samedi 9 novembre 2013 - par Albert Ricchi

Le Front de Gauche doit-il être refondé ?

Les militants communistes se sont prononcés sur le type de liste qu’ils entendent présenter au premier tour des prochaines élections municipales à Paris.

Au-delà des effets au sein même de la fédération parisienne du PCF qui, suivant les arrondissements, a pu connaître des résultats très contrastés, ce vote aura des répercussions sur l’ensemble du Front de Gauche en obscurcissant la construction d’une véritable alternative à la politique du PS…

Dans la capitale de la France, faire liste commune avec le Parti Socialiste dès le premier tour des élections municipales est loin d’être anodin. Drôle de rassemblement en effet que celui qui commence par diviser son propre camp et aboutit à ce que des organisations membres du Front de Gauche soient sur des listes séparées et donc concurrentes. 

Divers arguments ont été avancés par certains cadres communistes pour justifier ces accords à Paris et dans d'autres villes de France. Le premier est la nécessité du rassemblement face à la droite, le second est celui de la menace Front National qui justifieraient des accords de large union dès le premier tour. 

Dans les couloirs, certains cadres communistes expliquaient que ce n’était pas leur choix mais que, face au chantage socialiste, il fallait cet accord à Paris pour obtenir le maintien de ce qu’il reste des bastions communistes de la ceinture rouge. 

En fait, finalement, seule la perspective du nombre d’élus communistes semble avoir été prise en compte. Cette stratégie de la direction communiste avait déjà été observée notamment lors des dernières élections régionales où dans cinq régions et 19 départements, le PCF avait choisi une alliance avec les socialistes dès le premier tour : Basse-Normandie, Bourgogne, Bretagne, Champagne-Ardenne et Lorraine.

Pour beaucoup de militants du FdG, la « trahison » de Pierre Laurent, est un évènement d’une gravité considérable qui fait penser à ces accidents dont on sort vivant, avec quelques blessures mais qui révèlent au fil du temps la réalité inguérissable du choc.

Car il ne s’agit pas d’un simple accord concernant une ville. Il s’agit d’une révolution de palais, Pierre Laurent et le chef de file des communistes parisiens, Ian Brossat, ayant l’intention d’utiliser le logo FdG sur les affiches d’Anne Hildago ! Le PCF ne se contente pas de quitter un camp pour en honorer un autre. Il feint d’agir au nom de l’ensemble de ses alliés alors qu’il ne représente qu’une partie du groupe !

Laisser passer l’orage ou créer un nouveau parti ?

Cette stratégie dans la capitale de la France risque d’être fatale à l’ensemble du FdG. Que vont faire en effet les militants qui ne partagent pas ce choix ou les électeurs de gauche qui devront choisir entre deux visions du FdG ?

La dernière note sur le blog de Jean-Luc Mélenchon donne une première réponse : « Pour qui sonne le glas ? ». JLM se rassure en indiquant que ce glas là ne sonne pas pour lui. Une des raisons de ce relatif optimisme est le vote des militants communistes de Lyon en faveur de l’autonomie par rapport au PS dès le premier tour. Sur Facebook notamment, cette nouvelle a été accueillie avec joie. Malheureusement, dès le lendemain, on apprenait que 8 élus communistes sortants sur 12 refusaient le vote des militants…

Ne plus parler de l’incident parisien et entrer en campagne ardemment pour obtenir les meilleurs résultats possibles, Jean-Luc Mélenchon a, semble-t-il, choisit cette dernière solution pour les mois qui viennent. Il appelle à la loi des urnes pour régler cette affaire et demande en fin de compte aux électeurs de choisir entre Pierre Laurent et lui-même. 

Danielle Simonnet, chef de file du PG à Paris et les autres participants du FdG se veulent aussi rassurants sur l’avenir du Front de Gauche. « Dans nombre de capitales régionales, il y a des listes du FG », citant notamment Lille, Strasbourg, Grenoble. « Majoritairement sur le territoire français, nous allons avoir un FdG rassemblé en opposition aux listes gouvernementales ».

