Le chant du cygne de LR
Le projet était transparent depuis le début, tant après avoir fait implosé le PS, Macron a mis le cap sur la destruction des Républicains pour asseoir sa place sur l’échiquier politique. Si les élections municipales ont montré que les vieux partis ont conservé une audience locale que la majorité présidentielle a été incapable d’attirer, tout indique que, nationalement, LR prend le chemin du PS.
Un espace politique toujours plus restreint
Cela fait plus de cinq ans que Macron a démarré son entreprise de démolition de la droite traditionnelle. Déjà, comme ministre, en baissant les impôts des entreprises comme jamais elle n’avait osé le faire, puis en déconstruisant le droit du travail, il a largement dépassé par la droite la présidence Sarkozy, allant jusqu’à tenir des promesses de l’ancien président qu’il n’avait jamais osé tenir, sur le travail du dimanche. Arrivant au pouvoir, il a poursuivi sur cette ligne entre nouvelle déconstruction du droit du travail, suppression de l’ISF que Chirac et Sarkozy n’avaient pas osé faire, réforme de l’assurance chômage et des retraites. Jamais un président n’était allé aussi à droite, économiquement parlant, que Macron. Bien sûr, des Républicains n’hésitent pas à le suivre dans cette course sans fin au moins-disant social, mais l’expérience Fillon montre que ce chemin est autant une impasse politique qu’économique.
Depuis cet été, Macron a décidé d’aller plus loin dans son entreprise de destruction des Républicains. Après Edouard Philippe, il a recruté Jean Castex et fait pivoter plus à droite encore son équipe gouvernementale, avec les promotions de Le Maire de Darmanin. Il devient de plus en plus difficile d’imaginer ce que pourrait faire différemment un président issu des Républicains. Les différences de style seraient-elles là quand on voit que le mieux placé dans les sondages, Xavier Bertrand, fait un peu à son parti d’origine ce que Macron a fait au PS ? Que restera-t-il des Républicains s’ils oublient la primaire pour se donner à un candidat qui n’a plus les deux pieds chez eux, d’autant plus que les différences entre Bertrand et Macron semblent bien minces pour qui oublient les postures trop grossières du premier ?
Mais au final, pourquoi ne pas se réjouir d’une telle évolution ? Il y a près de trente ans, j’étais déjà opposé à la ligne Bérégovoy / Balladur, la politique du franc cher, l’austérité, le recul de l’Etat, les projets européens d’alors. Macron n’est que l’expression aboutie de la coagulation intellectuelle du centre-gauche et du centre-droit en France. En somme, il clarifie le débat en démontrant que les différences sont souvent cosmétiques. Bien sûr, il insiste surtout sur les marqueurs de droite actuellement, mais cela est logique étant donné que le PS est en état de mort cérébral, alors que les Républicains semblent encore vivants, électoralement s’entend. Voilà pourquoi Macron est vraiment sorti de son silence sur le risque islamiste dans son discours sur le « séparatisme ». Ce faisant, il asphyxie plus encore LR.
Car que restera-t-il en 2022 aux dits Républicains si Macron renonce à l’angélisme coupable de son camp d’origine ? Le président souhaite probablement supprimer tout espace politique entre lui et Marine Le Pen et il semble bien arriver. Bien sûr, ce calcul ne sera pas forcément gagnant tant sa personnalité est détestée des Français, mais c’est probablement le seul chemin qui lui reste pour tenter de gagner en 2022. Sa chance, c’est le coma intellectuel des Républicains, prêts à s’offrir à un Baroin qui a compris qu’il n’avait pas grand chose de nouveau à offrir à son pays que sa simple personne. Betrand tente de se différencier en jouant la carte du pragmatisme provincial, mais outre la grossièrté de la manœuvre, cette posture est un peu courte pour donner du fond à une candidature dans la durée…
En outre, l’étape déterminante des élections régionales pourrait rebattre le jeu. Même si on peut penser que LREM sera plus proche de son étiage des municipales que des européennes, le mode de scrutin pourrait un peu rééquilibrer les choses. Et dans le Nord et en Ile de France, si la liste LREM pèse un peu, alors, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand pourraient être contraints à des choix cornéliens. Seront-ils assez forts pour l’emporter contre le parti présidentiel, ou devront-ils se compromettre pour garder leur présidence au second tour ? La position de Xavier Bertrand semble particulièrement délicate dans une région où le RN est très fort et où une gauche unie pourrait également peser lourd. Une quadrangulaire serait injouable, et seule une élimination de LREM au premier tour pourrait le sauver.
Si le bilan de cette présidence sera probablement calamiteux pour la France, il est un domaine où il pourrait être excellent : la clarification de notre paysage politique. La France ne gagnerait-elle pas finalement à la disparition de clivages en partie artificiels et à la fusion sous l’égide de la majorité présidentielle, des deux partis qui dominent notre vie politique pour faciliter un vrai changement.