lundi 3 juin 2019 - par Florian Mazé

La Honte de soi, pire que la Haine de soi !

Le tout-début du 21° siècle a vu surgir une problématique originale opposant le méchant Système aux gentils Dissidents : une sorte de réplique inattendue, dans nos pays libéraux-libertaires, de ce que fut la dissidence soviétique au siècle dernier. Toutefois, au risque de fâcher les super-héros de la Dissidence, il faut rappeler que le néo-manichéisme est rarement une bonne philosophie. Le contraire d’une sottise peut aussi être une sottise. Et c’est ce qui arrive en ce moment avec le dernier vice à la mode : la HONTE de soi, qui peu à peu, remplace la HAINE de soi…

I — La haine de soi

Pour des lecteurs peu avertis, il convient de rappeler tout d’abord ce qu’a été et ce qu’est encore la Haine de soi. La haine de soi désigne le discours occidental officiel, matraqué sans relâche sur les médias systémiques et dans les établissement scolaires. Ce discours, omniprésent, omnipotent, jamais pénalisé, toujours encouragé, mâché et remâché par des micro-penseurs généralement classés à gauche (mais sans exclusive) consiste à présenter le Blanc occidental comme un affreux suprémaciste, colonialiste, esclavagiste, raciste, nationaliste, machiste, patriarcal, antisémite, islamophobe, moisi, replié sur soi, etc.

En gros, la haine de soi est le vice idéologique consistant à faire de l’Occidental un hyper-criminel aux forfaits imprescriptibles, dont l’aryen nazi ne serait finalement qu’une régionalisation caricaturale.

Dans ce grand barnum de l’ethno-masochisme occidental, tout y passe évidemment : les Croisades, l’Inquisition, la conquête ibérique de l’Amérique latine, le nazisme, le fascisme, la colonisation de l’Afrique et de l’Asie, j’en passe et des meilleures. Les peuples non-occidentaux sont présentés, quant à eux, soit comme des peuples intégralement victimes de l’ogre occidental, soit comme de gentils peuples éloignés, tout pleins de sagesse, extérieurs à toute cette orgie de violence et de sang perpétrés par les affreux Occidentaux.

Du coup, il ne resterait à l’Occidental moyen qu’une seul issue : expier ses crimes par une repentance continuelle, ce qui – traduit en langage pratique – donne l’injonction suivante : bosse, allonge tes impôts, ferme ta gueule, supporte la délinquance et l’insécurité, cotise à la sécu tout en payant plein pot tes soins à l’hosto, et accessoirement vote Macron pour faire barrage au fâââsciiisme.

Cette haine de soi, fort heureusement, a été çà et là dénoncée par des penseurs un peu indépendants d’esprit, souvent classés à droite (mais sans exclusive). Il faut savoir malgré tout que cette dénonciation de la haine de soi a ses limites et que d’autres militants, plus radicaux, risquent tous les jours le tribunal ou la prison, sans compter les perquisitions ou les gardes à vue, lorsque leur dénonciation de la haine de soi commence à s’intéresser de près à ceux qui bénéficient du discours systémique, et aussi à ceux qui l’orchestrent.

Dans la haine de soi, il y a d’ailleurs un trait extraordinaire, orwellien : la haine (de soi) serait, selon les idéologues systémiques, une sorte de rempart contre la haine (tout court). Ne cherchez pas à comprendre.

Mais voilà. C’est là que le bât blesse. La haine de soi a encore de très longs et très beaux jours devant elle, parce qu’elle a rencontré ce qu’elle pouvait trouver de mieux, à savoir une sœur-ennemie : la honte de soi.

II — La honte de soi

Ce n’est probablement pas la première fois dans l’Histoire que la Dissidence et le Système se mettent à danser un tango sensuel et grotesque. Ce n’est probablement pas la première fois qu’on enjoint les hommes à se « déconnecter de la matrice » sans rien créer d’autre qu’une contre-matrice ridicule, dérisoire, insipide, dangereuse, et qui, au final, produit les mêmes effets que l’autre.

Alors, traçons le portrait de l’homme-masse dissident, qui fait souvent le kéké sur YouTube. Pas joli à voir, tout aussi répugnant que l’homme-masse systématique, son meilleur ennemi.

Cet homme-masse est souvent jeune ou très jeune. Il s’imagine qu’une conférence ou un sketch « dissidents » suffisent à résumer – et à juger – 2500 ans de culture occidentale.

