Le changement, c’est comment ?
Voilà, c’est fait, les socialistes détiennent tous les leviers du pouvoir en France, hormis une majorité des 3/5è au Parlement qui permettrait de modifier la constitution.
Pendant la campagne électorale pour les législatives, la droite a agité cet épouvantail en demandant aux électeurs de lui donner une majorité de cohabitation, en oubliant bien sûr de dire qu’il y a quelques temps, c’est cette même droite qui était dans la situation des socialistes aujourd’hui en étant majoritaire partout.
La droite ne s’est pas étendue sur les raisons qui lui ont fait perdre au fil du temps les Régions, les Départements, la majorité des grandes villes et agglomérations. Outre des choix politiques qui n’ont pas répondu aux attentes des électeurs et les ont fait opter pour des exécutifs locaux de gauche, la droite a été confrontée à l’usure du pouvoir et à la désaffection des urnes (60% d’abstention aux dernières cantonales, par exemple) qui joue en sa défaveur.
Le local et le national
Par delà les querelles de pouvoir à l’UMP entre Copé et Fillon, l’enjeu pour le parti de droite qui sort laminé des dernières joutes électorales est la reconquête du pouvoir et cette reconquête passe par le terrain.
Les choses sont ainsi faites en France, que l’ancrage local est la clé du succès pour un mandat de député qui donnera une majorité à un parti à l’Assemblée Nationale, et tous les pouvoirs exécutif et législatif, alors même que les députés votent la loi de la République et ne sont pas censés s’occuper d’un territoire particulier.
Cet ancrage local trouve son expression la plus exécrable dans la réserve parlementaire (en d’autres termes l’argent que peuvent distribuer de manière discrétionnaire aux communes ou associations de leur circonscription), mise à disposition des élus de la république qui peuvent ainsi s’acheter des relais d’opinions précieux lors des élections suivantes.
Tous les partis profitent de cette manne, plus ou moins importante selon la couleur politique, qui organise le clientélisme local.
La première chose à faire si l’on veut favoriser la vie démocratique et la citoyenneté est de supprimer ce système d’achat de voix d’un autre âge.
Et la gauche dans tout cela ?
Nulle trace dans les propositions de F. Hollande de suppression de ce système opaque qui n’a pas fait l’objet d’une remise en cause, étant entendu que le costume institutionnel est bien confortable une fois qu’on l’endosse et que les velléités de réforme s’émoussent lorsqu’on est au pouvoir.
Pourtant, pour ne pas connaître la lente désaffection de l’électeur qui pourrait conduire le P.S à la situation de l’UMP d’aujourd’hui, il faudra bien que les majoritaires d’aujourd’hui, au Parlement et dans la majorité des collectivités territoriales acceptent d’en réformer le fonctionnement, voire de supprimer certaines d’entre elles.
Auront-ils cette lucidité qui devrait les conduire à diminuer le nombre d’élus locaux pour redynamiser la vie locale ? Rien n’est moins sûr, compte tenu de la masse de militants et d’élus locaux qui ont participé à la victoire du P.S. et qu’il est indispensable de ne pas froisser.
Et pourtant, plusieurs raisons militent pour une réforme d’ampleur :
- la crise économique et financière qui tarit peu à peu les ressources disponibles pour l’action locale et nécessite une simplification du système de gouvernance locale
- une stratégie politique pour le P.S. qui freinerait, par la diminution du nombre d’élus locaux, la réimplantation locale de l’UMP.
- tout simplement, la reconquête des électeurs qui ont fortement tendance à bouder les urnes parce ce qu’ils n’y comprennent plus rien.
Le changement, c’est maintenant ?
Deux propositions du programme de F. Hollande sont susceptibles d’aller dans le sens d’une réforme du système, la 48, qui prévoit le vote d’une loi sur le nom cumul des mandats. Encore faut-il en connaître la portée et les éventuelles exceptions à la règle qui ne manqueront pas d’être ajoutées par amendements par les élus concernés par les cumuls (et ils sont nombreux) et qui souhaitent garder leurs privilèges.
Nulle trace, par contre, et c’est dommage, d’un système limitant le nombre de mandats successifs qui obligerait les élus touchés par cette mesure à reprendre une activité professionnelle, ce qui leur permettrait de connaitre parfaitement les effets des lois qu’ils votent.
La seconde proposition, la 54, parle d’une nouvelle étape de la décentralisation. On ne sera pas surpris par l’abrogation d’une mesure phare (et impopulaire parmi les élus locaux) du projet de réforme de l’ancienne majorité -la création du conseiller territorial - qui a permis incidemment à la gauche de conquérir le Sénat.
Plus improbable est la conclusion annoncée d’un pacte de confiance et de solidarité entre l’Etat et les collectivités locales leur garantissant le niveau des dotations à leur niveau actuel : la situation financière du pays ne lui permettra sans doute pas de maintenir le versement des 54 milliards d’euros inscrits au budget de l’Etat (plus que le rendement de l’impôt sur le revenu !) à périmètre constant, c'est-à-dire en gardant toutes les collectivités.
Cette même proposition 54 prévoit par ailleurs une réforme de la fiscalité locale en donnant plus d’autonomie aux communes, aux départements et aux régions en contrepartie d’une plus grande responsabilité, dossier explosif, s’il en est, s’il n’est pas accompagné d’économies financières significatives et de renoncements de la part de ces collectivités afin de limiter les transferts entre contribuables.
La clé du système serait-elle dans la péréquation financière (les « riches » aident les « pauvres ») ? A voir, mais on reste sceptique.
Alors, le changement, c’est comment ?