Le nain, le dodu et les cocus de la constitution
Au Pays des Lys, la plus vieille république du continent, arriva le jour de l’élection. Un jour différent de tous les autres. Celui où pour quelques instants le peuple retrouvait le pouvoir après 5 ans de privations et de sacrifices.
Ce jour était exceptionnel comme il y a 4.000 ans en Mésopotamie, à Lagash du temps de Gudéa pendant la semaine de festivités en l'honneur de Nanse, la divinité locale, quand le peuple se déguisait avec des oripeaux royaux et les serviteurs prenaient la place des maîtres et gouvernaient qui le pays, qui les entreprises, qui la propriété du seigneur. La différence ? Au pays des lys, ce jour-là , le peuple transitait en longue file dans un isoloir pour renouveler le mandat du Président. Ah, le beau jour en vérité ! Le col amidonné, la cravate, le pli du pantalon et la moustache gominée étaient de sortie. La campagne s'était accordée quelques heures de repos et la traite avait pris un ou deux bidons de retard....

Cette année-là, les hérauts du ministre de l’intérieur avaient battu la campagne, les immigrés et capturé ou abattu les terroristes pour ramener le calme dans le pays et réunir en toute sécurité la population dans les mairies, les écoles et les salles de sport pour qu'elle renouvelle, bon gré mal gré, le mandat du nain du faubourg.
Ce personnage, redouté de tous, se caractérisait par une méchanceté viscérale qu’égalait une suprême incompétence des choses de l’état. Quand il ne s’adressait pas au gens du peuple en les tutoyant et les insultant, il les menaçait de lois toujours plus coercitives, d’un grabat social toujours plus ténu, les bercant avec des surlendemains de rêve qui ne sont jamais venus. Sans le moindre scrupule, il menait grand équipage et dépensait sans compter l’argent des impôts. Puis, par on ne sait quelle caprice, il favorisait les vrais travailleurs et les délocalisations en inondant les nantis de niches fiscales et sociales avec pour effet d’augmenter le chômage et la pauvreté. En cinq ans ce nain venimeux et malfaisant avait tondu son peuple jusqu’à l’épiderme et ruiné l’état grâce à ses réformes. Les gueux étaient sans abri. La maladie s'abattait sur les expulsés comme la vérole sur le bas clergé. Le coq s'était tu dans la bassecour, le bonheur avait fui l'ovalie.
Elu en mai, cinq ans plus tôt, ce mauvais bougre avait entamé sa modernisation des institutions dès juillet, par la révision de la Constitution. Cet acte sacré définit les pouvoirs que confie le peuple á ses représentants et règle leur fonctionnement. Ceci n’est pas un hasard. ..
A lire la lettre de mission envoyée le 17 juillet à l'ancien Premier Ministre, dont il avait été le collaborateur, pour que cet illustre forme une commission de juristes afin de rajeunir la constitution, le nain exprimait sans détour son dessein de diriger le pays en accaparant constitutionnellement le pouvoir exécutif :
« Il convient dès lors :
- en premier lieu, d'examiner dans quelle mesure les articles de la Constitution qui précisent l'articulation des pouvoirs du Président de la République et du Premier ministre devraient être clarifiés pour prendre acte de l'évolution qui a fait du Président de la République le chef de l'exécutif, étant observé toutefois que cette articulation n'est guère dissociable du régime de responsabilité actuellement en vigueur »
C’était compter sans l’alinéa 5 de l’article 89 de la Constitution : « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision. »
Aussi, après avoir pris connaissance des conclusions du rapport de la commission réunie par l’ex-Premier Ministre, laissa-t-il éclater, avec un rien d’arrogance, son amertume dans sa lettre d’orientation du 12 novembre au Premier Ministre en exercice :
« La légitimité conférée au Président de la République par son élection au suffrage universel direct et les outils du parlementarisme rationalisé font de l'exécutif en général, et du Président de la République en particulier, les pôles forts de nos institutions. Cette réalité doit être à la fois mieux assumée et plus encadrée. » Il ne mentionne pas que la légitimité, dont il se réclame, se limite au mandat défini au titre 2 de la Constitution. Elle ne concerne pas la mainmise sur le pouvoir exécutif ou législatif.
Puis il déplora l’échec de sa tentative : « Soucieux de rechercher les voies d'une démocratie irréprochable et d'une République exemplaire, j'estime nécessaire qu'un certain nombre de pouvoirs de l'exécutif, notamment du Président de la République, soient davantage encadrés. »
Le nain ose écrire :.. un certain nombre de pouvoirs de l'exécutif, notamment du Président de la République, » ceci présuppose que le mandat du Président de la République comporte des pouvoirs exécutifs réguliers et quotidiens : lesquels ? Aucun ! Ceux de l’article 16 de la constitution sont exceptionnels :
« Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d’assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d’accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels. »
Ce régime dure 30 jours au bout desquels sur demande du Président de l’Assemblée nationale, celui du Sénat ou de 60 députés ou sénateurs le Conseil constitutionnel peut être saisi pour examiner si les conditions sont toujours réunies et prolonger de 30 jours les pouvoirs exceptionnels du Président.
