâtre et le faisait savoir. Pourtant, la situation italienne était déjà critique et des voix se levaient en France pour appeler à des mesures de confinement… De même, son discours du 12 mars restait d’autant plus modéré qu’il ne voyait pas de problème à appeler plus de 40 millions de français à aller voter trois jours plus tard…
Bien sûr, samedi soir, le Premier ministre changeait de registre, mais là encore, le message manquait de clarté du fait du maintien des municipales. Si les images des foules de dimanche à Paris peuvent être choquantes, l’urgence de rester chez soi ce jour-là n’était pas évidente quand 47 millions d’électeurs, personnes âgées incluses, étaient appelés à voter le lendemain… Il est assez injuste de s’en prendre de la sorte aux français alors que le discours officiel était si peu clair et à mille lieues du discours tenu en Italie par exemple. Un Michel Cymes, dont le discours semble surtout influencé par la position de Macron, n’était guère inquiétant début mars, affirmant que les virus « font partie de la vie (…) je ne suis absolument pas inquiet », ou même le 10 mars lors de son passage dans Quotidien. Il faut lui reconnaître d’avoir admis cette semaine avoir probablement été trop rassurant. En somme, le comportement des français a plus à voir avec la façon dont les élites politico-médiatiques ont traité la crise sanitaire qu’avec une pseudo-inconscience. Des semaines de réassurance et de manque de mesures fortes ne pouvaient malheureusement pas créer un sentiment d’urgence dans la population.
Sur la forme, la succession des trois interventions du jeudi 12, samedi 14 et lundi 16, et le durcissement des mesures montre surtout que le président n’a pas pris les bonnes décisions le jeudi et que, devant son erreur, il a tergiversé, imposant deux ajustements à deux jours d’intervalle, pour aboutir à un dispositif correct. Même si la dernière intervention semble avoir été appréciée (encore que 85% des Français pensent que le confinement vient trop tard), on peut se demander comment sera perçue la séquence globale. En outre, comme l’a bien noté un David Desgouilles peu enclin à suivre l’injonction d’unité nationale derrière le résident de l’Elysée, certains aspects de l’intervention n’étaient guère réussis. Conseiller aux français de lire a un côté maternant et condescendant davantange digne d’un autocrate. Et le rabâchage du terme « guerre », suivi par Trump, fait communication un peu grossière…
Pour finir, le discours quasiment alter-mondialiste tenu par le président ces derniers jours n’était guère crédible. D’abord, le grand écart avec le promoteur de la « start up nation » est un peu trop grand. Ensuite, cela rappelle les discours de Sarkozy il y a dix ans, qui n’ont abouti à rien, comme sur les parasites fiscaux. Bien sûr, notre modèle économique doit être profondément revu, cette crise étant bien une crise de la globalisation, pour aller dans le sens de l’analyse de Michel Onfray. Mais pour l’instant, nous en restons aux grandes déclarations de principe plus destinées à la communication qu’autre chose. Il reste difficile de croire que quoique ce soit de concret pourra aboutir à l’avenir tant cela remet en cause les fondements du modèle globalisé défendu par l’UE et soutenu par nos dirigeants.
Bref, la gestion de la crise sanitaire par Macron et sa majorité est d’autant plus critiquable qu’ils ne se cessent d’incriminer les uns et les autres alors que les variations de leur ligne devrait inciter à plus de modestie. Et comme les critiques semblent faire bouger les choses, il est essentiel de poursuivre à développer un regard critique également sur le fond des dossiers, comme je vais essayer de le faire dans le prochain papier qui sera publié lundi matin.