mardi 1er avril 2014 - par Pierre JC Allard

Huit (8) millions d’Insignifiants ?

Vous savez que les vieilles Chinoises ne permettent pas au médecin de les ausculter ? Et elles indiquent sur une figurine l'endroit où elles ont mal... Je ne vous parlerai pas des Municipales. Je vais vous parler du Québec... Si vous ressentez une douleur, du coté gauche, vous faites peut-être une crise aigue d'insignifiance... et ça peut être grave.

- Dites donc, Allard, c'est pour moi que vous dites çà ?

-Non, mon cher Machin ; le simple fait que vous posiez la question vous rend déjà signifiant, au moins un peu… Je pense à Quidam Lambda, qui lui ne s’en pose pas, des questions, parce qu’il a toutes les réponses. Celui qui SAIT que tous nos politiciens sont des fripouilles et des ordures… et « insignifiants », pour la bonne mesure…. Depuis une semaine, je n’entends que çà : Couillard, Marois et les autres sont « insignifiants, leurs programmes sont « insignifiants », l’avenir qu’ils proposent est « insignifiant »…

- Parce que vous, Allard, vous trouvez que ce que disent les politiciens est intelligent ?

- Ne confondons pas ! On parle de signifiance…

***

Nos politiciens québécois sont EXTRÊMEMENT signifiants : ils sont la représentation tout à fait appropriée de ce que nous sommes, au Québec, comme société. Il se dégage d’eux des effluves bien signifiantes, confortables. La portée des chiots se reconnaît et se sent bien dans l’odeur de la chienne. Il n’y a que ceux qui ne comprennent pas le Québec pour être insatisfaits , par exemple, des réponses de Couillard, le favori des pareurs, quand on lui parle de comptes bancaires à Jersey.

Ce que dit Philippe Couillard, est pourtant clair. « Si, jeune médecin, je suis allé vivre pendant des années avec des éleveurs de chameaux parvenus, c’était naturellement pour faire un maximum de fric. Vous croyez que j’aurais dû me priver de mettre ce fric là où il me donnerait le plus d’avantages ? Est-ce qu’il y a un lambda parmi vous, les quidams québécois, qui, à ma place, n’aurait pas fait la même chose que moi ? Allez, soyons sérieux…. ! »

Et quand on fronce les sourcils parce que Madame Marois, Ministre de son état encore et encore, avant d'arracher enfin la tete de liste, a eu Claude Blanchet son conjoint en charge de la Caisse de Dépôts et Placements, facilitant certainement grandement leurs opérations, pense-t-on qu’il y a, au Québec, beaucoup de gens qui, ayant le pouvoir de le faire, n’auraient pas aussi donné un job juteux à leur conjoint, si celui-ci avait eu le CV qui permettait de le faire sans trop de scandale ? S’il y en a qui veulent le dire, faudrait filmer et appeler Rozon ; vous savez, le type de "Juste pour rire"...

Je pense au témoignage de Luc Lambert devant la Commission Charbonneau. assionnant feuiilleton-suspense sur la corruption qui a été le gros hit de la saison au Quebec. Voyez ci-dessous… Il faut le lire.

http://www.les7duquebec.com/non-classe/quidam-lambert-est-il-quidam-lambda/

L’impunité acquise. Lambert a bien rigolé… Et l’on a eu ce témoignage le plus sincère de ce spectacle à grand déploiement où il est apparu que tout le monde et son père avait trempé dans la corruption autant qu’il le pouvait, et qu’il valait mieux cesser de condamner si on voulait garder assez de « présumés innocents » pour que le système fonctionne et que les travaux de voirie à Montreal se fassent…

Notre classe politique est parfaitement « signifiante » . Elle signifie ce que nous sommes. … Elle reflète la conscience permissive, élastique d’une société qui n’a pas seulement renoncé à ses valeurs, mais les a reniées et maintenant les dénonce…. Aujourd’hui, est perçu comme « insignifiant » dans tous les sens du terme, incluant son acception la plus populaire, celui qui ne profite PAS de tout et de tous autant qu’il le peut. Je ne crois pas qu'il reste beaucoup d’insignifiants chez nos politiciens…

- Allard, vous jouez sur les mots. Vous voulez dire que l’indélicatesse dont on soupçonne nos politiciens est SIGNIFICATIVE de ce qui est devenu la morale dévoyée, acceptée comme la norme, de notre société. Mais on parle ici de « signifiance », dans le sens d’avoir une certaine importance….