L’école officielle dénigre le Moyen Âge et survalorise les Lumières ? Eh bien : le Moyen Âge était un paradis et la Modernité un gigantesque complot luciférien ! Descartes et Galilée ? Des satanistes rosicruciens possédés, qui ont mis l’Occident à genoux ! L’Église catholique actuelle ? Un repaire de franc-maçons sionistes et pédophiles ; mais, par contre, à l’époque de saint Thomas d’Aquin, les crimes sexuels n’existaient pas, c’est bien connu !

Certes, il y avait déjà les gnostiques et les talmudistes qui complotaient contre le Christ, mais, allez savoir pourquoi, ils étaient moins dangereux. Ah, oui ! Parce que – comme le disait Mgr Delassus – ni Guillaume d’Occam, ni Galilée, ni Descartes, ni Rousseau, ni Karl Marx, ni Freud n’avaient livré l’Occident à l’emprise de Lucifer, CQFD.

Et puis, au passage, la Terre est plate et elle a été créée il y a deux mille ans par des petits hommes verts, comme l’a magistralement montré M. Untel sur internet. Et M. Untel est un grand homme anti-moderne, un vrai chrétien, « le seul qui instruit les Français » (une formule récurrente des trolls complotistes en admiration devant leurs gourous). Et si M. Untel est un catho islamophile ? Aucun souci, puisqu’il sait distinguer le vrai islam de l’islamo-sionisme, etc. etc.

Bref : la honte de soi, c’est cette croisade anti-Modernité sans précédent orchestrée par les milieux complotistes : la culture occidentale s’arrête à saint Thomas d’Aquin, le reste est un gigantesque complot des philosophes et des savants, il faut revenir à la bonne vieille époque chrétienne chimiquement pure du Moyen Âge…

Et, en attendant, nos complotistes « dissidents » se comportent comme de véritables geeks technophiles et technophages, vivant, comme leurs « ennemis » systémiques, et comme tout le monde, dans une véritable débauche de moyens matériels issus des découvertes mathématiques, physiques, chimiques et biologiques de la Modernité.

La honte de soi est un médiévisme de pacotille à faire frémir les vrais spécialistes du Moyen Âge.

Cela n’aurait aucune importance si cette honte de soi n’engendrait pas exactement les mêmes effets idéologiques que son opposé systémique, la haine de soi.

Notamment : faire de l’Occidental un être pervers et possédé, survaloriser les civilisations exotiques sous prétexte qu’elles seraient « sacrales » (le bien) et non pas « cartésiennes » (le mal), et surtout s’exposer à des contradictions insurmontables et ridicules. Du côté système, les bobos no-border gauchistes qui s’enferment dans des ghettos pour riches où ils cultivent leur entre-soi ; du côté dissidence, une autre espèce de bobocratie d’ultra-droite qui cultive un entre-soi de geeks rivés aux nouvelles technologies tout en revendiquant le retour aux « bonnes vieilles valeurs ».

La femme-masse de cette nouvelle bobocratie « dissidente », c’est d’ailleurs la célèbre « tradasse ».

https://www.ndf.fr/histoire-de-comprendre/04-05-2019/la-tradasse-sociologie-dun-phenomene-video/

On en pensera ce qu’on voudra ; mais il s’agit là d’un face à face pitoyable et lamentable qui donne parfois l’impression que l’ultra-droite underground est devenue la nouvelle extrême-gauche.

 

Ainsi, pour ceux qui s’intéressent aux Lumières avec impartialité, je conseille la remarquable conférence de Philippe Forget sur la chaîne du Cercle Aristote. Aérons-nous l’esprit !



8 réactions


  • Arogavox Arogavox 3 juin 2019 12:01

    Les Lumières pourraient-elles éclairer notre actualité ?

    Suite aux prises de conscience passant par Galilée :
    « La tradition ne pouvait plus faire autorité. »

    Descartes ouvrit la voie.
    (cf Discours de la méthode, Deuxième partie)

    « Le premier [précepte] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle :
    c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention ;
    et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement
    et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. »

    cf le « sapre aude » que Kant traduisait par « Ose te servir de ton propre entendement »
    à rapprocher de cette autre observation du même Emmanuel Kant :
    « On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il est capable de supporter. »


    « Honte de soi » vs « Haine de soi » ?
    connaîtrais-je de façon évidente la haine ou la honte pour en décider ?