« C’est plutôt des cas d’exception que la majorité de la situation nationale. On est plutôt optimistes sur l’avenir du FdG », a renchéri Roland Mérieux. « Il y a une crise du FdG à Paris mais elle est limitée. Rien de tout cela ne signifie qu’il y ait une rupture acquise du FdG », a ajouté Laurent Lévy, de la Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique.

En fait, Jean-Luc Mélenchon et le PG ont beaucoup de mal à sortir de l’ambiguïté et reconnaître que depuis les débuts du FdG, le PCF se sert plutôt de celui-ci pour maintenir ses scores électoraux et conforter la situation de ses élus plutôt que d’oeuvrer à une véritable alternative à la politique néo-libérale du PS et de ses alliés. La perspective du renouvellement de son poste de député européen sur des listes FdG avec le PCF va sans doute le conduire à avaler cette nouvelle couleuvre parisienne…

D’autres militants du FdG sont eux en faveur de la création d’un nouveau parti ou une nouvelle coalition sans le PCF et ce le plus rapidement possible. Créer un nouveau parti clairement anti-libéral avec une nouvelle appellation aurait aussi un autre avantage en faisant disparaître la myriade des petites organisations, qui aux côtés du PC et du PG, sont membres du FdG.

Si les choses restaient en l’état, comment vont se croiser dans les villes, les anciens alliés, désormais ennemis ? S’étriper lors des municipales et ensuite redevenir amis pour les Européennes ? En attendant que les élections municipales soient passées et en préparant dans la foulée les élections européennes, le FdG risque de sortir au final en lambeaux avec une stratégie incompréhensible pour les électeurs, faux FdG et vrai FdG noyés dans la même confusion, la droite et l’extrême droite emportant le morceau… 

D’une manière générale au plan national, le choix opportuniste, ville par ville, fait par le PCF est à peu près le même que celui fait hier pour les Régionales et les cantonales : un choix « à la carte » en fonction de la configuration électorale de chaque territoire et destiné à sauvegarder le plus grand nombre de ses élus.

Dans un cas (listes du FdG), le PC risque de perdre des élus, ne serait-ce parce que les places éligibles doivent être partagées avec les autres formations constituant le FdG. Ce n'est pas rien puisque économiquement, le PC est en très grande difficulté sans la manne de ses élus de terrain.

Dans l’autre cas (listes PC/PS au premier tour), le parti de Pierre Laurent peut espérer garder nombre de ses élus, avec l'argument de pouvoir influencer les décisions des majorités de gauche, bien que jusqu'ici, cela n’ait joué qu'à la marge et sur des sujets annexes.

Mais en jouant sur les deux tableaux, le PCF rebute tout à la fois ses électeurs, le PG et les autres composantes du FdG, le PS et décrédibilise la tentative de construction d’une autre gauche qui risque ainsi de plafonner longtemps à moins de 10 % de l’électorat…

 

 



10 réactions


  • Melara 9 novembre 2013 13:03

    Hollande piètre président, mais fin tacticien électoral ?


  • alinea Alinea 9 novembre 2013 13:09

    Refuser le vote des militants, cela me rappelle quelque chose ! Ce n’est pas Sarkozy qui a inventé cette non démocratie à tiroirs ? Imposer le oui quand il y a eu un non populaire, cela porte un nom ! C’est lamentable...
    Il y a sans doute beaucoup de tiraillements pour savoir quelle est la meilleure réponse à apporter, néanmoins, cette scission ne s’est pas faite avec douceur ; il y a eu là des rapports de force qui ne sont pas très digestes pour la plupart d’entre nous !


