L’erreur historique des libéraux
En France, le mot "libéralisme" est vraiment utilisé de manière confuse. J’espère avec cet article rétablir certaines vérités malheureusement trop souvent oubliées.
Généralement ceux qui se réclament du libéralisme en opposition à d’autres courants de pensée sont plutôt ceux qui se réclament d’un certain anti-étatisme et défendent un certain libéralisme économique. Ils expliquent que leurs idées ne sont que l’application à l’économie de la philosophie libérale des lumières.
Je pense que c’est faux. Et le but de cet article sera de le démontrer.
Ils pensent que l’enseignement à tirer du libéralisme philosophique des lumières est que l’état n’est qu’une menace pour nos libertés. Je pense que croire cela est une erreur que je qualifierai d’historique.
I) Ce qui menace nos libertés
En fait, ce qu’a démontré Benjamin Constant, philosophe et homme politique durant la période des lumières, c’est que ce ne sont pas les mains entre lesquelles on confiait le pouvoir qui représentaient la menace pour nos libertés, mais que c’était le pouvoir lui-même …
Et c’est je pense le point important que tous les penseurs qui ont dévié vers de l’anti-étatisme ainsi que ceux qui partagent leurs idées n’ont pas compris.
Car au cours de l’histoire, à chaque fois que les gens ont pu constater les méfaits causés par le pouvoir, la réaction qu’ils ont toujours eu, celle que nous avons encore aujourd’hui, c’est de vouloir retirer le pouvoir des mains auxquelles il avait été confié, et de le confier à quelqu’un d’autre croyant que cela résoudrait le problème.
Mais jamais le problème n’a été résolu, peu importe les mains entre lesquelles était confié le pouvoir, à chaque fois on pouvait en constater les abus et les méfaits pour nos libertés.
Qu’on le confie à un seul homme, à plusieurs, ou à tous par l’intermédiaire de représentants de la volonté générale, cela a toujours été le même résultat et c’est le même résultat aujourd’hui alors qu’on retire les pouvoirs à l’état et qu’on les abandonne à qui réussit à se les approprier.
Ce sera le même résultat encore et encore, les mêmes méfaits, tant que les gens n’auront pas compris que le seul et unique moyen de protéger nos libertés c’est de limiter le pouvoir. Tant que le pouvoir restera illimité, nous ne seront jamais libres …
II) La limitation du pouvoir
Alors comment limiter le pouvoir ?.
Pour le limiter, il faut tout simplement interdire à ce pouvoir de faire telle ou telle chose.
Comment garantir que ces interdictions seront respectées ?
Comme j’ai dis l’absence de pouvoir est impossible dès lors que nous intéragissons entre nous. Vouloir supprimer le pouvoir en le retirant à quelqu’un et en ne le donnant à personne, c’est simplement permettre à n’importe qui de se l’approprier, et c’est surtout rendre potentiellement ce pouvoir illimité.
Alors il n’existe que 2 types de pouvoirs :
La volonté générale, c’est le pouvoir issu de la volonté de quelques uns qui reçoit l’assentiment de tous les autres.
Et qu’est ce qu’un pouvoir qui ne recevrait pas l’assentiment de tous ? C’est un pouvoir qui s’appliquerait par la force …
Attention, ne pas confondre comme je l’ai vu trop souvent dans certains commentaires "l’assentiment " avec "l’unanimité".
La volonté de ces quelques uns n’est pas partagée par les autres, mais ces autres lui accordent quand même la légitimité pour être appliquée.
Cette légitimité provient du fait que, tous, à l’unanimité ont adopté un moyen de décider de manière honnête et équitable la manière de trancher pour choisir la volonté qui s’appliquerait.
Par exemple : 3 personnes veulent aller au cinéma ensemble et voir le même film, la 1ère veut voir un film d’action, la 2ème propose un film de science fiction, la 3ème une comédie.
La volonté qui sera appliquée n’est légitime que si les 3 personnes s’entendent sur la façon de trancher pour choisir la volonté qui va s’appliquer.
Ils décident de tirer au sort à la courte-paille, cela parait honnête et équitable aux 3 personnes, c’est le 2ème qui gagne, donc ils vont voir un film de science fiction c’est la volonté générale.
Donc en réalité, il n’existe que deux pouvoirs, la volonté générale, qui est légitime, et la force, qui est illégitime.
Est-il possible de limiter un pouvoir qui s’appliquerait par la force ? Par définition toute limitation qu’on lui imposerait, à tout moment il pourrait s’en libérer par la force…
Par conséquent, la seule possibilité de limiter ce pouvoir, c’est que ce pouvoir soit issu de la volonté générale…
Donc finalement comment limiter le pouvoir issu de la volonté générale ?