Cette précision m’oblige à attirer l’attention sur une réalité désagréable. Si nos politiciens paraissent si nuls et interchangeables qu’on ne voit plus ce que modifierait le choix de l’un plutôt que de l’autre, ce n’est pas seulement que les politiques qu’on applique obéissent maintenant à leur seule logique d’efficacité qui ne laisse place a aucune fantaisie, mais aussi que la plupart d’entre nous ne sommes plus que des rouages d’une machine « Société » dont le déterminisme est à l’abri de nos caprices.

Supprimez à peu près n’importe qui de la structure sociale et il sera remplacé sans heurts par un autre lambda qui fera ce que son prédécesseur aurait fait ou aurait dû faire : poser les gestes prévisibles d’un total égoïsme et d’une parfaite amoralité. Seuls les irrationnels sont devenus irremplaçables – et doivent être remplacés – quelques fous, quelques artistes…. Les autres sont interchangeables… porteurs d’aucun signe distinctif et donc insignifiants au sens strict.

Et il y a encore pire…. Car non seulement il y a un ou plusieurs substituts aptes à remplacer au pied levé chacun d'entre nous qui ne serait pas dépourvu de toute signifiance, mais il est de plus en plus évident, dans notre société de technologie et d’abondance, que la solution la plus efficace, pour le bon ordre et la productivité, serait presque toujours de ne substituer PERSONNE à celui qu’on remplace, et à ce qu’il faisait... RIEN DU TOUT ! 10% de la main-d’œuvre suffirait à produire pour tous nos besoins et désirs matériels. On ne travaille plus pour produire, on produit pour travailler. Pour feindre de créer du sens….

Bien sûr, nos besoins en SERVICES, eux, sont infinis, mais il faut se souvenir que c’est NOUS qui les définissons, à partir de consensus que nous créons aussi…. et rien pour l’instant n’indique un transfert de nos ressources vers la satisfaction de nos besoins, de nos désirs ou même de ces consensus…. Ce que nous faisons sur cette planète n’est plus si différent de cette agitation qui fait tourner l’écureuil dans sa cage.

Vous, moi, ni personne ne sommes plus occupés de façon vraiment « signifiante ». Nous jouons la plupart du temps des jeux de rôles, dont l’importance est fixée de façon arbitraire, par décision d’un pouvoir dont nous avons une crainte devenue largement révérencielle. L’exemple emblématique en est cette vaste bureaucratie qui ne produit rien, mais qui peu a peu prolifère, non seulement dans le secteur public, mais dans le secteur privé également, où le nombre de subordonnés devient pour chacun l’indicateur de sa présumée utilité sociale … que rien ne vient corroborer.

Le temps de travail se passe à l’exécution de tâches inutiles. Il n’y a guère que le secteur de la santé où l’on apporte un plus, et encore ce secteur est-il gangrené par une recherche éhontée du profit qui transforme en simple sous produit le bien qui en sort.
Rien ne se produit dans notre société dont le travail qu’il requiert ne soit multiplié par 10, par des ajouts de pure connivence, pour alimenter une classe parasitique dont on veut le soutien pour soutenir une gouvernance commise au maintien de l’injustice.

Le système de production se vautre dans l’insignifiance des fonctions d'appoint qu’on y a créées, diminuant dans la même proportion les biens et services dont on pourrait jouir si on faisait oeuvre utile. On cherche ainsi à maintenir, dans notre société qui a atteint l’abondance, une pauvreté artificielle garante de la stabilité de la classe dirigeante. Cette pauvreté repose sur l’insignifiance de ce qu’on oblige à y faire.

