Hollande et Villepin dans le texte, traduit par Copé
Interpellé par François Hollande, le premier ministre a proféré deux énormités et une injure. Heureusement, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a arrêté la langue de bois et nous explique le discours galouzien.
En planchant sur la phrase du jour, nous pensions d’abord présenter l’intervention d’hier de François Hollande à l’Assemblée nationale. Chacun s’est, logiquement, attaché à la réponse de Villepin, mais il est intéressant de savoir quelle attaque a bien pu mettre notre premier ministre, déjà malmené ces temps derniers, dans un état tel qu’il insulte le leader du principal parti d’opposition. François Hollande, donc, à propos de l’affaire Forgeard/EADS : "Pas de confiance dans le pays, pas de confiance de la majorité, ni dans la presse : dans toute démocratie digne de ce nom, le chef de l’État ou le Parlement auraient mis fin à cette situation. Mais notre pays vit actuellement sous le régime de l’irresponsabilité ! [...] Des dirigeants d’entreprise n’hésitent pas aujourd’hui à s’octroyer des rémunérations considérables, au moment même où leurs salariés se trouvent réduits à la portion congrue. Ces faits ont en outre eu lieu alors que le groupe EADS annonçait un millier de suppressions d’emplois dans sa filiale Sogerma de Mérignac. Dès lors que l’État français détient 15% du capital de EADS, dès lors que le président de la République et vous-même, Monsieur le Premier ministre, avez joué un rôle dans la nomination du co-président d’EADS, M. Forgeard, lui maintenez-vous votre confiance ? Si tel était le cas, cela signifierait que l’irresponsabilité générale l’a emporté, puisqu’on aurait la preuve qu’un président d’entreprise peut se comporter ainsi sans être rappelé à l’ordre par l’État."
Deux énormités et une injure
Galouzeau de Villepin va commencer sa réponse en distillant quelques savoureuses perles, avant de finir par littéralement péter les pombs : "Monsieur Hollande, il est des moments dans la démocratie où l’on ne peut pas dire n’importe quoi." Parce qu’il en est d’autres où l’on peut ? "En 2000, c’est vous qui avez défini, avec Lionel Jospin, le pacte d’actionnaires ; c’est votre responsabilité et nous remettrons les choses à plat." La réponse tombe à côté, puisqu’il est question de la nomination de Forgeard, dans laquelle la responsabilité du premier ministre est bien engagée. Celui-ci poursuit néanmoins ses leçons de démocratie, façon pot-au-feu : "Il est des moments dans une démocratie où on ne peut pas mélanger les carottes et les choux-fleurs". Le niveau du débat est monté d’un cran, là, vous avez remarqué ? Mais on n’a encore rien entendu, notre bateleur n’a pas fini sa phrase : "mélanger... l’exigence de vérité et l’exigence de bonne gestion." Ah ça, c’est sûr qu’on ne va pas commencer non plus à mélanger carottes, choux-fleurs, vérité et bonne gestion. Sinon, c’est la chienlit. Donc il ment. C’est même très caractéristique de sa façon d’exercer le pouvoir. Mais c’est pour gérer. De quel droit voudrait-on l’obliger à dire la vérité aux représentants élus du peuple ? Opposer vérité et bonne gestion ! Laissons-le mentir, ça ne nous regarde pas. Mais Villepin n’en a pas encore terminé puisque vient ensuite le colossal : "Je dénonce, Monsieur Hollande, la facilité, et je dirai même, en vous regardant, la lâcheté... la lâcheté de votre attitude... sa lâcheté, je le redis". Une troisième fois pour la route : si ce n’est pas s’enfoncer ! Et le premier ministre avait joyeusement prévu de continuer son discours. Las, les vociférations indignées des députés socialistes quittant la salle ont couvert la suite.
Copé, docteur es-langue de bois
Heureusement, Jean-François Copé est là. Souvenez-vous : le ministre délégué au budget et à la réforme de l’Etat, ainsi que porte-parole du gouvernement, a arrêté la langue de bois, juré-publié-vendu dans toutes les bonnes librairies. Tournons-nous donc alors vers lui pour savoir ce que signifiait Villepin, dénonçant la lâcheté de l’attitude de François Hollande. D’abord, pour lui, ce bon François était "super-agressif". Bon. Et ensuite ? "La réponse du Premier ministre était tout simplement de dire que le fonctionnement même des choses, le pacte d’actionnaires dans lequel se trouve l’Etat, a été décidé par (un) gouvernement de gauche et que donc il était quand même bien d’arrêter le double langage" : il a vraiment bien fait d’arrêter la langue de bois. Notez ce très primesautier "tout simplement". A lui la phrase du jour finalement ! Villepin, traduit par Copé, ça sonne tout de même plus présentable. Moins voyou de l’Assemblée nationale. Mais ça serait quand même bien qu’on arrête avec le double langage, Jean-François a raison.