  • DanielD2 DanielD2 9 novembre 2013 14:08

    " Ne plus parler de l’incident parisien et entrer en campagne ardemment pour obtenir les meilleurs résultats possibles, Jean-Luc Mélenchon a, semble-t-il, choisit cette dernière solution pour les mois qui viennent. Il appelle à la loi des urnes pour régler cette affaire et demande en fin de compte aux électeurs de choisir entre Pierre Laurent et lui-même. « 

    Il est pitoyable. Et les gens qui croit encore en lui, vous savez ce qu’on dit :  » une fois honte sur toi, deux fois honte sur moi ". Allez vous longtemps vous faire avoir par ce clown et cet escroc ?


  • eric 9 novembre 2013 14:45

    De toute façon, tous unis, ils ont eu du mal a dépasser le 10%. Et encore. C’est surtout grâce aux verts. Comme les futurs ministrables, ne voulaient pas se prendre le risque d’une deculottee personnelle, mais ne souhaitaient pas non plus laisser derrière eux une personnalité susceptible de leur faire de l’ombre en interne avec des résultat passables aux présidentielle, ils ont veille a ce que l’électorat extrémiste n’ai pas d’autre choix que de voter melench.
    Certes, leur position actuelle, qui est de dénoncer la politique qu’ils mènent, ne devrait pas leur rapporter beaucoup d’électeurs, mais tant que la CGT défendra notre outil industriel nucléaire, il est douteux que le FdG communiste puisse rassembler réellement l’ensemble de l’électorat ex écolo. Pas mieux en tout cas qu’un Bayrou par exemple, pour sa frange vraiment plus verte que rouge.
    Su le mariage des tous, chapeau, le pc a su abandonner complétement les problématiques sociales au profit de questions qui ne se posaient pas.

    Pour espérer regrouper durablement tous les électorat d’extrême gauche, et notamment écolo,il faut qu’il se décide enfin a cesser de parler tous le temps des ouvriers. Qui dit ouvrier dit industrie et donc pollution, mais aussi entreprise privée et donc capitalisme. On ne peut plus défendre ces gens. On vient de le voir en Bretagne.

    Je sais, ce n’est pas facile de changer de rengaine, mais les 10% sont a ce prix.... !


  • patdu49 patdu49 9 novembre 2013 16:31

    Le PC de mon point de vue devrait quitter le front de gauche, comme ça, ça fera 2% aux présidentielles ... ou se dilueront avec leurs copains du PS...

    et là, le NPA aura sans doute envie de rentrer vraiment dans le Front de gauche.

    D’ailleurs si le NPA avait de la réticence à avancer avec Mélenchon et le FDG c’était bien, en grosse à cause du PC pas très clair, comme d’hab ... trop de gros gros bourgeois carriéristes aux instances du PC ... 


  • Pierre-Yves Martin 9 novembre 2013 16:42

    Au-delà de ces basses intrigues politiciennes, il y a un problème de fond entre le PCF et une partie du reste de l’actuel FDG : c’est l’attitude vis-à-vis de l’Union Européenne.

    L’encadrement PCF ne veut pas de remise en cause de l’appartenance à l’U.E. ou à l"Euro (ni même de véritable débat, car ses adhérents eux-mêmes s’interrogent).

    A contrario, le PG semble très divisé sur la question. Le POI, dont je ne sais pas s’il est considéré actuellement comme faisant partie du FDG, est, quant à lui, clairement hostile à l’U.E. Quant aux autres groupes, il faudrait un patient travail d’entomologiste pour y faire l’état des lieux.

    Donc certains au FDG non PCF, et beaucoup parmi les électeurs potentiels de la gauche, ont compris :
    - qu’aucune politique de gauche ou même du centre n’est possible au sein de l’U.E.,
    - que tout est archi-blindé pour que celle-ci ne soit jamais améliorable,
    ’ et qu’elle pour finalités ultime l’asservissement de presque tous à de grands intérêts financiers contrôlés par quelques-uns et la « loi d’airain » économique.

