jeudi 29 octobre 2009 - par
Identité nationale : fier... de ne pas être fier !
Ce 26 octobre, une radio périphérique lançait son petit sondage matinal avec cette question que, pardonnez-moi, je trouve stupide : êtes-vous fier d’être français ?
Au passage, disons que ce genre de sondage n’a aucune valeur statistique pour deux raisons principales : 1 / seuls ceux qui se sentent concernés directement prennent le temps de donner leur avis. 2 / dans la plupart des questions posées, il est impossible de répondre valablement par OUI ou par NON sans pouvoir nuancer sa réponse. Donc, ces mini sondages radiophoniques ( ou par tout autre moyen médiatique ) ne sont que des gadgets populistes et démagogiques.
Donc, je vais tâcher de répondre à cette question " suis-je fier d’être français ? " avec toutes les nuances qui s’imposent, et elles sont nombreuses.
D’abord, la notion de "fierté" ne peut s’appliquer qu’individuellement, en fonction de son propre mérite dans tel ou tel domaine, impliquant un mérite personnel reconnu par la société en fonction des valeurs en cours dans ladite société ou par rapport à sa propre conscience.
Par exemple, je peux être fier d’avoir sauvé quelqu’un de la noyade, ou d’avoir créé une entreprise qui embauche, ou même d’avoir su élever correctement mes enfants....
Mais être fier d’une situation dont je ne suis pas l’artisan, c’est particulièrement ridicule. C’est le cas pour la nationalité. De même que je n’ai pas choisi mes parents, je n’ai pas "choisi" de naître en France. Je dois ce fait seulement au hasard. Je peux me dire satisfait ou heureux de ce hasard en le comparant à d’autres cas dans le monde, mais "fier", je ne peux pas le dire.
Je ne peux pas en être fier tout simplement parce que mon pays, comme tous les pays, n’est pas parfait et que, si je m’en tenais à cette "fierté-point-final", j’exonérerais ma nation de toutes les turpitudes passées, présentes ou à venir. Je ne veux pas être le complice passif et inconditionnel de ce que je désapprouve. J’ai un intérêt supérieur qui s’appelle l’humain, où qu’il soit et d’où qu’il vienne, et cet intérêt passe bien avant l’égoïsme nationaliste qui inspire encore, malheureusement, bien des esprits étroits et bien-pensants....
Avant d’être français, je me sens mondialiste. A ma rescousse, je citerai Platon : " au-dessus de la Patrie, il y a l’Humanité " ou Montesquieu : " je suis homme avant d’être français car je suis nécessairement homme et je suis français par hasard ". Mais je pourrais aussi évoquer Erasme, V. Hugo, Gandhi... etc.
Le chauvinisme qui consiste à défendre son clan quoi qu’il fasse, sa communauté quels que soient ses torts passés, présents ou à venir, ce chauvinisme relève d’un réflexe identitaire primaire et peureux. Les notions de justice et de morale sont refoulées au profit d’un confort collectif qui se veut rassurant. Et, pour se dédouaner, on se gargarise de slogans flatteurs comme "patrie des droits de l’Homme", "liberté-égalité-fraternité" ou "valeurs de la République", mais slogans qui abritent nombre de forfaitures commises à tous les niveaux de la nation.
Alors, être fier de quoi ? Concernant la nation, c’est aussi stupide que d’être fier de la victoire d’une équipe de foot professionnelle qui achète ses joueurs à coup de dizaines de millions !
Le passé, on est bien obligé de l’assumer, alors que nous n’en sommes pas responsables, pas plus que nous sommes responsables de nos parents, mais on peut, on doit l’assumer d’une façon critique, car il est émaillé de crimes impardonnables, comme d’ailleurs le passé de presque toutes les nations.
Quant au présent, on approuve ce qui se fait de bien et on condamne ce qui est contraire à notre éthique, ce qui nous interdit d’être fiers d’une façon globale de notre appartenance, qu’elle soit choisie ou non choisie.
Et que l’on ne vienne pas me dire " d’aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte " puisque le problème est partout le même.
Au débat lancé par le gouvernement sur l’identité nationale ( c’est quoi être français ? ), il n’ y qu’une réponse administrative à donner : c’est avoir la nationalité française, concrétisée par la carte d’identité.
Pour le reste, pour ce qui est des valeurs, chacun est libre de se référer à sa conscience. Il suffit d’être loyal et de respecter la liberté d’autrui.