jeudi 8 novembre 2012 - par syd93

Le Parti Socialiste est mort. Vive le Nouveau Parti Capitaliste

Ce qui détermine la véritable orientation politique d’un parti, n’en doutons pas, réside bien dans l’art et la manière de financer les projets qu’il met en oeuvre. Ce n’est donc pas une simple vue de l’esprit que d’affirmer qu’un vote positif sur le budget vous place dans la majorité, un vote contre dans l’opposition. Ce qui structure le modèle de pensée auquel le décideur politique se réfère est finalement, sans contexte, sa stratégie budgétaire. Entre la droite et la gauche, deux manières de financer les projets se font face, s’affrontent pour finalement radicalement s’opposer. Bien au delà de l’étiquette marketing qu’un parti politique se collera sur le dos pour capter les suffrages, la méthode fiscale qu’il adoptera révèlera dans quel camp il se situe.

A gauche, la fiscalité directe et progressive constitue le seul outil possible d’une politique qui favorise non seulement le travail mais surtout une redistribution juste des richesses produites. Car nous ne sommes pas tous égaux devant l’impôt simplement parce que nous ne sommes pas tous égaux face aux revenus que nous percevons. La conséquence de cette inégalité évidente des revenus étant une inégalité face au pouvoir de consommation, qui plus est dans un modèle économique qui promeut le consumérisme au stade de dogme. Ainsi, les taux de croissance ne sont-ils calculés que sur la base des produits vendus, aussi bien au niveau micro économique à travers le chiffre d’affaire et autres parts de marchés conquises, qu’au niveau macro économique à travers le célèbre Produit Intérieur Brut qui ne se soucie jamais de la manière dont les produits sont fabriqués et des conséquences des productions sur l’environnement. Mais cessons cette digression et revenons à la fiscalité directe et progressive de gauche. La fiscalité directe vise “directement” le revenu réellement perçu. Non pour avoir une visibilité claire de ce que chacun gagne dans un élan excessif de voyeurisme. Tout simplement pour être en mesure d’appliquer le second principe de contribution, la progressivité. En effet, pour amoindrir les inégalités de revenus, chacun contribuera non pas selon un pourcentage fixe et unique pour tous, mais selon un taux de contribution qui s’adapte au niveau de revenu de chacun, donc à son niveau de consommation. En réalité, ce qui motive ce procédé fiscal réside dans la notion de “reste à vivre” bien plus que dans celle du montant payé. C’est pourquoi la fiscalité directe et progressive permet de soulager un ménage à bas salaire car elle sait combien ce ménage perçoit et peut donc l’épargner afin de lui permettre un accès, même limité, à la consommation. De surcroît, cette fiscalité directe et progressive rend possible la redistribution de la richesse produite vers ce ménage à bas salaire sous forme d’aides financières directes comme l’aide au logement par exemple, ou sous la forme d’une exonération totale ou partielle de l’accès aux services publics. Etant bien entendu que la première redistribution est , la plupart du temps, la non imposition pure et simple sur le revenu. Ce qui a pour effet majeur de protéger la valeur de son travail en ne frappant pas aveuglément son revenu dans la même proportion qu’un ménage à très haut salaire. Surtout, cet impôt permet également d’appeler à contribution les revenus du capital, puisqu’ils sont déclarés, comme ceux du travail, et qu’ils constituent une réserve importante de financement. A l’autre bout de la chaîne, le ménage à fort revenus du travail, mais aussi du capital, contribuera à un taux beaucoup plus élevé, s’il le faut. Ainsi est introduite par la fiscalité directe et progressive le principe de solidarité. Enfin, cette progressivité demeure équitable car, rappelons le, son principe directeur n’est pas le montant de la somme payée en impôt mais le reste à vivre. Ainsi, le pauvre est aidé pour ne pas sombrer dans la misère, le riche, qu’il se rassure, restera riche.