Enfin il jetta l’éponge : « Dès lors qu'un changement de la nature du régime est écarté, toute modification de la rédaction actuelle me paraît en effet présenter plus d'inconvénients que d'avantages. »
Le Président ne dispose d’aucun mandat pour définir et conduire au quotidien la politique de la nation. Comment ose-t-il prétendre le contraire ? Où le nain puise-t-il l’arrogance de déclarer lors d’une interview télévisée : « Je n'ai pas été élu pour ne pas respecter la loi » ? Quand il tente de modifier le mandat de l’article 5 en révisant à son profit la Constitution usurpe et abuse du pouvoir exécutif en pleine connaissance de cause. Quand il renvoie un Gouvernement, il usurpe la mission du Parlement en charge du contrôle de la politique. Ceci n’est plus l’expression de la démocratie mais l’exercice d’une monarchie de fait. Voilà qui de la part de celui qui a reçu et accepté mandat de veiller au respect de la Constitution en briguant la magistrature suprême un bien vil irrespect de son engagement.
Les articles 5 et 20 de la Constitution sont clairs à ce sujet. Contrairement à ce que laissent croire les candidats, les partis politiques et les médias : le mandat présidentiel ne consiste pas à conduire la politique de l’état, mais à arbitrer entre les pouvoirs.
Article 5 : Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »
Le principe de notre république est la séparation des pouvoirs. Aucun mandat ne confère la souveraineté nationale à un individu, celle-ci est la propriété exclusive et indivisible du peuple tout entier. Le peuple, et lui seul, est le souverain et le chef de l’Etat, une qualification qui du reste n’existe pas dans la Constitution.
Colporter l’illusion que le suffrage universel confie le pouvoir absolu à un seul homme, cinq ans durant en toute impunité, est mensonger. Constitutionnellement, c’est le Gouvernement, responsable devant le Parlement, qui définit, conduit et exécute la politique de la nation, personne d’autre.
Article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation.
Il dispose de l’administration et de la force armée.
Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.
Article 21 :
Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires.
Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres.
Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à l’article 15.
Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d’un Conseil des ministres en vertu d’une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé.
Il faut cesser d’entretenir les électeurs avec cette légende qui pérennise le déficit d’instruction civique caractérisant notre peuple. Si comme le fait le nain, le président gouverne, il abuse du pouvoir en l’usurpant. Il doit être rappelé à l’ordre et à ses devoirs, fixés par la Constitution.
La nomination du premier ministre, qui lui est dévolue, n’est pas le fait de désigner ou choisir celui-ci mais le cérémonial protocolaire qui donne de la solennité à la réception de cette charge, rien de plus. Les périodes de cohabitation nous l’ont montré.
Peut-on croire sérieusement que Mitterrand aurait choisi Chirac en 1986, ou Chirac Jospin de son plein gré en 1997 s’il avait eu le pouvoir constitutionnel de choisir son premier ministre ?
Il faut alors s’étonner que les candidats à l’élection présentent des projets politiques de gouvernement et parlent de mesures législatives et exécutives comme si ils décidaient souverainement de leur propre volonté de tout, ce sous le faux prétexte d’être légitimés par le suffrage universel. Les moi-je et les exilés fiscaux seront déchus de leur nationalité pas plus que les programmes sociaux, économiques ou administratifs ne sont de circonstance lors d’une élection de cette nature.
Ces candidats, leur parti et les médias trompent tout simplement les électeurs profitant de l’ignorance produite un enseignement des droits civils défaillant. Ces gens, ces organisations et ces faiseurs d’opinion trahissent les droits de l’homme et du citoyen. En prônant la réunion de tous les pouvoirs en une seule main incontrôlable pendant une mandature, ils piétinent délibérément l’article 16 de la déclaration de 1789 : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. »
Pire encore, depuis février 2007 où un Président, condamné pour avoir emprunté dans la caisse de la Mairie de la Capitale du Pays des Lys, fait réviser la Constitution l’article 67 confère une immunité judiciaire au Président :
« Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation des fonctions. »
Si l’article 68 permet de le destituer en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat - l’usurpation du pouvoir exécutif en est un indiscutable- encore faut-il que la loi organique d’application dudit article soit adoptée et promulguée. Hélas une assemblée aux ordres du président félon a laissé dormir le projet de loi organique plus de 5 ans dans l’antichambre de l’hémicycle…
Hormis M. Mélenchon, partisan d’une nouvelle république et constitution, de tous les candidats au mandat présidentielle seul le dodu a souhaité supprimer l’article 67. Il n’a pas évoqué le retard pris par la loi organique d’application de l’article 68. Sans doute laisse-t-il cette diligence au futur Premier Ministre dont il a eu la sagesse de taire le nom aux journalistes qui l’interrogeaient, stupidement à ce sujet, rappelant que celui-ci devait recueillir la confiance d’une majorité parlementaire.
Au pays des Lys, depuis 50 ans que le suffrage universel direct confie mandat de magistrat au président de la République pour arbitrer entre les pouvoirs législatif et exécutif, aucun des élus s’est abstenu de gouverner. Aucun des candidats à la présidentielle 2012 n’a dénoncé ce détournement constitutionnel. Bien au contraire, représentants de parti, ils ont exposé des projets politiques et se sont lancés dans la surenchère démagogique pour piéger le client.
Il est grand temps que les électeurs prennent conscience de cette infraction scandaleuse. Elle naît de l’ignorance du mandat constitutionnel qu’ils confient, sans la moindre garantie ou recours, à un homme peu digne de confiance. Il les trompe en abusant du pouvoir avec le concours des parlementaires et des médias qui se gardent de les prévenir d’un tel abus. Pour sûr, les cocus de la constitution, c’est nous !