Faut-il s’étonner que, dans ce contexte d’insignifiance globale programmée, la politique devienne la pointe du iceberg, avec cette absence de signifiance de ceux qui en sont les acteurs devenant de plus en plus ostensible, au rythme où l’essor des communications la met en pleine lumière ?

Dans une société ou le pouvoir de décision appartient à celui qui a la richesse – et s’applique via une expertise qu’incarne le fonctionnariat – le dispositif politique démocratique n’a d’autre fonction que de plaire à la population. Celui qui l’exerce le mieux est donc celui qui semble le plus plaisant... Ce ne sont pas nos dirigeants qui sont « insignifiants » ; c’est du système démocratique lui-même qu’il faut réévaluer la signifiance.

Comme nous tous, comme acteurs sociaux, devons réexaminer les critères pour évaluer la nôtre. Consolation ou ultime confirmation de cette problématique, il est bon de se souvenir que huit millions d’insignifiants programmés au Québec ne sont que 1 sur 1000 des huit milliards que nous serons d’ici quelques mois en ce bas monde. Tous soumis aux mêmes contraintes… et dont la signifiance d’aucun n’est donc, pas plus que la nôtre, à tenir pour acquise.

Hier, les Français se sont rendus ridicules en allant voter pour rien è des Municipales… On l’est ou on le fait ? Les Québécois doivent-ils agir de même le 7 avril prochain pour le choix de leur Premier Ministre ?

Le bon sens suggèrerait l'ABSTENTION. Aux prochaines élections, et à toutes celles qui suivront, tant que les regles du jeux n’auront pas changé.

Pierre JC Allard

 



11 réactions


  • Claudius Claudius 1er avril 2014 14:37

    Bel article, salutaires observations .. 


    ici .. 70 millions ..

    Nb : et encore ! chez vous, vous entretenez pas un gigantesque Poulailler Européen, enfin, dit « Européen », avec chantier d’extension cyclopéen .. Immeuble nouveau pour les « traductrices » , poulonaises, ukraïna, ost gretchen à robes courtes et intelligence balconnante , nouveaux océans de béton jamais assez grands , lobilleurs, secrétaires, administrateurs, démocrateurs .. Bon baiser du Lützeburg

  • Akerios Akerios 1er avril 2014 16:44

     Merci pour cet article

    Pierre JC Allard

    S’abstenir c’est déjà ne plus cautionner..Nous en avons vraiment assez !

    F. Hollande a menti en présentant pour se faire élire un programme qu’il ne comptait pas appliquer . Une fois élu :  il se déclare libéral !

    ..................................Trop c’est trop ! Ce comportement à un nom  :  T............ !

    Tous ceux qui le suivent ont le même !


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 2 avril 2014 02:59

      @ Akerios


      Je crois que quand l’abstention atteindra 50 % on pourra contester la legitimité du gouvernemnet élu et passer à l’étape de la désobéissanxe civile sine die et exiger la mise en place d’un gouvernemnet d’unité nationale representant toutes les sensibilité politiques et se constituera en constituante sous la protection des forces armées. Pensez 1958.

      PJCA

  • julius 1ER 1er avril 2014 17:31

    Merci ALLARD, vous n’auriez pas dit que c’était au Québec que l’action se situait, on aurait pu penser à beaucoup d’autres endroits en Europe où dans le monde tellement l’insignifiance est devenu un dénominateur commun, et terriblement révélateur de l’état de délabrement des Démocraties....... il est clair que si l’on arrive pas à peser consciemment pour de réels changements de paradigmes économiques et sociétaux, en ce sens où il faudrait vivre et travailler autrement eh bien on est vraiment très mal barrés ...


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 2 avril 2014 02:47

      @ Julius 1er


       C’est bien ce que je crois. Et ce que vit le Québec n’est qu’une illustration opportune de ce qui se passe partout en Occident... et j’ai peur des conséquences de cette situation où la majot rité ne sert plus que de faire valoir aux distractions d’une minorité.

