jeudi 4 octobre 2018 - par Sylvain Rakotoarison

Gérard Collomb : la désertion d’un ministre impuissant

« C’est plutôt la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. Alors, il faut à nouveau assurer la sécurité dans ces quartiers. » (Gérard Collomb, le 3 octobre 2018 à Paris).

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Nouvelle semaine surréaliste pour le Président Emmanuel Macron qui n’est plus maître d’aucune horloge. Après François Bayrou et Nicolas Hulot, son troisième Ministre d’État l’a lâché. C’était d’ailleurs prévisible qu’il ne pourrait pas aller jusqu’en juin 2019. Malgré le rejet présidentiel de la démission, le Ministre d’État, Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a finalement démissionné dans la nuit du mardi 2 au mercredi 3 octobre 2018. La passation de pouvoirs a eu lieu en début de matinée le 3 octobre 2018, place Beauvau, avec le Premier Ministre Édouard Philippe qui a été chargé d’assurer l’intérim du Ministre de l’Intérieur en attendant son remplaçant.

Édouard Philippe lui a bien fait comprendre son agacement, lui qui n’était au courant de rien. La veille encore, à la séance de questions au gouvernement, il avait été incapable de dire aux députés de l’opposition pourquoi Gérard Collomb était absent et malgré tout, il devait le défendre face aux demandes de démission. Confusion totale. Résultat, Gérard Collomb a attendu un quart d’heure devant son ministère l’arrivée du Premier Ministre.

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La passation fut très rapide. Édouard Philippe était pressé, devait aller à l’Élysée, il avait un rendez-vous avec le Président puis le conseil des ministres. Pendant que Gérard Collomb parlait, Édouard Philippe, droit et raide, attendait avec un certain énervement visible par le mouvement de ses doigts. Poignée de main on ne peut plus glaciale : les regards ne se croisaient pas. Ou à peine.

Qui pour succéder à Gérard Collomb ? Évitons les plaisanteries, comme proposer Yann Moix (il a un avis sur la police) …ou encore Manuel Valls (expérimenté). Imaginons celui qui voulait l’être sous François Hollande, François Rebsamen… ou son double bourguignon, beaucoup plus macrocompatible, François Patriat (le président du groupe LREM au Sénat, rescapé du destin). Ou Julien Dray, qui, un moment, s’était préparé à la fonction. Ou Martine Aubry qui découvre enfin (le 28 septembre 2018) qu’il y a des problèmes à Lille, Laurent Fabius (qui n’a pas ce ministère dans sa collection). Ou Richard Ferrand pour libérer encore une fois le perchoir ? Ou alors Frédéric Péchenard (il est du métier), ancien directeur général de l’UMP, maintenant proche de Valérie Pécresse et vice-président LR du conseil régional d’Île-de-France. Encore Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, François Bayrou, Jean-Louis Borloo (pour appliquer son plan banlieue), François Baroin (déjà à ce poste), Christophe Castaner (mais responsable de LREM)… On a même parlé de Jean-Yves Le Drian et de Christian Estrosi, mais les deux ont déjà rejeté l’idée. Dans les supputations, on parle aussi du surdoué de la Macronie, celui qui pourrait même succéder à Édouard Philippe à Matignon, à savoir Gérald Darmanin, mais il a une réforme du prélèvement à la source à assurer…


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Ce qui a été sans doute le plus surréaliste de la journée, ce fut la déclaration d’adieu de Gérard Collomb. Une déclaration qu’on a du mal à imaginer venant d’un ministre sortant après seize mois d’exercice de la fonction. Il semble découvrir seulement aujourd’hui que la situation de certaines banlieues est catastrophique, alors que cela fait plus de vingt ans que le problème est là.

