Institutions : la dernière cartouche de Sarkozy-Fillon
La réforme des institutions entame son tour de piste parlementaire en cette fin mai 2008. Et voilà que le référendum d’initiative populaire fait son entrée dans le grand cirque constitutionnel... Mais il semble bien que dans ce jeu de dupes, les citoyens et la gauche soient roulés dans la farine...
La dernière du berger et la réponse de la bergère ou inversement.
Fillon vient de se déclarer d’accord pour le référendum d’initiative populaire, selon une dépêche de l’AFP du 20/05/08 de 13 h 41,
« François Fillon, qui a rencontré les parlementaires du Nouveau Centre mardi à l’Assemblée nationale, a donné son accord pour l’instauration d’un référendum d’initiative populaire dans le cadre de la réforme des institutions, a déclaré le président exécutif du NC, Jean-Christophe Lagarde. "La capacité d’un référendum d’initiative populaire a été acceptée par le chef de l’Etat à notre demande hier et par le Premier ministre naturellement", a déclaré Mme Lagarde lors d’une conférence de presse du Nouveau Centre sur la réforme des institutions. Cet accord a été confirmé par M. Fillon dans sa réunion avec les députés Nouveau Centre, a-t-il également indiqué.
L’amendement qui serait défendu proposera l’instauration de "référendums d’initiative parlementaire et populaire à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales" »…
Cette proposition de dernière minute est une réponse évidente au vote demandé par la gauche d’un référendum sur la loi OGM... Sur cette affaire OGM, la gauche, fera un ultime baroud d’honneur pour dénoncer ce "déni de démocratie" de la droite. « Le groupe PS a annoncé pour mardi une "motion référendaire", une procédure exceptionnelle visant à réclamer l’organisation d’un référendum. Deux autres motions de procédure - l’exception d’irrecevabilité et la question préalable - seront défendues par les groupes PS et GDR (PCF-Verts). » La déclaration de Noël Mamère n’est pas piquée des vers : « Nous nous battrons comme des chiens, jusqu’au bout. Le gouvernement a imposé une loi contre l’avis des Français » pour répondre « à la pression des lobbies des semenciers et de la FNSEA », a affirmé Noël Mamère, « faucheur volontaire » bien connu. « Nous n’hésiterons pas à désobéir si nous l’estimons nécessaire », a-t-il ajouté, selon Libération.
Ainsi nous sommes heureux de savoir qu’un élu comme M. Mamère s’aperçoit que les réformes se font « contre l’avis des Français ». De fait ces messieurs dames députés et sénateurs de gauche demandent une plus grande transparence et une plus grande démocratie citoyenne. Fort bien ! Mais, on ne les entend pas beaucoup sur la réforme des institutions, par exemple pour demander un référendum d’initiative citoyenne qui aurait très bien pu être actionné dans un cas comme celui de l’autorisation des OGM. Leur tour de piste sur les OGM ressemble bien à un effet de manche « médiatico-démocratique ».
Mais, non, c’est la droite qui va proposer d’inclure le référendum d’initiative populaire dans la Constitution. Cette proposition n’a jamais fait partie des conditions posées par la gauche pour voter la réforme des institutions... Il faut savoir que les deux conditions posées par le PS étaient d’une vigueur à faire peur. « Dépêche AP du l9 mai 2008 à 13 h 48 ; Réforme institutionnelle : un vote contre est possible, prévient le PS. » « le Parti socialiste a en particulier demandé que la réforme des institutions inclue une modification du mode de scrutin pour l’élection des sénateurs et le décompte des interventions du président de la République dans le temps de parole de la majorité. Sur ces deux points, les députés de la majorité ont opposé "des fins de non-recevoir" lors de la discussion en commission du projet de loi constitutionnel ». En effet, la droite a eu peur et a sorti une nouvelle cartouche : le référendum populaire. Et si vous voulez un référendum pour les OGM, il vous faudra accepter la réforme des institutions, puisque le RIC en sera partie intégrante. Bien joué.
Mais ce référendum : populaire ou citoyen ?
La différence est d’importance. Dans la proposition de Fillon et du Nouveau Centre donc, l’initiative revient aux parlementaires sénateurs et députés confondus. Il faudra un cinquième des parlementaires soit 185 élus. (Il y a actuellement 923 parlementaires, soit 577 députés nationaux et 346 sénateurs). L’initiative n’est donc pas citoyenne. Par ailleurs, il faudra un soutien sous forme de pétition de 10 % du corps électoral. Soit près de 4, 5 millions de citoyens (il y a 44 472 733 inscrits). Ce seuil est tellement populaire qu’il est inatteignable.
Ces conditions qui seront, semble-t-il, proposées pour l’organisation d’un Référendum d’initiative populaire rendent donc cette procédure de démocratie directe quasiment inapplicable. C’est la démocratie française des faux-semblants et des grandes déclarations médiatiques sans lendemains. La réforme des institutions devient de plus en plus une affaire médiatico-politicienne entre les partis qui s’amusent, sur le dos des citoyens, avec le texte fondamental de notre République.
Nous assistons à des préoccupations d’ordre tactique destinées à faire passer la réforme ; en séduisant les groupes de la majorité présidentielle qui renâclent ou pour piéger le PS (c’est le cas de cette vague proposition de référendum d’initiative populaire).
La Parti socialiste et la gauche pourront-ils refuser l’inscription d’un référendum d’initiative populaire ? La question est là. Comment éviter ce piège ? De fait, il suffirait de prendre au mot le gouvernement et de demander donc un référendum sur la réforme des institutions. Il est clair qu’une révision constitutionnelle (qui concernera plus de 35 articles de cette bible républicaine, ainsi que son préambule selon le rapport de la commission ad hoc présidée par Mme Weill) ne devrait bien évidemment pas être acceptée sans l’approbation des citoyens et donc par exemple à l’occasion d’un référendum d’initiative populaire. Ce devrait être la réponse de la gauche si elle possède encore l’esprit d’à-propos.
Quoi qu’il en soit les grandes manœuvres ont bien commencé et on ne sait pas du tout où cela finira. Peut-être, en étant optimiste, par une démocratie citoyenne et irréprochable ? Quoique toutes ces préoccupations tactiques permettent de douter fortement de la sincérité du projet de révision constitutionnelle.