      PJCA

  • gogoRat gogoRat 1er avril 2014 18:17

    Pour résumer, je retiens ce passage :
    " 10% de la main-d’œuvre suffirait à produire pour tous nos besoins et désirs matériels. On ne travaille plus pour produire, on produit pour travailler. Pour feindre de créer du sens….« 

     ce qui rappelle encore une fois B. Russell : (page 12)
     »Si le salarié ordinaire travaillait quatre heures par jour, il y aurait assez pour chacun, et aucun chômage - en supposant une quantité très modérée d’organisation raisonnable."

     On peut aussi penser à la fourmi heureuse et productive ...


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 2 avril 2014 03:11

      @ Gogorat


      Et ceci sans meme tenir compte d’une prise de conscience du ridicule du ’consumerisme’ qui donne comme seul but a la vie une production sans limite pour une conommation effrénée.... rendant du meme coup moral une activité commerciale plutot que productive.... ou il est « bien » d’arracher tout ce qu’on peut aux autres. Une civilisation de l’arnaque

      PJCA

  • herbe herbe 1er avril 2014 21:56

    Merci pour cet article.

    J’ai souvenir d’un article des 7 du Québec qui m’a marqué :

    extraits qui poussent à l’espoir :
    « Mais la résistance, bien que marginale, continue à affirmer la vie dans un monde inondé par la mort. C’est l’acte suprême de la foi, la plus haute forme de spiritualité et qui lui seul rend l’espoir possible. »

    « Cette défiance, cette capacité de dire non, c’est exactement ce que les psychopathes contrôleurs de nos systèmes de pouvoir cherchent à éradiquer »

    ce dernier extrait n’est pas sans rappeler ce dernier livre :

    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 2 avril 2014 03:43

      @ Herbe


      Je me souviens aussi de cet article. Dommage que Marginean et d’autres comme lui aient finalement renoncé a une analyse originale de la situation que rien a mon avis n’est venu remplacer... Le Systeme semble bien avoir eu raison de l’espoir qu’avait fait naitre l’émergence des blogs.... Ceux du 0,0001 qui s’en réjouissent pourraient déchanter quand, ayant fermé la porte à toute reforme par la voie des idées, ils verront que comme toujours pas le passé celle-ci prendra le chemin d’une violence aveugle.


      PJCA

    • gogoRat gogoRat 2 avril 2014 17:49

       Aussi pertinent, percutant, passionnant soit-il peut-on cautionner en totalité un quelconque texte décrivant une vision du monde ?

       Je tiens quand même à mettre en relief la citation suivante, après en avoir retenu bien d’autres, très bien tournées ....

      Dixit...
      ".... D’un côté, on fait vivre les spectres, de l’autre on laisse mourir les vivants.
      Telle est la fonction proprement politique de l’appareil de production présent. S’organiser par-delà et contre le travail, déserter collectivement le régime de la mobilisation, manifester l’existence d’une vitalité et d’une discipline dans la démobilisation même est un crime qu’une civilisation aux abois n’est pas près de nous pardonner ; c’est en effet la seule façon de lui survivre. ..."

      Pour autant, il ’me’ faudrait développer encore longuement la conviction que ce texte apporte lui-même , entre autres, de très bons arguments en faveur d’un RME que ses premières lignes voudraient railler ...

      Par ailleurs je tiens à faire remarquer que des cahiers de doléances (même s’ils restent à co-inventer dans notre actualité) sont une technique -parmi une infinité d’autres approches imaginables ou en cours d’expérimentation- qui ne se borne pas à dire non ou à préparer une révolte/« révolution » ...

       Au-delà des petitions de principe dédaigneuses, ce qui serait paradoxalement constructif et attentionné serait plutôt de fournir une démonstration purement logique (du genre des paradoxes de Condorcet concernant nos techniques de scrutin) à même de prouver l’inanité de cette piste d’action ...


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