jeudi 12 octobre 2017 - par Sylvain Rakotoarison

Gérard Larcher, consacré sans surprise

« Parmi les sources qui fondent la légitimité de notre assemblée dans la Ve République, on peut citer ces mots prononcés par Charles De Gaulle lors de son discours de Bayeux : "Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits". » (Gérard Larcher, le 2 octobre 2017 au Palais du Luxembourg).

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On ne pouvait pas dire qu’il y aurait une surprise à l’issue des élections sénatoriales du 24 septembre 2017, puisque le groupe majoritaire s’était renforcé, celui de Les Républicains. Le Président du Sénat sortant, Gérard Larcher (LR), n’avait donc pas beaucoup d’inquiétude pour reprendre un nouveau mandat de trois ans à la tête du Sénat, comme deuxième homme de l’État dans l’ordre protocolaire (même si ce n’est pas lui mais le Président de l’Assemblée Nationale qui préside le Parlement réuni en Congrès à Versailles). En outre, il a la fonction d’assumer l’intérim de la Présidence de la République en cas de vacance ou d’empêchement (seul Alain Poher a eu cette charge, à deux reprises en 1969 et en 1974).

Lors de la désignation du Président du Sénat, ce lundi 2 octobre 2017, ce fut donc "la" journée de Gérard Larcher. Il a en effet été élu dès le premier tour avec une large majorité, 223 voix sur 317 suffrages exprimés. 79 voix se sont portées sur la candidature de Didier Guillaume, président du groupe socialiste, et 15 voix sur Éliane Assassi, présidente du groupe communiste. Ces deux dernières candidatures ont rassemblé les seules voix de leur groupe. Le petit groupe sénatorial macroniste (LREM) a préféré, quant à lui, voté blanc ou nul (26 sénateurs ont choisi ce mode de suffrage). Il faut dire que la très grande majorité du groupe LREM faisait partie (pour les sortants) du groupe socialiste, mais ils ne pouvaient politiquement pas voter pour un parti dit d’opposition (que ce soit PS ou LR) et ne voulaient pas se compter (trop peu nombreux).

Qu’importe. Gérard Larcher, en rassemblant sept dixième des sénateurs dès le premier tour, a montré sa grande habilité et aussi sa capacité à rassembler, son sens du consensus et probablement, aujourd’hui, une véritable reconnaissance de ses qualités d’arbitre dans une atmosphère d’apaisement. Son vrai succès a été de réussir à éviter une candidature centriste, au contraire des précédents scrutins, en 2014, 2011, 2008, etc.

Rappelons que la Présidence du Sénat, jusqu’en 1998, était traditionnellement "réservée" à un centriste car le Sénat, bien avant Emmanuel Macron, n’a jamais voulu se diviser dans un clivage droite/gauche réducteur et il subsiste encore un petit groupe qui rassemble encore le centre droit et le centre gauche, le RDSE (Rassemblement démocratique social et européen qui était auparavant connu sous l’appellation de Gauche démocratique). En 1989, Charles Pasqua avait réussi à faire réélire Alain Poher (80 ans) contre un candidat centriste de renouveau, l’ancien ministre Jean Arthuis (45 ans), en attendant un renforcement de son propre groupe (RPR). Dix ans plus tard, la prédominance des gaullistes du RPR en 1998 avait permis à Christian Poncelet de remporter l’élection sur le sortant René Monory (75 ans).

Gérard Larcher a rassemblé sept dixième des sénateurs, mais on pourrait presque dire que l’unanimité est réellement en sa faveur : tous les sénateurs l’apprécient car il refuse toute posture partisane et il est avant tout le défenseur du Sénat et du bicamérisme, cette capacité essentielle de permettre à une seconde chambre d’améliorer, de perfectionner, de replacer dans la durée et dans l’histoire, les textes des députés souvent passionnels et à court terme. La nécessité de s’entendre avec les députés oblige les sénateurs à s’opposer, le cas échéant, avec modération, puisque, au final, l’Assemblée Nationale a le dernier mot (sauf pour les révisions constitutionnelles).