    Violences dites policières :
    Comment vouloir faire preuve d’intelligence et se laisser enfermer dans des situations où l’urgence permanente ne saurait permettre de supporter la moindre quantité d’incertitudes ?
    Combien de mois faut-il aux spécialistes du Droit pour décider si ,dans le temps court des secondes, l’action aura ou non respecté l’ "Article 28 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 :
    «  Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie,
    est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. Il n’est dégagé d’aucune des responsabilités qui lui incombent par la responsabilité propre de ses subordonnés.
     »


    • Arogavox Arogavox 3 juin 2019 19:07

      lien avec la choucroute, par cet article vu dans ’Le Progres’, ce 3-6-19 :

      Tien an Men : Pékin gomme les traces du passé
      « ... on voit dans l’opinion et sur Internet un débat surréaliste s’élever
      sur les thèmes permis par l’État, pour se substituer aux sujets interdits
      .... Le cauchemar se perpétue
      sans pardon possible puisqu’il n’est pas demandé ! »

      Un avant-goût du paradis stéréotypé à la 1984 ou ’Meilleur des Mondes’
      auquel nous vouent les ’modèles’ sans passé qui marchent pour nous faire,
      malgré nous, un bonheur éternel béat !

      (Pour sauver l’idée d’une ’humanité’ dont « la masse » ne verra jamais la couleur,
      cette ’masse’ est immolée, -sans avoir accepté le prétendu ’sacrifice’  au profit de la fausseté et du mensonge éternel d’une amnésie généralisée par incapacité à transcender la haine et la honte  gonflées de petits secrets, rétentions d’informations, et refus du contact sincère  !) 


  • Loatse Loatse 3 juin 2019 12:48

    ah le langage de la bobosphere dans les médias ! exemple lu sur le parisien : « Boissy, les mamans réclament la paix à la Haie-Griselle

    (tiens, manque plus que les »papas« , mais ils sont ou au fait les »papas« et les maman euh pardon mères ? (ah on me dit qu’elles ont fuit ou qu’elles se terrent craignant les représailles)

    http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/boissy-les-mamans-reclament-la-paix-a-la-haie-griselle-02-06-2019-8084424.php 

    Bref, en gros, la police, le préfet, tout ce monde devrait avoir honte de laisser ce quartier à l’abandon (traduire : Ne pas être H 24 sur le dos des »jeunes« faisant des rodéos motorisés tard le soir, dealant du shit, s’entretuant pour une place de deal, brûlant les voitures de leurs voisins le jour de l’an  une tradition semble t’il, fruit d’un désoeuvrement dont la société serait responsable ; ne discriminerait elle pas à l’embauche ces jeunes à capuches parlant de manière saccadée et dont pour beaucoup (génération texto sms) l’orthographe laisse à désirer... ?

    Moi je dis, c’est une honte : il faudrait simplifier notre grammaire et notre orthographe ! mettre un commissariat dans chaque quartier (avec barbelés et vitres blindées tant qu’à faire  ah mince !)

    999 églises cramées, vandalisées, taguées, couvertes de pisse, d’excréments parfois : tout le monde s’indigne, ca fait la une des journaux. Les élus de la république défilent dénonçant avec force cette christianophobie, cette haine envers les chrétiens..

    non je blague... A la une ; dédé le mec bourré, qui après les attentats en mode pétage de plombs, a glissé une poignée de lardon dans la boite à lettres d’une mosquée...

    L’est con ce dédé euh pardon : quelle haine faut il avoir pour commettre de tels actes... s’écrie alors d’une seule voix tout ce que la france compte de gens qui défilent régulièrement en criant » vous n’aurez pas ma haine", oui c’est pas bien, la haine... même la colère tiens. Nous on est fort : on plie, on s’efface, on se tait et on ramasse les morts, les blessés ! on s’indigne même de ces parents qui verraient de la haine dans l’expression artistique gore d’une jeunesse qui fait tout pour se sortir de la misère dans laquelle on la confine, on ne sait pas trop comment, mais surement...