L’islamisme radical qui prendrait la place de la République : « Monsieur le Premier Ministre, si j’ai un message à faire passer… Je suis allé dans tous ces quartiers, les quartiers nord de Marseille, au Mirail à Toulouse, à la périphérie parisienne, Corbeil, Aulnay, Sevran. C’est que la situation est très dégradée. Et le terme de reconquête républicaine prend dans ces quartiers tout son sens. Parce que, oui, aujourd’hui, c’est plutôt la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. Alors, il faut à nouveau assurer la sécurité dans ces quartiers. Mais je crois qu’il faut fondamentalement les changer. Quand les quartiers se paupérisent, se ghettoïsent, il ne peut y avoir que des difficultés. Et donc, nous avons souvent parlé avec monsieur le préfet d’Île-de-France, je crois vraiment que dans la périphérie parisienne, on ne peut plus continuer à travailler communes par communes. Il faut une vision d’ensemble pour recréer de la mixité sociale. Parce que, aujourd’hui, on vit côte à côte et je le dis toujours, moi, je crains que demain, on vive face à face. Et donc, nous sommes en face de problèmes immenses. ».

S’il y avait bien un mot qui pourrait caractériser son action de ministre, ce serait l’impuissance. L’impuissance à ne pas avoir assuré son autorité au sein d’un ministère qui nécessite justement autorité. L’impuissance d’un ancien maire de Lyon qui n’a jamais aspiré qu’à le redevenir, dont l’esprit n’a jamais été qu’à Lyon et très rarement à Paris. Cela n’empêche pas quelques résultats, comme l’arrestation d’un évadé en cavale (qui se cachait sous une burqa quand il sortait à Creil) ou des interpellations dans une enquête sur des attentats. Mais c’est aussi l’autorité du Président de la République qui est mise en défaut quand autant de ministres quittent ainsi le navire gouvernemental.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2018)
http://www.rakotoarison.eu



Pour
aller plus loin :
La démission de Gérard Collomb.
Gérard Collomb se prend-il pour le Président de la République ?
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Richard Ferrand.
L’affaire Benalla.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe.
Le deuxième gouvernement d’Édouard Philippe.
La réforme des institutions, côté Place Beauvau.



10 réactions


  • V_Parlier V_Parlier 4 octobre 2018 14:55

    L’auteur me fait rire : Il semble déplorer particulièrement l’impuissance de Collomb comme si ses prédécesseurs avaient été différents. Or ils sont tous impuissants car politiquement corrects, mais à Collomb on peut au moins accorder le bénéfice du doute : Ce jeu hypocrite lui posait peut-être des problèmes de conscience.


    • Désintox JPB73 4 octobre 2018 18:14

      @V_Parlier

      Bah, il a des tas de nécros toutes prêtes. Aznavour,, Collomb ...

      Le jour où la Reine d’Angleterre cassera sa pipe,, il ne faudra pas manquer Agoravox le lendemain.

  • Ouallonsnous ? 4 octobre 2018 16:23

    Où l’on voit que Sylvain se met dans la roue de la débandade Macroniste, mais, Sylvain, avez vous été inspiré par l’article du Figaro sur le sujet ?


  • Le421... Refuznik !! Le421 4 octobre 2018 16:58
    Bah... Je sais que vous ne lisez jamais les réactions à vos textes...
    Mais disons quand même que ça merde un peu chez vos copains de LREM, hein, mon cher Sylvain.
    Encore que vous me semblez tellement fayot, que même si c’était Fillon ou Wauquiez, vous défendriez les busards de la même façon !!
    Pas grave.
    Nous, on rigole en attendant...

  • ralogohev 4 octobre 2018 18:22
    Salut,

    J’ai le droit de dire « Haïr, c’est tuer en rêve, voir rêver de tuer... » sans autres mentions ?

    Apologie ou pas ? Franchement je sais pas trop, faut tester pour savoir. Avec le miel, ca passe.
    Mais tout cru comme ca, dans le contexte de l’artiste, ça s’alambique pour le censeur ou pas ?

    Merci de votre coopération.



    • Cateaufoncel3 Cateaufoncel3 4 octobre 2018 19:42
      @ralogohev

      « J’ai le droit de dire « Haïr, c’est tuer en rêve, voir rêver de tuer... »

      En tout cas, Duras(oir) elle, elle se se grattait pas  :

       »Chaque matin, dans ma tête, je tue Le Pen de toute ma force. Dès que je me réveille, je recommence à tuer. Je n’ai jamais regardé Le Pen sans avoir la mort dans les yeux.  »

      Et c’est Jean-Marie qui l’a enterrée... Elle avait 81 piges, il en a 90, et s’il y a une rumeur, toujours est-il qu’il a 90 piges. Comme quoi la vie...