A droite, la fiscalité indirecte et proportionnelle est un objectif sacré. Deux raisons majeures, qui n’ont rien d’économiques mais tout de l’idéologique, motivent ce mode de fiscalité. En étant indirect, nul besoin de recenser le revenu réellement perçu par chacun, qu’il soit le produit du travail ou du capital, puisque le prélèvement fiscal s’opère via la consommation. Si on devait pousser ce mode de contribution fiscal à l’extrême, il n’y aurait même plus besoin de déclarer ses revenus. Le principe de proportionnalité étant, quant à lui, guidé par le principe du montant payé et non par celui du reste à vivre. On comprend alors que la matrice de ce mode d’imposition est, non pas la solidarité, mais l’individualisme prôné par la pensée libérale. Ainsi, ce qu’un ménage gagne n’a pas à être connu. Ainsi, un ménage n’a pas à payer pour les autres. Nous sommes là en plein coeur de la mythologie du self made man et de la philosophie de la compétition au mérite. On décode mieux le discours des ministres des budgets de droite qui expliquaient pourquoi ils faisaient des chèques de remboursement fiscaux aux très riches, car, comprenez-vous, disaient-ils, ils paient déjà plusieurs millions, ils se sont faits tous seuls et ils sont si indispensables au pays. Surtout, grâce à cette fiscalité indirecte et proportionnelle, il n’est plus possible de taxer les revenus du capital, puisque la taxation s’opère uniquement par le biais de la consommation et non des revenus perçus. En vérité, la réelle matrice de ce principe fiscal est bien la spéculation puisqu’il tire sa substance de la consommation, donc de l’offre et de sa rareté que l’on organise sur les marchés boursiers pour “jouer” sur les prix et les profits…On devine alors, et de manière évidente, pourquoi les grandes entreprises cotées en bourse rejettent toutes idées de cotisations et d’impôts sur les bénéfices. Cela entrave leur capacité spéculative, c’est-à-dire de “parier” sur les marchés car trop d’informations sur elles sont mises sur la place publique. Dès lors, tout l’effort fiscal doit-il être transféré de l’impôt direct vers l’impôt indirect. Il est donc inscrit dans les gênes de la droite et des entreprises spéculatives cette obsession maniaque à la baisse “des charges” et à la hausse de la TVA, cet impôt indirect et proportionnel, directement adossé à la consommation. Quitte, pour y parvenir, à menacer à la dépression économique, comme les geonpis ou ces 98 grands patrons qui scandaient, il y a quelques jours, au péril de la nation. Notons que les entreprises “geonpis” et celles des 98 grands patrons “affolés” tirent toutes l’essence de leur activité de la bourse. Pour les unes, via leur positionnement de start up et leur besoin récurrent de fonds, pour les 98 autres tout simplement parce qu’elle sont des poids lourds côtés sur les places boursières.

Le parti socialiste, en acceptant d’appliquer la totalité du rapport Gallois, achève sa mue. En augmentant un impôt indirect et proportionnel (la TVA) pour compenser la diminution d’un impôt direct (cotisations sociales patronales), il énonce clairement son nouveau positionnement :

primauté de l’individualisme sur le principe de solidarité collective, car même les salariés précaires devront supporter l’augmentation de la TVA selon le principe du montant payé et non du reste à vivre,

encouragement de la spéculation puisque le transfèrement des cotisations sociales patronales vers la TVA affaiblit la contribution du travail à l’effort de solidarité en accentuant l’importance de la consommation dans le financement de la protection sociale, donc des fluctuations des marchés,

accélération des processus de privatisation, car l’instabilité des marchés engendrera une situation de faillite financière de la protection sociale, particulièrement en période de crise de la consommation et obligera ceux qui le peuvent à se livrer aux assureurs et mutualistes privés,

être le relais privilégié du patronat dans le dialogue social, en instaurant un rapport de force définitivement favorable aux représentants patronaux puisque le système de financement de la protection des salariés est livré aux marchés, donc aux carnets de commandes des entreprises et à leurs taux de rentabilité.

En réalité, il est faux de qualifier le parti socialiste de parti social démocrate. Le propre du démocrate est de rechercher un positionnement politique équidistant entre le patronat et le salariat. Avec la mondialisation, l’équidistance est devenue impossible. Car comment obtenir une médiation juste dans le dialogue social quand le représentant patronal se situe à 10 000 kilomètres d’un conflit et qu’il s’agît en réalité d’un fond spéculatif ? 

Il n’aura pas fallu 6 mois à François Hollande et Jean-marc Ayrault pour le comprendre tellement leur impuissance sociale démocrate a éclaté en mille morceaux de désillusions devant les plans sociaux boursiers. Ils devaient alors choisir entre le socialisme et une fiscalité directe et progressive favorable aux salariés ou le capitalisme et sa version indirecte et individualiste de l’impôt favorable aux entreprises spéculatives. Alors ils ont accédé à toutes les demandent des “geonpi” car leurs exigences d’enrichissement personnels étaient légitimes. Alors ils ont accédé aux revendications des patrons du CAC 40 car leur puissance semblait trop effrayante. Ils ont, le 6 novembre 2012, déclaré la mort du parti socialiste et donné naissance à un nouveau parti capitaliste.

