L’Etat d’Urgence selon François Bayrou
Chaque campagne présidentielle se doit de permettre aux différents candidats d'exprimer leur vision de la France et de sa situation soit par le biais d'interview, soit par un petit livre, non pas rouge, mais de campagne quand même.
Photographie : lien vers url du site "mouvement démocrate" |
L'outil, de propagande au sens noble du terme, qui est de faire savoir, permet en outre de prouver que ce que l'on dit, on l'a bien dit avant les autres, puisque cela est écrit.
C'est aussi le meilleur moyen pour être invité à la télévision, puisque l'accès au saint des saints de la communication politique répond à un savant dosage de représentativité hors période électorale puis par un partage du temps de parole pendant la campagne.
François Bayrou ne rate donc pas cet exercice qui consiste à se dévoiler sans se découvrir, pour que aux moments les plus fors de la campagne le programme soit enfin découvert par le plus grand nombre et que cela ne soit pas une simple répétition, même s'il convient de dire que communiquer c'est répéter.
"Etat d'Urgence" dévoile donc les grands axes que François Bayrou veut porter lors de la campagne. Le candidat "central" n'est pas mort, il comptabilise environ 9% d'intentions de vote (cf. résumé), certes cela ne le place qu'en 4ème position, loin derrière François Hollande qui sera si Nicolas Sarkozy se présente l'adversaire sur lequel il devra se démarquer le plus, chose d'ailleurs commencée.
Sur le fond "Produire et Instruire", sont les deux axes forts du livre. A nouveau les thèmes chers au candidat sont au coeur de sa réflexion, avec une logique imparable qui s'affranchit, à mon sens, trop des réalités électorales françaises pour réussir (à savoir une majorité centrale qui rompt trop avec notre système de pensée). En effet, François Bayrou fait le constat que notre économie fonctionne uniquement aujourd'hui sur la demande des consommateurs et que cela ne peut pas créer une industrie forte qui répond plus à une économie de l'offre (cf. l'Allemagne), ni même une économie saine car déséquilibrée ; la preuve en est faite par nos balances commerciales qui sont extra-déficitaires (80 milliards actuellement) ! Et c'est vrai, la relance uniquement par la consommation favorise avec un €uro fort les importations, les consommateurs en période de crise ou de faible croissance privilégient les produits à bas coûts.
Dans l'ensemble l'analyse de François Bayrou est bonne sur la situation, il peut d'ailleurs revendiquer haut et fort qu'en 2007 il avait déjà mis au centre de la campagne la problématique des déficits et de la dette de la France. Il a raison sur l'industrie ou la production française, qui n'est plus la grande industrie mais, ça je le sais par mon expérience, une industrie qui combine innovation, savoir faire et internationalisation sur des format plus petits, des PME et PMI de 50 à 250 personnes. Il faut encourager ce développement pour redonner vie aux territoires (thème concurrencé par Sarkozy qui est sans doute le seul à avoir amené des solutions pour favoriser le développement de l'innovation).
Il a raison de dire que l'instruction est en déshérence, non en désespérance, car nous pourrions être plus efficaces si l'idéologie sortait de l'éducation nationale qu'elle soit de gauche ou de droite. Il n'en faut parfois pas beaucoup pour redonner espoir et donc envie aux milliers d'enseignants qui n'attendent que cela (François Hollande se positionne lui aussi sur ce sujet).
Il revient (comme en 2007) sur ce clivage droite gauche, à ses yeux inefficaces et à la racine du mal qui ronge le combat électoral français.
Il manque je crois dans ce pré-programme une vision de ce que peut être l'Europe demain et des moyens qu'il faudrait mettre en place pour que la crise de l'Euro qui est avant tout une crise de gouvernance ne dépende pas seulement des discussions bi-latérales des gouvernements mais aussi et avant tout d'une gouvernance européenne, élue par les peuples européens, sur un scrutin identique dans chaque pays. L'économie française passera par une économie européenne plus intégrée, sans doute sur une zone €uro qui devra se distinguer de l'UE dans sa gouvernance et sa démocratie, chose évidemment difficile.
La campagne est belle et bien démarrée, avec ce premier tour de chauffe, les grands thèmes de la campagne sont déjà bien positionnés : industrie, éducation, crise, déficit...