    M’enfin tout ca, ca doit être la faute au capitalisme... surement, c’est à cause des riches, du cac 40 que je dois aller vider mes déchets dans le lotissement voisin de ma cité, le coeur au bord des lèvres devant l’espèce de bouillie infecte et nauséabonde ou se mêlent couches sales, serviettes hygiéniques souillées et liquides divers et gluants, qui couvre régulièrement le sol du local à poubelles..

    la première fois, je me suis écriée : bandes de porcs ! (ma fille en fut horrifiée)...

    De honte, j’en ai fait contrition en me convertissant à la bienpensance : depuis, impassible devant ces incidents récurrents, je me dis : les pauvres, sans doute n’ont ils pas les codes... en ramassant tout aussi impassible les détritus jetés dans mon jardin... (canettes usagées, bouteille de gaz pour soudure j’imagine, emballages divers multiformes)

    Quand un feu d’artifice a lieu sur le parking (oui un feu d’artifice pas des pétards), le lendemain soir du jour ou Notre Dame a cramé, je me dis qu’il doit s’agir d’une célébration du renoncement de boutef à son mandat... je ne me pose plus de questions...

    d’ailleurs j’aurais honte d’imaginer qu’il en soit autrement...

    Depuis je vis mieux... enfin avec quelques dérapages de temps en temps, comme lorsqu’une voisine au supermarché s’étonne au vu du contenu de mon panier à roulettes, que je n’aille pas chez tel boucher qui fait la viande moins cher... 

    c’était plus fort que moi, j’ai répondu tout de go : mais, il est hallal votre boucher, nan ???

    Son regard d’incompréhension, teinté de suspicion, m’a collé la honte.

    Y’a encore du boulot...


  • Francis, agnotologue JL 3 juin 2019 14:56

     

    Raoul Vaneigem disait : « Le secret d’une autorité, quelle qu’elle soit, tient à la rigueur inflexible avec laquelle elle persuade les gens qu’ils sont coupables. »

     

     Vous dites : ’’ la haine (de soi) serait, selon les idéologues systémiques, une sorte de rempart contre la haine (tout court).’’

     

    Ne serait-ce pas plutôt l’inverse ?

     

    Les ’’idéologues systémiques’’ ? Je suppose que ça désigne BHL & compagnie ?)

     


  • Sparker Sparker 3 juin 2019 23:24

    Reconnaître ses erreurs et ses méfaits n’est pas avoir la haine de soi ou la honte, ça ce sont les identitaires qui ont instillé cette lecture.

    Je pense que c’est une attitude très saine et pacificatrice.

    Car évoquer une prétendue haine de soi pour justifier que les colonisations spoliatrices et esclavagistes pour certaines, ont été un bien pour les peuples subissant, serait pour le coup plutôt la honte... smiley


    • Jonas Jonas 4 juin 2019 07:58

      @Sparker "Car évoquer une prétendue haine de soi pour justifier que les colonisations spoliatrices et esclavagistes pour certaines, ont été un bien pour les peuples subissant, serait pour le coup plutôt la honte..."

      Toutes les civilisations ont été esclavagistes et colonisatrices, la civilisation occidentale est LA PREMIÈRE AU MONDE à avoir aboli l’esclavage.
      On devrait plutôt la remercier, au lieu d’en avoir honte !

      Quant à la colonisation, même si évidemment elle n’est pas parfaite, loin s’en faut,  elle a permis à des populations de s’affranchir du joug de l’oppression et de l’esclavage, banalisé dans le monde non occidental jusqu’au XXème siècle.


    • Sparker Sparker 4 juin 2019 10:08

      @Jonas

      Vous relativisez cette histoire justement pour ne pas avoir honte, je le comprend, mais dans l’absolu, rien n’est défendable. Je ne veux pas opposer l’un et l’autre pour faire du manichéen mais juste pour poser les choses comme il se doit.
      Ce n’est pas parce qu’un absolu est difficile à atteindre ou à réaliser que son relatif en devient acceptable voir excusable.
      Mais bon ça dépend du sujet et du contexte, mais en matière d’exploitation de l’homme par l’homme le relatif est difficilement acceptable, d’autant plus qu’il est imbécile et des imbéciles il y en a sur tous les continents et dans toutes les cultures.


  • Traroth Traroth 4 juin 2019 16:58

    Des expressions comme « homme masse » ne montre que le mépris de leur auteur pour ses congénères. Ça n’existe pas, l’homme masse. Chaque individu est différent, avec une sensibilité, des opinions, une personnalité, un vécu différents.


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