mardi 16 février 2016 - par Marcel MONIN

La politique : le nouveau business

Un certain nombre d’hommes politiques ont entraîné leurs collègues à adopter ou à faire adopter des traités qui mettent pour l’avenir hors discussion, hors délibération, hors vote tout ce qui était jusque là l’objet de la politique : l’émission de la monnaie, la détermination du niveau de vie des citoyens, les protections dont ceux-ci peuvent bénéficier, l’intervention de l’Etat dans les activités commerciales, financières et industrielles. Le tout sur une zone de déréglementation, avec des pouvoirs publics locaux neutralisés.

 

L’homme politique ne fait plus de politique. Il ne représente plus la population. Il utilise son pouvoir de décision (signature de décrets, vote de lois selon les fonctions) pour arrêter les mesures de détail d’application des règles et des mécanismes définitivement imposés par les traités. Et quand les citoyens utilisent leur bulletin de vote, ils ne font que désigner ceux qui feront ce qu’ils ont l’obligation de faire, c’est à dire tout, sauf être les représentants des citoyens et les porteurs de l’intérêt général de la société.

Etre homme politique, c’est être le facilitateur du business, tel que les traités l’ont conçu, en faveur des personnes pour lesquelles ces traités ont été écrits.

 

Ce qui fait que l’activité d’homme politique doit être requalifiée :

Soit, l’on considère que de représentative, la fonction s’est transformée pour devenir une fonction d’exécution. On abandonne alors la fiction de la fonction représentative, et l’on admet l’idée que le président de la République et les députés sont devenus des quasi-fonctionnaires … élus. L’élection des agents publics étant un mode de recrutement parmi d’autres (utilisé ailleurs et à certaines époques en France).

Soit l’on considère que l’élu est un toujours institutionnellement représentant des citoyens, et l’élu doit être alors considéré comme pouvant être mécaniquement au lendemain de son élection, dans une situation de conflits d’intérêts. Puisque l’élu favorise le business de certaines personnes ou de certains groupes par les décisions qu’il prend, en contrepartie de quoi, il touche une indemnité. Laquelle n’est plus utilisée conformément à la règle de la démocratie qui veut que la Nation n’indemnise ses serviteurs que pour ce qu’ils sont censés faire pour elle.

 

Cette situation nouvelle explique probablement que les dirigeants (présidents de la République, Premiers Ministres des Etats -en Europe et aussi en Afrique- soient souvent eux-mêmes des banquiers ou des avocats d’affaires, ou quand ils ne le sont pas, qu’ils s’entourent de personnes issues de ces professions pour les guider. Indépendamment du fait que certains d’entre eux peuvent être des « hired hands » des services américains (on le saura quand les archives de la CIA sur la période seront déclassifiées) , qui veillent à ce que les règles des traités, imaginés outre atlantique, soient fidèlement mis en application. Et explique également que nombre d’hommes politiques (et de hauts fonctionnaires et de collaborateurs) en quittant la sphère décisionnelle rejoignent la sphère financière et économique pour laquelle ils viennent d’œuvrer. Ce qui en réalité les maintient dans la même cercle en les changeant simplement de statut.

 

Les élus n’ayant plus à choisir, mais à appliquer, l’enjeu politique porte uniquement sur l’accession au poste d’élu et sa conservation pour une durée suffisante pour bénéficier d’un mode de vie sortant de l’ordinaire, et arriver à l’âge de la retraite pour bénéficier de la ou des pensions attachées à l’exercice passé des fonctions représentatives.

L’enjeu est clairement perçu par certaines personnes, qui, n’ayant jamais eu de véritable métier, ont fait en sorte de gagner leur vie par la politique. (Pour les parlementaires en fonction, v. des noms sur les déclarations d’intérêts). Mieux que s’ils avaient passé un concours ou que s’ils s’étaient essayés à l’entretien d’embauche. En s’accrochant à un homme politique d’un certain âge en espérant de lui qu’il cédera un jour son mandat ou en entrant au service d’un homme politique assez « puissant » en faisant en sorte d’obtenir de lui, qu’il ordonne que le collaborateur bénéficie d’une investiture là où ce dernier pourra continuer à gagner sa vie, cette fois-ci beaucoup mieux, tout en continuant à servir son mentor. Avec les effets pervers attachés au fait que les personnes se trouvant dans ce cas ont intégré, mieux que les autres, que la longévité est liée à la soumission aux puissants. Ce qui, évidemment, n’est pas tout à fait favorable à une correcte représentation du peuple.