    Je crois en outre que beaucoup au FDG savent qu’il ne pèseront pas très lourd face au FN s’ils n’ont pas position claire contre l’U.E.

    Aux militants du PG et consorts de mener publiquement ce débat, s’ils veulent aboutir à quelque chose.


  • Jelena XCII 9 novembre 2013 21:14

    L’idée est très bonne !! Puisque l’extrême gauche n’arrive pas à s’imposer, créons un parti de plus afin de nous faire entendre !! Plus il y aura de partis, plus il y aura de chances... (enfin je pense).

    Plus sérieusement, j’ai un autre titre pour votre article « L’UMP en a rêver, Mélenchon l’a fait ».


  • Libertad14 Libertad14 10 novembre 2013 07:11

    voilà bien une analyse politicarde, surtout qu’en matière de bourdes, JLM les accumule. 

    C’est bien JLM qui a au premier tour des présidentielles dit« au deuxième tout je voterai Socialiste » pas très mobilisant pour le Front de Gauche.
     C’est bien lui aussi qui a proposé ses services à hollande pour prendre la fonction de premier ministre ; là encore décision personnelle sans tenir compte de ses alliés. 
    C’est encore JLM qui a décidé que la bataille contre Marine Le Pen devait mobiliser toute son énergie entraînant de ce fait le Front de Gauche loin des préoccupations des travailleurs. Il est vrai qu’aujourd’hui le carriérisme l’emporte sur le politique , mais dans ce cas il ne faut pas s’étonner ni jeter l’opprobre sur ses allies quand soi même on se comporte bizarrement. L’union n’est pas facile mais pour la maintenir peut être faudrait il parler d’abord des objectifs avant de faire valoir des intérêts personnels ou de batailles de clochers.

  • JP94 10 novembre 2013 11:34

    Après ( ou avant ) ces brillantes analyses , pourriez-vous en fournir d’aussi brillantes pour nous expliquer pourquoi le PG , bien avant les frasques de leur ami Pierre Laurent , a opposé au candidat PCF déjà présenté par le FdG , son propre candidat et ceci dans pas mal d’endroits en France ? 


    Le candidat du PCF n’y était pas soutenu par le PS , au contraire , qu avait son propre candidat .

    Que voulait au fond le PG ? battre le PS en ajoutant un second adversaireFdG ? 

    Sa stratégie en haut lieu est-elle d’union ou de division ? Virer le PCF du FdG qu’il a grandement contribué à fonder ... mais le FdG n’est pas un parti ni la propriété privée du PG . Il est ouvert en principe à tous ceux qui veulent y venir . Qu’est-ce que c’est que cette chasse aux sorcières que prétendent y instaurer certains ? 

    Par contre l’anticommunisme n’est pas mort même au PG .



  • Mmarvinbear Mmarvinbear 13 novembre 2013 02:16

    Je ne crois pas qu’il soit possible de refondre le FDG, car pour regarder les choses en face, il n’a jamais été fondé !


    Qu’est-ce que le FDG ? C’est une union de carpes et de lapins qui ont eu le choix entre faire cavalier seul et plafonner à 3 4 % des suffrages ou bien s’allier pour faire plus. C’est ce choix qu’ils ont fait.

    Malheureusement, cette union n’est qu’un collage précaire, sans réelle profondeur idéologique et stratégique. En plus, la volonté d’une direction bicéphale est la meilleure voie pour accélérer le processus de dissolution. Sans parler de la personnalité de Mélenchon, qui ne supporte pas qu’on puisse lui tenir tête ou même lui suggérer qu’il puisse faire fausse route.

    Ils ont été doublement incapables de tenir leurs promesses, gratifiés à 15 16 % au long de la campagne, ils finissent à 11. Et depuis, pas une seule élection ou ils ont été capables de faire plus de 5 - 8 %.

    Le FDG est un échec politique, électoral et social.

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