vendredi 12 février 2016 - par
La déchéance de nationalité comme manœuvre politicienne
C’est un feuilleton qui dure depuis novembre qui a trouvé une première conclusion hier à l’Assemblée avec le vote du texte instituant la déchéance de nationalité pour les binationaux par 162 voix contre 148. Mais ce débat a surtout été l’occasion de postures politiciennes, plus que de réflexion sur le fond.
Du fond et de la communication
La déchéance de nationalité pour les binationaux coupables de terrorisme est un véritable marqueur des annonces faites par François Hollande après les attentats de novembre. En osant reprendre une proposition de la droite et même de l’extrême-droite, il communiquait un durcissement spectaculaire des positions de sa majorité sur les questions de sécurité. A première vue, j’avoue que je n’ai pas bien compris les réticences des uns au fait de déchoir de leur nationalité des binationaux terroristes. Ne s’agirait-il pas encore une fois d’une conception qui sanctifie les droits individuels en oubliant un peu rapidement les devoirs que ces droits impliquent, et qui ne sauraient sans être sans limites ?
Néanmoins, c’est un sujet complexe. On peut débattre de son principe même, de la distinction, ou non, des binationaux des autres citoyens, des raisons qui la permettent (comme Robert Badinter qui questionne le fait que de simples délits puissent la provoquer, et non seulement des crimes) ou encore de la nécessité même du projet étant données les lois déjà existantes, qui pourraient déjà la permettre.
Mais comment ne pas être gêné par l’attitude des ténors de notre pays, qui semblent utiliser cette question pour se positionner et communiquer, comme le note Eric Conan dans un bon papier dans Marianne, où il ose poser la question même de la binationalité. Du côté de François Hollande, il s’agit sans doute à la fois de poursuivre sa droitisation entamée il y a deux ans, mais aussi d’un piège pour l’opposition, dont il reprend une proposition en la mettant au défi de ne pas voter son texte, jouant gagnant quelque soit l’issue. Mais les Républicains ne sont pas en reste en matière politicienne, avec un Alain Juppé qui critiquait le texte tout en disant qu’il ne voterait et François Fillon qui y a vu un créneau dans son opposition au projet pour enfin essayer d’émerger politiquement. Bref, il n’y a pas que le PS pour communiquer sur ce texte. Les dits Républicains ne sont pas plus angéliques sur le sujet…
Difficile de savoir si ce projet est nécessaire et même souhaitable derrière toutes ces postures politiciennes. Certes, on peut penser qu’il n’aura guère d’influence sur les apprentis terroristes, mais on peut aussi penser qu’il n’est pas inutile aujourd’hui qu’une société mette des limites aux droits des citoyens-consommateurs, surtout quand ce sont des terroristes.