NB. Pas plus que n'y est favorable le passage de la fonction publique à la sphère politique, pour accéder ensuite à des activités de business et d'essayer de faire fortune.

 

Les débats sur les choix de société, sur la politique financière, économique et sociale étant sans objet de par le texte des traités, les électeurs sont en réalité invités à attribuer les (anciens) postes de représentants en fonction des « petites phrases », des chausses trappes que les uns placent sous les pieds des autres, du comportement gestuel des uns ou des amours des autres, des résultats de sondages qui incitent à se porter vers celui qui est donné gagnant ou perdant, ou des émissions de télévision qui distribuent la parole de manière sélective aux « experts » ou exhibent tel candidat ou telle candidate de manière, dans une deuxième phase, à lui faire jouer le rôle de repoussoir au profit d’un candidat tiers. La question vue du candidat peut se résumer ainsi : puisqu’il n’y a plus matière à proposer, il reste à manipuler.

 

Tout cela fonctionne encore très bien parce que les électeurs sont entretenus dans l’idée qu’ils décident, comme dans le passé, par leur bulletin de vote (alors que les décisions ont été prises une fois pour toutes dans les traités) ou qu’ils désignent des « représentants » (alors qu’ils désignent des « exécutants »). Avec l’argument que les traités ont été adoptés (ce qui ne veut pas dire « voulus ») par les électeurs ou par leurs représentants. Alors que les textes n’ont pas été lus par grand monde et que leur contenu technique a été occulté ou caché par la majorité de la classe politique – quand ses membres ont été lecteurs- . Et avec cet autre argument selon lequel il est / serait possible de sortir des traités. Alors que cette sortie dépend de (la majorité de) la classe politique et que cette dernière – toutes tendances confondues- ne le veut pas, ainsi d’ailleurs qu’elle l’a prouvé quand elle a adopté le texte du traité de Lisbonne dont le contenu avait été rejeté peu de temps auparavant par référendum. Ainsi, les apparences de la démocratie y sont. Les réalités (pesanteurs, manipulations de l’opinion publique, intérêts en cause, réseaux et groupes de pression) font que la remise en cause de l’existant, avec la mécanique des règles constitutionnelles, n’est matériellement pas possible.

 

Alors … ?

 

Dès lors que le système ne peut être réformé que par ceux qui sont en place, c’est à dire ceux qui profitent en dernière analyse du système, on ne voit pas comment ce dernier peut changer. On ne voit pas comment on peut sortir du piège des traités (OMC, Lisbonne) et des mécaniques (financement par l’emprunt avec la soumission aux volontés des prêteurs qui s’expriment de diverses manières et qui vont dans le même sens en Europe comme en Afrique) qui ont transféré le pouvoir de décision des organes de l’Etat vers la nébuleuse économico-financière.

On ne sait ni comment, ni à quel moment, ni à l’occasion de quel fait catalyseur, se constituera un nouveau rapport de force, qui « balayera » l’ordre actuel. C’est à dire qui imposera le choix à certains individus de se soumettre ou de disparaître. Et qui permettra de revenir au fonctionnement normal de la démocratie, avec des élus non associés es qualité au business, qui se sentiront obligés de représenter la population et de veiller au droit au bonheur qui est un droit fondamental, même s’il n’est pas écrit dans nos déclarations de droits (mais qui figure dans la déclaration d’indépendance des Etats-Unis).

 

Marcel-M. MONIN

m. conf. hon. des universités

docteur d’Etat en droit.

secrétaire général de l’Université Technologique du Développement.



15 réactions


  • Robert GIL Robert GIL 16 février 2016 08:21

    bon nombre de députés n’ont pour la plupart plus qu’une obsession : être ré-élus, en particulier également pour conserver ces avantages (même –et surtout– si cette dernière raison demeure inavouée et latente sous leur réel et sincère engagement politique). Donc deux conséquences funestes pour notre république : premièrement, peu de renouvellement de la représentation nationale et deuxièmement, une docilité à toute épreuve comme l’impunité dont jouit au parlement le président devant la trahison de ses engagements électoraux l’illustre abondamment...
    .
    lire :
    LA POLITIQUE NE DOIT PLUS ETRE UN METIER … et les élus doivent être révocables


    • zygzornifle zygzornifle 16 février 2016 11:31

      @Robert GIL

       23 000 € au total voila ce que se gave un député, mettez les au SMIC et ils s’enfuiront en criant au viol ....


    • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 17 février 2016 10:54

      @zygzornifle

      OUI ZYG ET AUSSI 30000 EUROS/MOIS QUAND ILS SONT RETRAITES ET DANS CERTAINES

       COMMISSIONS (conseil constitutionnel et autres conseils ou commissions 12000 EUROS/ MOIS )
      cumuls 
      accointances avec les marchands de biens.... agents immobiliers ou des avocats d’affaires presque tous véreux §§§§

      le 1ER PRIX ;; ;A SARKO-BISMUTH LE 2ème a BALKANY le 3 ème a CAHUZAC tous mafieux des BALKANS ,,,,,,,,, ????????????


    • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 17 février 2016 10:59

      @Robert GIL

      OUI Robert tout a fait  !!!! 1 MANDAT ET SI CUMUL OU METIER D’ AVOCAT D AFFAIRES

       ....DEHORS SANS INDEMNITES  !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 16 février 2016 10:51

    Merci pour cet article qui résume bien ce que constatent de plus en plus d’électeurs, que leur vote ne sert plus à rien. Les décisions étant prises par les Instances qui font fonctionner les Traités européens, ( BCE, FMI, OTAN, Commission européenne), et appliquées par des marionnettes choisies pour leur docilité ....


    Par leur absence de démocratie, les Traités européens sont d’essence totalitaire, ils sont anti Etat Nations, et anti sociaux, au bénéfice exclusif des entreprises et de la finance.
    « Analyse juridique et géopolitique des Traités européens » par Valérie Bugault.

    Mais ce que les citoyens ignorent, c ’est qu’on peut sortir de cette usine à gaz !

    Et faire comme l’ Islande, pays souverain, appliquer tous les moyens INTERDITS par les Traités et par la Troïka, entre autres, laisser les banques faire faillite.

    Et que ça marche, mais ne le répétez pas !


    • julius 1ER 22 février 2016 09:37

      @Fifi Brind_acier


      à part enfoncer des portes ouvertes , qu’est-ce que tu fais ????
      tout le monde sur ce forum sait que le vote ne sert plus à rien si ce n’est entériner un « ordre établit »

      tout au moins le vote pour les formations traditionnelles dont celle d’Assholineau !!!!

      car quand tu dis que les traités de l’UE sont totalitaires .. tu oublies de dire que ce sont nos représentants qui les mettent en place de concert avec les représentants d’autres pays concernés !!

      tu lis l’article sans vraiment le comprendre à mon avis , bien que tu dises merci à l’auteur !!!

  • zygzornifle zygzornifle 16 février 2016 11:32

    Le politique vit sur le dos du citoyen comme une tique sur le dos d’un chien, si vous arrachez le corps et que vous laissez la tête il repousse encore plus goinfre qu’avant ....


  • tashrin 16 février 2016 11:32

    Moi je vous trouve très optimiste
    Je partage evidemment votre constat, mais..

    On ne sait ni comment, ni à quel moment, ni à l’occasion de quel fait catalyseur, se constituera un nouveau rapport de force, qui « balayera » l’ordre actuel. C’est à dire qui imposera le choix à certains individus de se soumettre ou de disparaître.

    Pour moi, c’est déjà fait... Sauf qu’on n’est pas du bon coté du manche...
    Vous l’avez très bien souligné : les choses ont changé
    Aujourd’hui, la politique n’a comme horizon que la defense d’interets economiques privés
    Aujourd’hui, nos représentants ne représentent plus rien
    Aujourd’hui, les dirigeants ne decident de rien
    Aujourd’hui, la population accepte chaque coup de canif de plus comme incontournable
    aujourd’hui, ceux qui doivent se soumettre ou disparaitre, ce ne sont pas les politiques. Ce sont les citoyens...