On le limite grâce à une constitution dans laquelle on désigne ce que les pouvoirs ont le droit de faire ou de ne pas faire, dans laquelle on fixe les libertés fondamentales des individus qui sont cette petite partie de notre existence que nous refusons à quiconque, même à la volonté générale, de violer, et on organise les pouvoirs de façon à ce qu’ils ne puissent pas contourner ces limitations.
Plus facile à dire qu’à faire me direz-vous :) Les penseurs de l’époque estimaient que l’expérience nous permettrait de renforcer petit à petit notre constitution, et qu’elles ne seraient pas tout de suite parfaite, et que les évolutions de notre société obligeraient de toute façon constamment à devoir réfléchir à nouveau à nos institutions pour vérifier si de nouvelles failles n’apparaissent pas...
Le degré de menace pour nos libertés dépend donc du degré de force que contiendra cette constitution, c’est-à-dire des failles, du degré d’arbitraire qui serait laissé à ces pouvoirs. Moins le degré de force sera important, plus le pouvoir correspondra à la volonté générale, et plus nos libertés seront protégées.
Il est vrai que des individus pourront toujours transgresser les lois, la constitution ou
n’importe quelles règles qui seraient édictées, mais il est prouvé qu’à force les lois finissent par devenir naturelles et des évidences pour les gens, au point qu’il existe tout un tas de règles aujourd’hui qui sont unanimement reconnues et que leurs transgressions se font de plus en plus rares.
Bref, ce sont les seuls moyens de protéger nos libertés…
III) Le libéralisme et l’Histoire
Certains penseurs des lumières l’ont compris, c’est pour cela que lors de la révolution française la première chose qu’ils ont fait c’est de rédiger la déclaration des droits de l’homme qui recensaient les droits et les libertés auxquelles les différents pouvoirs n’avaient pas le droit de toucher, et ensuite ils se sont mis aussitôt à commencer le travail de rédaction de la constitution.
Au début ils ont pensé qu’ils pouvaient garder comme pouvoir exécutif le pouvoir du roi, ils ont mis en place une monarchie constitutionnelle, mais les trahisons du roi ont donné raison aux défenseurs de la république, qui expliquaient que seule une république pouvait permettre un pouvoir véritablement issu de la volonté générale, que laisser le pouvoir exécutif au roi c’était laisser encore un trop grand degré d’arbitraire, de force, qui éloignerait le pouvoir de la volonté générale.
Mais malheureusement d’autres penseurs ne l’ont pas et même jamais compris...
Seule la république, seul l’état, seule la volonté générale, peuvent nous permettre de protéger nos libertés,militer pour la suppression de l’état ou pour sa réduction à son stricte minimum, c’est proposer l’abandon des seuls moyens dont nous disposons pour protéger nos libertés :(
Vers la fin du 19ème siècle, après la fin de l’empire et de la dictature, après l’essor du capitalisme et de l’industrie, le constat fut sombre, les privilèges n’avaient pas disparus, sauf qu’ils n’appartenaient plus à une caste de nobles mais à une caste de riches bourgeois, les privilèges étaient toujours transmis par hérédité, comme durant les monarchies, seule différence, certains réussissaient à rejoindre cette caste par leur réussite individuelle, mais pour la plupart, les droits et les libertés étaient restreintes , les gens censés être libres travaillaient malgré tout comme des esclaves, jusqu’à mourir au travail.
Et c’était partout pareil dans tous les pays industrialisés.
Il est apparu évident que la quête de la liberté, et donc la révolution, ne resterait que vaine et théorique tant que celle-ci ne s’accompagnerai pas d’une quête d’égalité.
C’est sur le libéralisme issu des lumières, transmis par la révolution, et c’est sur les idées de lutte sociale issue des idées marxistes, que s’est fondé le mouvement socialiste de Jaurès, le père fondateur du socialisme républicain en France.
Le libéralisme économique, censé être l’application à l’économie, du libéralisme des lumières, n’est en fait que l’application à l’économie, d’un courant de pensée anti-étatique, qui n’a jamais vraiment réalisé dès le départ qu’ils étaient dans l’erreur et qu’ils se trompaient de cible.
IV) Conclusion
Les socialistes savent que cette liberté ne peut être effective que dans le cadre d’une république sociale, démocratique et laïque, basée sur les valeurs de liberté d’égalité et de fraternité, permettant à chaque individu de s’émanciper par la citoyenneté …
Les vrais libéraux, ceux qui défendent vraiment la liberté pour tous, ce sont les socialistes… Vous remarquerez que dans les autres pays, comme aux états-unis, c’est bien la gauche que l’on qualifie de libéraux.
En France c’est la confusion la plus totale.
Amis qui vous prétendez libéraux, rendez-vous compte de votre erreur, ouvrez-les yeux.