  • cétacose2 4 octobre 2018 20:27

    Benallah serait parfait en ministre de l’interreur......


  • troletbuse troletbuse 5 octobre 2018 00:33

    Quand vous parlez d’impuissance, il faudrait peut-être détailler. Avez-vous interrogé sa femme ?


  • Christian Labrune Christian Labrune 5 octobre 2018 14:21
    A propos du divertissement, Pascal écrit :

    "Quelque condition qu’on se figure, où l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde. Et cependant, qu’on s’en imagine accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S’il est sans divertissement et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point. Il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la mort et des maladies, qui sont inévitables. De sorte que s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit.« 

    Le seul objectif de Macron aura été d’occuper »le plus beau poste du monde« et de pouvoir s’y donner des airs de petit roi. Son seul problème actuellement, c’est de s’y maintenir, et il doit assurément tomber »par nécessité dans les vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver« . Il peut bien se faire divertir à l’Elysée (le jour de la fête de la musique par exemple) et n’importe où ailleurs, par ceux qui le regardent comme un autre paillasse, leur confrère, cela ne suffira pas longtemps.

    Louis XIV parlait de son »métier de roi« . Macron aura oublié que »le plus beau poste du monde" impliquait un maximum de clairvoyance, de talent politique, d’audace et de courage, et que ce n’était pas le moins du monde une sinécure. Ceux qui font tant bien que mal le boulot à sa place, désormais, n’en peuvent plus, et dans un pays qui part à vau l’eau, chacun commence à chercher une bouée de sauvetage.

    Le spectacle commencé dans une grandiloquence burlesque sous la pyramide du Louvre est devenu en peu de mois une opérette laborieuse dont on attend la fin avec impatience.


  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 7 octobre 2018 15:58
    Ni Collomb, ni personne ne pourra maîtriser la situation que l’administration française avait elle-même créée. Aujourd’hui il faut un « Ministère des Étrangers » qui administrera les « Quartiers et les Banlieues » comme le sont les « Territoires d’Outre Merde », totalement abandonnés... de là où Missié Macron s’est fait mettre un doigt dans le c...

    C’est la profonde idéologie française qui refuse l’intégration des étrangers. 


    La France triche en se donnant à la sélection humaine : Quand on accepte quelqu’un, on accepte un patrimoine génétique qu’on ne réforme pas au fond d’une éprouvette pour le rendre conforme aux « valeur françaises »... Et quelles valeurs puisqu’elles sont inférieures à celles des autres peuples. 

    Il y a donc un double problème avec « intégration » :

    01) Le français n’accepte pas l’étranger qu’il parque souvent loin de la vie sociale et du bien être national, il lui garde durablement le statut d’arriviste et comme l’arrivée ne se tarie jamais, il s’est produit nécessairement des communautés étrangères et étrangères à la France qui les héberge. 22 siècles après la Diaspora, les Juifs de France sont toujours des Juifs en France...

    02) Le Français ne pense même pas, ne s’imagine même pas qu’un étranger puisse avoir et puisse afficher des valeurs autrement plus nobles que celle de la France. Il s’ensuit non pas une intégration du sujet mais sa réelle résistance, il se cherche alors le milieu qui lui convient, c’est-à-dire là où il y a ses semblables...

    Les étrangers de passage ou vivants durablement en France ont toujours apporté le meilleur d’eux-mêmes, mais comme la perfidie de la France ne met en avant que le « génie français », alors ces étrangers se sentent avoir été trahis et regardent désormais la France comme un « piège à rat » : Il ne peut y avoir de réconciliation. 

    Monsieur Collomb, ministre de rien du tout a la longue expérience de Villeurbanne, il ne pouvait franchement réussir à Paris... D’ailleurs le motif de son rapprochement avec Missié Macron et son éloignement aujourd’hui ne sont connus que de lui et personne ne peut dire ce que lui-même ne dira jamais : Rien à voir avec les dissertations de paperasses polluantes et rien à voir avec les suppositions des Webistes. 

    Allez parlez, sorcier de Lyon !


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