    Du coup le moment charnière que vous décrivez, il a déjà eu lieu, mais dans l’autre sens.
    Sur une période longue, comme la grenouille dans l’eau chaude dont on monte la temperature.
    Et je suis pas sûr qu’on parvienne à inverser le mouvement


    • Pascal L 16 février 2016 12:35

      @tashrin
      Parce que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, je pense que le système de prédation actuel trouvera une fin. L’esclavage et la colonisation ont bien fini par disparaître. Malheureusement, les conditions d’un tel retournement sont encore très loin d’être présentes. Même la Grêce n’a pas encore trouvé le chemin et pourtant, ils sont passés à 2 doigts de la solution avec le plan B de Varoufakis que les politiques se sont empressés de torpiller.

      Nous devrons donc descendre encore plus bas que les Grecs avant d’arriver à un niveau de conscience suffisant.
      Cette conscience passe par la compréhension des mécanismes de création monétaire qui sont soigneusement et volontairement évacués de la formation des économistes, y compris à l’ENA. Lorsque le lien entre la variation de la dette et le chômage de masse sera largement connu, la position de la BCE ne sera plus tenable.

    • tashrin 16 février 2016 12:41

      @Pascal L

      L’esclavage et la colonisation ont bien fini par disparaître
      Zetes sûr ? ou est ce qu’une nouvelle mouture est apparue, plus acceptable et plus discrete ?

      Lorsque le lien entre la variation de la dette et le chômage de masse sera largement connu, la position de la BCE ne sera plus tenable
      Il est déjà connu, de même que le rôle prédateur des banques. Mais comme cela a été souligné par l’auteur, les seuls qui peuvent influer sur le systeme sont precisement ceux qui en beneficient...


    • Pascal L 16 février 2016 14:18

      @tashrin
      Bien sûr qu’une nouvelle mouture est apparue, c’est justement ce système de prédation lié à la création monétaire par la dette.

      Vous et moi connaissent le rôle de la monnaie dans le système actuel, on voit également apparaître ici et là des articles qui en parlent. Mais parlez-en à votre voisin et vous verrez que le tabou sur la monnaie est encore extrêmement fort. Les politiques et les médias principaux entretiennent ce tabou et sont encore largement écoutés, même si les Français leur font de moins en moins confiance. Le changement n’arrivera que lorsque votre voisin et tous les autres seront eux aussi convaincus. Il faudra auparavant que TF1 explique ces mécanismes au journal de 20h et ce n’est pas encore près d’arriver.

    • julius 1ER 22 février 2016 09:41
      Cette conscience passe par la compréhension des mécanismes de création monétaire qui sont soigneusement et volontairement évacués de la formation des économistes, y compris à l’ENA. Lorsque le lien entre la variation de la dette et le chômage de masse sera largement connu, la position de la BCE ne sera plus tenable.

      @Pascal L

      çà c’est un argument que M Monin aurait pu développer dans cet article !!!

    • julius 1ER 22 février 2016 09:44

      @Pascal L


      là sur ce sujet je te donne la note maximale !!!

      bien sûr que tu as raison et tashrin à côté de la plaque, la plupart des gens ne sont pas conscients des enjeux liés aux banques et au système monétaire !!! 

  • lsga lsga 17 février 2016 22:21

    lol, rien de nouveau business.
    Même si c vrai qu’avec Internet, la création de petits partis comme l’UPR devient très rentable (surtout en terme de capacité d’endettement au prêt des banques russes)


  • julius 1ER 22 février 2016 09:28

    Dès lors que le système ne peut être réformé que par ceux qui sont en place, c’est à dire ceux qui profitent en dernière analyse du système, on ne voit pas comment ce dernier peut changer. On ne voit pas comment on peut sortir du piège des traités (OMC, Lisbonne) et des mécaniques (financement par l’emprunt avec la soumission aux volontés des prêteurs 


    @l’auteur,
    ceci est l’essence même de cet article !!!! 
    comment modifier ce système « verrouillé, cadenassé » à l’extrème et redonner du sens à la Démocratie ????????
    il n’ y a que par un parti ou une association d’individus mandatés pour mettre en place une structure provisoire genre assemblée constituante qui définisse au préalable les priorités auquel l’ensemble du pays doit s’attaquer ...... ^
    pour l’instant il n’y pas de force qui pousse dans ce sens, la plupart des élus ou personnes en charge sont dans ce jeu des chaises musicales et ce n’est pas le dernier remaniement ministériel qui fera penser le contraire !!!!

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