C’était tout le sens de l’allocution très consensuelle de Gérard Larcher à l’issue de sa réélection qui fut saluée par tous les sénateurs (enfin presque tous, car j’imagine, mais ce n’est qu’une supposition, que les deux sénateurs FN ne se sont pas levés). En tout cas, pas de sénateur France insoumise et donc, consensus plus fort autour de cette réélection : au-delà des sénateurs qui ont voté pour Gérard Larcher (LR, UDI, RDSE), même des sénateurs socialistes et communistes se sont levés pour applaudir le nouveau réélu.

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Le doyen des sénateurs qui a présidé la première séance (inaugurale) du nouveau Sénat (fortement renouvelé) était un socialiste, Philippe Madrelle dont la carrière politique ne pourra plus être imitée par ses successeurs en raison des nouvelles lois sur le cumul. À 80 ans, Philippe Madrelle, sénateur depuis octobre 1980 (élu cinq fois et son actuel mandat se termine en octobre 2020) fut élu président du conseil général de la Gironde de mars 1976 à avril 2015 sauf de mars 1985 à octobre 1988 (conseiller général de mars 1976 à avril 2015), président du conseil régional d’Aquitaine de 1981 à 1985, député de novembre 1968 à septembre 1980 et maire d’une petite commune de mars 1976 à mars 2001.

Un exemple typique de cumulard ! Quarante-neuf ans parlementaire, sans compter les autres mandats dont quarante ans à la tête d’un exécutif territorial très important (en terme budgétaire). Après avoir rappelé son long parcours, le doyen, qui est « entré très tôt dans la vie politique, où [l’]ont entraîné tant [ses] inclinations personnelles qu’une solide tradition de militantisme familial », a donc observé très lucidement : « Un tel parcours ne sera bientôt plus possible. Nous nous trouvons en effet aujourd’hui dans une période charnière et nous abordons une nouvelle époque de la vie politique. Le Sénat, comme les autres institutions, entre dans l’ère du non-cumul. Les nouvelles limitations apportées au cumul des mandats ne permettront plus d’exercer concomitamment plusieurs responsabilités comme je l’ai fait. ».

On comprend alors pourquoi Gérard Larcher a déclaré ceci : « La fin du cumul des mandats, monsieur le doyen, est un défi. Par construction, elle fragilise le lien qui unissait le sénateur aux élus locaux. C’est ce lien direct qui contribuait d’ailleurs à en faire un législateur avisé et un contrôleur vigilant. Je le dis très clairement, le sénateur d’octobre 2017 n’est plus le sénateur de juin 2017. Il va donc nous falloir exercer notre fonction de manière différente, pour prendre en compte les attentes des élus locaux avant comme après le vote de la loi et consolider le lien de proximité, les consulter davantage et, pour ce faire, mettre en place ici un outil numérique de consultation permanente des élus locaux. ».

Dans cette allocution, Gérard Larcher a expliqué de nouveau la fonction du Sénat : « Le bicamérisme est un atout pour notre démocratie (…). Le projet que je vous ai proposé repose sur deux principes qui me paraissent devoir structurer notre rôle : être garants de l’équilibre des pouvoirs, être garants de l’équilibre des territoires. ».



Et de poursuivre sur l’équilibre des institutions : « "L’horloge démocratique" de nos institutions ne peut être réduite à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, que suit l’élection des députés, laquelle n’est, depuis la réforme du quinquennat, que la "réplique sismique" de l’élection présidentielle. L’équilibre des pouvoirs, indispensable au fonctionnement démocratique de la République, a besoin d’une voix différente : celle du Sénat. (…) Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans les enquêtes d’opinion. ».

Gérard Larcher a défini l’influence du Sénat ainsi : « C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France. La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de "l’ombre à la lumière", soit de "l’ancien monde au nouveau monde" ! ».

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Sur les élus locaux, les sénateurs se sentent investis d’être leurs représentants auprès du gouvernement : « Il faut rétablir une relation de confiance entre l’exécutif et les élus locaux. C’est indispensable pour redresser notre pays. Le Sénat doit être un facilitateur, un pont, pour que confiance et respect, ce sont les mots que j’employais le 17 juillet dernier, nous permettent d’instaurer des relations apaisées, positives. ».

Mais la phrase la plus importante et la plus attendue du discours de Gérard Larcher, ce fut son attitude vis-à-vis de la réforme des institutions que voudrait faire Emmanuel Macron. Pour réussir une telle réforme, il faut l’accord du Sénat puis des trois cinquièmes des parlementaires, ou, dans le cas d’un référendum, de la majorité des suffrages exprimés.

