L’accord Chirac-mairie de Paris-UMP va-t-il faire pschiiiiit ?
Depuis la révélation, par le Canard Enchaîné, de l’existence d’un protocole d’indemnisation, entre la Ville de Paris, M. CHIRAC, qui engagerait l’UMP, beaucoup de personnalités politiques se sont exprimés sur le sujet :
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En sa qualité de Secrétaire National, X. BERTRAND a expliqué que le parti qu’il préside n’avait pas été sollicité par la Ville de Paris...Et a fait part de son soutien à l’accord tel que souhaité par les deux partis en présence : la mairie de Paris (représentée par M. DELANOE) et M. CHIRAC. A savoir que la facture des emplois fictifs devrait être remboursée au 3/4 par l’UMP et 1/4 par M. CHIRAC lui même. La Ville de Paris devant se retirer du dossier devant le juge en contrepartie.
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De leur coté, les Verts, condamne l’initiative...Dénonçant tout à la fois l’immoralité de l’accord, la participation de l’UMP au remboursement, et la mascarade judiciaire que le retrait de la Ville de Paris pourrait provoquer.
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Au PS, les volontés sont divisés. Certains trouvent la chose « gênante », en soit pas mauvaise mais inopportune à l’heure actuelle. Les autres parlent d’une décision « juste », « honorable », « pleine de bon sens ».
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Enfin, à l’UMP, on trouve aussi trace de conflit. Une poignée de parlementaires – du collectif de la « droite populaire » a dénoncé l’accord...Les autres préférant se terrer dans le silence ou derrière l’argument de la légalité. Reste que la prise de position de M. FILLON – qui est favorable au fait que son parti paye pour les emplois fictifs – paraît être fort représentative du sentiment dominant.
Mais au fait, cet accord – sur lequel, somme toute, la classe politique semble s’entendre – est il bien légal comme nous l’affirme M. DELANOE, M. BERTRAND.
Si la morale ou/et le « bon sens » est affaire de chacun...Qu’en est il de la légalité de cet accord ?
Pour commencer, il convient de rappeler que le droit français permet à tout ceux qui le désire de régler leurs différents selon trois méthodes. La première, qui est aussi la plus connue, consiste à faire appel à un juge étatique. En pratique, un tiers, qui connaît parfaitement les lois, doit trouver des solutions aux litiges et éventuellement sanctionner (civilement ou/et pénalement) les auteurs de dommage. La seconde fait appel à un tiers, mais celui ci est privé. Il s’agit de l’arbitrage. Les parties choisissent chacun un arbitre qui doit par la suite en désigner un troisième. Le tribunal arbitral rend ensuite sa décision. La troisième possibilité est la transaction prévue à l’article 2044 du code civil.
Dans l’affaire qui nous concerne, c’est à cette troisième option que la mairie de Paris et M. CHIRAC ont décidé de recourir. Le principe est simple. Compte tenu de l’existence d’un différent entre les parties, celles-ci s’accordent pour faire une concession réciproque afin de trouver un terrain d’entente. cet accord vaut pour les contestations déjà nées comme pour les contestations à naître. Le code précise en outre que la transaction doit être rédigée par écrit.
Selon ce qu’on en sait – car le protocole d’indemnisation n’a pas encore été présenté au Conseil de Paris – sur la foi des déclarations concordantes du Maire de Paris et de l’avocat de M. CHIRAC, en échange d’un remboursement des frais afférents aux emplois fictifs et aux frais d’avocat de la Mairie par M. CHIRAC...La Mairie de Paris renoncerait à poursuivre M. CHIRAC civilement. Ce qui reviendrait à éliminer du procès de M. CHIRAC, poursuivi pour « abus de confiance » et « détournement de fonds » la partie civile.
Jusqu’ici l’accord entre les deux parties est donc tout a fait légal. Et l’on peut même, en quelque sorte, donner raison au Maire de Paris, lorsqu’il présente cet accord sous des hospices favorables. En effet, ce type de transaction permet d’éviter les frais afférents au procès civil et garantie, en quelque sorte, une issue favorable à la Mairie de Paris, qui rentre ainsi dans ses frais. Et si les Verts se désespèrent de cet accord, M. DELANOE a raison de leur rappeler que le rôle du Maire est de défendre l’intérêt de celle ci, et tant pis si cela consiste à renoncer à le faire condamner au pénal.
Les choses changent du tout au tout...Dès lors qu’on se penche sur le contenu de l’accord lui même.
Ou plus exactement, dès lors que vient se greffer à cet accord...L’UMP.
En effet, le parti fondé par M. CHIRAC, en 2002, n’est pas partie au procès tant civil que pénal. La Mairie de Paris poursuit civilement M. CHIRAC et lui seul. Le Ministère public fait de même au niveau pénal.
Cela seul rend illégal l’accord...Puisqu’aucun « différend » n’existe entre la Mairie de Paris et l’UMP. C’est pourtant là un élément essentiel pour recourir à l’article 2044 du Code Civil ! Les soupçons à l’égard de l’intérêt qu’aurait pu prendre le RPR ne sont pas preuves – l’UMP le dit assez quand elle défend M. WOERTH – et si l’UMP a pris le parti d’accepter de payer pour les irrégularités du RPR, lors de sa création, elle ne saurait le faire tant que la responsabilité du RPR n’aura pas été reconnue en la matière. Présomption d’innocence oblige !
Plus encore...Contre cet engagement que prendrait l’UMP, à l’égard de la Mairie de Paris, l’UMP n’obtient rien. Or, là encore, il suffit de lire l’article 2044 pour comprendre qu’en l’absence de contreparties réciproques entre les parties...L’accord est ni plus ni moins que caduc. Ne satisfaisant pas aux critères pour recourir à ce procédé, les parties ne peuvent donc transiger via ce dernier. Si l’on rajoute à cela qu’il faut un équilibre dans les contreparties réciproques...Force est de constater que les trois parties sont dans une situation de déséquilibre patent.
L’UMP pourrait elle alors agir à titre gratuit ? Au nom du « soutien à la personne de M. CHIRAC » ? Rien n’est moins sur...En effet, il faudrait qu’elle consente à une libéralité indirecte au profit de M. CHIRAC...Ce qui n’a rien de licite dans le cas qui nous concerne.
Il faut en effet se rappeler qu’avant d’être un parti, l’UMP est une association. A ce titre, la légalité de ses actes dépend de l’objet qu’elle s’est donnée dans ses statuts et de l’intérêt qu’elle pourrait en retirer. Ainsi, pour ex, l’association « contribuables associés » procède t elle à une QPC sur certains impôts, de manière tout à fait licite, puisque la question qu’elle pose au Conseil Constitutionnel vise à améliorer la situation des contribuables.
L’UMP s’est, quant à elle, donner pour missions de : « concourir à l’expression du suffrage universel dans le respect des valeurs de la République, Liberté, Égalité, Fraternité, des principes fondamentaux consacrés par la Constitution, de l’unité de la République et de l’indépendance de la Nation. » (Article 2)
Force est de constater que le paiement sans contrepartie d’une indemnité à la mairie de Paris, en vue de complaire au fondateur du parti, ne « colle » pas exactement avec ces objectifs généreux que l’UMP aime à faire siens. Aux vues ces derniers, on peut même trouver contradictoire qu’au lieu de se constituer partie civile comme le « bon sens » le voudrait – puisque les actes de M. CHIRAC ont pu porter atteinte à l’image du mouvement – l’UMP vole au secours de l’ancien Président de la République.
Les adhérents, donateurs, et contribuables, qui participent au financement dudit parti, seraient donc fondés à s’interroger sur l’usage qui est fait des sommes déboursées à l’endroit de la Mairie de Paris. Et même jusqu’à porter plainte contre l’UMP...Pour abus de confiance. En effet, dès lors que les dirigeants de l’UMP utilisent les fonds reçus – quelle que soit leur provenance – à un usage autre que celui prévu par les statuts, il y a détournement des dits fonds.
En ce cas, les bénéficiaires du « don gratuit » de l’UMP – à savoir M. CHIRAC et la mairie de Paris – pourraient se voir poursuivis, quant à eux, pour recel. Autant dire qu’en cette affaire, il ne reste à M. BERTRAND que deux options : soit renoncé à entraîner l’UMP dans une telle galère ; soit trouver un moyen de légaliser « l’aide » de l’UMP à l’endroit de M. CHIRAC, dans son conflit avec la Mairie de Paris.
Quel est ce moyen ? (Car il existe) Il faudrait réviser les statuts du parti. Or, qui est habilité à réviser lesdits statuts à l’UMP ? La réponse se trouve dans les documents officiels du parti : « les présents statuts peuvent être révisés par le Congrès à la majorité absolue des suffrages exprimés, sur proposition du bureau politique ou d’au moins un quart des membres du Conseil National, après avis de la Commission permanente des statuts. » (Article 42)
Pas sur que le Congrès qui « constitue l’Assemblée Générale de l’Union » et « est composé de tous les adhérents à jour de cotisation » soit prêt à consentir à une telle « aide »...Si contraire aux idéaux de l’UMP...
Pas sur non plus que M. BERTRAND soit prêt à risquer de voir les militants quitter le navire...A l’heure où il ne fait plus vraiment l’unanimité auprès des siens...
Si probabilités et réalité ne vont pas nécessairement de pairs...On peut cependant parier sur l’enterrement prochain de l’accord CHIRAC – Mairie de Paris – UMP.