Toujours dans son style consensuel, Gérard Larcher s’est bien gardé d’ouvrir les hostilités, au contraire, il a redit sa volonté de coopérer avec le gouvernement avec la meilleure bonne volonté, mais en imposant une condition, que le Sénat soit écouté : « En ce qui concerne la réforme constitutionnelle, qui est pour nous une responsabilité majeure, je vous proposerai d’en examiner le contenue sans parti pris ni arrière-pensées, mais, je le dis clairement, le Sénat comptera dans cette révision ! » (2 octobre 2017).

Lorsqu’il avait gagné la "primaire" sur l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, médiatiquement beaucoup plus connu, en 2008, il n’avait l’air de rien. Ministre secondaire (mais qui avait montré déjà ses talents de négociateur avec les syndicats), Gérard Larcher est hors du sérail politique habituel (il n’est pas énarque mais vétérinaire pour chevaux), et incarne à merveille, avec la corpulence tout sénatoriale, le bon sens rural et (en même temps) la finesse urbaine.

D’une fidélité à toute épreuve (notamment fidélité à François Fillon lors de l’élection présidentielle), il est sans doute l’interlocuteur le plus redoutable que Les Républicains pouvaient espérer imposer au Président Emmanuel Macron, tout en douceur mais avec une fermeté et une solidité politiques qui ont déjà étonné.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Résultat de l’élection du Président du Sénat le 2 octobre 2017.
Allocution du Président du Sénat du 2 octobre 2017.
Édouard Philippe.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Gérard Larcher.
Élection du nouveau Président du Sénat (le 2 octobre 2017).
Résultats des élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
Sénatoriales 2017 : état des lieux.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.
La Ve République.
La campagne des élections législatives de juin 2017.
Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.
Emmanuel Macron.
Jean-Pierre Bel.
Christian Poncelet.
René Monory.
Alain Poher.



 



8 réactions


  • canard54 canard54 12 octobre 2017 12:54

    À quand la fin de cette assemblée de nantis que l’on goinfre d’argent publique et qui ne sert à rien puisque c’est l’assemblée nationale qui a le dernier mot là il y a des économies à faire car ils vivent bien ces personnes rien qu’à voir Larcher ,la cantine doit être bonne....


    • Le421... Refuznik !! Le421 12 octobre 2017 18:24

      @canard54
      J’allais le dire.
      Entre le vin vieux et les goinfreries à table, je pense que le reste...


  • foufouille foufouille 12 octobre 2017 13:14

    "Un exemple typique de cumulard ! Quarante-neuf ans parlementaire, sans compter les autres mandats dont quarante ans à la tête d’un exécutif territorial très important (en terme budgétaire). Après avoir rappelé son long parcours, le doyen"
    faut regardder la poutre de son parti .............. genre fillon.


  • francois 12 octobre 2017 15:11

    le Sénat lieu où l’entre soi ne se cache plus et l’indécence éclatante. Rakoto frise l’indigence.


    • Armelle Armelle 12 octobre 2017 16:13

      @francois
      « le Sénat lieu où l’entre soi ne se cache plus et l’indécence éclatante »

      Alors cher fanfois, une phrase se construit avec un sujet, un verbe et le cas échéant un complément d’objet.
      La couche que vous trimballer vous perturbe sans doute un peu la vue !!! Il y a même des cancres en Segpa ?
      Alors évitez certains sujets, déjà que vous écrivez n’importe comment...Ce qui est rassurant pour vous c’est que la marge de progression est immense,

       smiley

      Bon après midi fanfois


    • francois 12 octobre 2017 16:22

      @Armelle
      La renflouée s’occupe et vient faire la leçon telle la péteuse regardant son voisin pour détourner l’attention.


  • zygzornifle zygzornifle 12 octobre 2017 15:41

    cet homme sent bon le pognon , il le transpire par tous les porcs de sa peau, il sent aussi la bonne bouffe , les grands crus ,le parfum a 100€ la goutte , il sent également la retraite a 5 chiffres , un vrai LRPS En Marche .....


    • canard54 canard54 12 octobre 2017 19:16

      @zygzornifle Bonjour ;

      Que voulez vous on engraisse pas les gros porcs avec de l’eau claire.....


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