Sydne93



17 réactions


  • Croa Croa 8 novembre 2012 16:22

    à partir de maintenant,
    La chrysanthème remplace la rose.

    Bien vu ! smiley


  • frugeky 8 novembre 2012 17:08

    Ils viennent de découvrir Friedmann et l’école de Chicago alors ils appliquent, ils appliquent...

    Sont tenus par les couilles mais qui les leur tient et quels sont les moyens de pression ? Se sont fait filmer dans des situations vilaines ? Parce que, quand même, ce sont des gens relativement éduqués, pas plus bêtes que moi et, en plus, s’ ils ont fait le choix de s’investir dans la politique, je suppose que c’est pour servir (et être servis mais c’est une autre histoire) à une majorité de personnes, non ? Alors c’est qu’ils se sont fait coincer, piéger,dans des situations que la loi réprouve, je ne vois que ça.

    • Croa Croa 8 novembre 2012 18:19

      Ils ont dû faire Sciences-po !

       smiley Moule garanti !  smiley


    • saratogagy 9 novembre 2012 14:26

      Ils sont malheureusement choisis, influencés, sponsorisés par des groupes informels pour tous penser à peu près la même chose. Et ils font semblant de s’opposer sur des détails. D’ailleurs quand je dis semblant je vais outre. Car en fait je ne crois pas qu’ils font semblant je crois que leurs horizons politiques est tout simplement étriqué.
      http://www.u-p-r.fr/actualite/france/le-mythe-du-gouvernement-denarques
      De plus ils acceptent tous le dogme européiste, donc il ne peuvent pas décemment faire de politique de relance ou du protectionnisme, puisque les traités et les marionnettes de Bruxelles sont des ultra-libéraux. Et quand je parles de marionnettes, je parle de la commission pas du parlement.
      La BCE se targue d’être indépendante, oui mais indépendante de qui, indépendantes des peuples ; mais pas de Goldman Sachs.
      Voilà le drame il faut retrouver la démocratie, sortir de l’UE par l’article 50 et faire respecter notre constitution qui faisait du président le garant de l’indépendance nationale. Et le jeu de la gauche et de la droite pourra enfin s’exercer normalement. Les français trancheront.
      Aujourd’hui ce n’est plus possible car la souveraineté de la nation a été retirée au peuple français (et aux autres peuples européens).


  • jpm jpm 8 novembre 2012 17:31

    L´article manque un peu d´objectivité car les socialiste ont justement essayé de rétablir cette fameuse progressivité de l ´imposition, notamment pour les revenus du patrimoine. Ils ont également renforcé l´impôt sur les successions, excellent moyen de réduire un peu les injustices dues à la naissance.

    Alors évidemment pour certains ce n´est pas assez.... et la méthode est souvent brouillonne, mais on ne peut pas leur dénier cet effort.

    Par ailleurs, l´augmentation de la TVA restera mimine pour des foyers modestes qui ne feraient pas de travaux dans leur logement ni ne mangeraient au restaurant, se contentant de cuisiner des produits de base pour lesquels la facture serait finalement réduite.

    Ce qui est dommage par contre, c´est d´avoir remplacé l´allègement des charges qui auraient pu profiter à l´employeur (pour la part patronale) et à l´employé (pour la part salariale), par un crédit d´impôts différé qui ne profitera probablement qu´aux actionnaires. Ce n´est pas cela qui va encourager les petits entrepreneurs à développer l´emploi ni compenser le manque à gagner du pouvoir d’achat pour les employés.


    • foufouille foufouille 8 novembre 2012 18:03

      pour la TVA a 20%, il y a pas mal de chose dedans
      regardes ton ticket de caisse
      EDF
      le bois de chauffage passe a 10
       


    • colza 8 novembre 2012 18:41

      @JPM
      Vous croyez vraiment que la baisse de 0.5% sur les produits notamment alimentaires va être répercutée ?
      Comme la TVA sur la restauration ?
      En outre, vous renvoyez les gens modestes à leur plat de pâtes, ce n’est pas charitable...


    • jpm jpm 8 novembre 2012 18:57

      Probablement la baisse de 0,5% sur les produits de base sera répercutée de la même façon que la hausse de 0.6% sur tout le reste smiley Je ne sais pas si je suis charitable... mais je n´aime pas lorsque l´on tire sur l´ambulance... ce gouvernement essaye, maladroitement peut être, de rétablir les finances publiques, qui permettent justement aux plus faibles de survivre. Alors évidemment ca sera un peu plus dur pour beaucoup de monde... mais bon, hormis le prix du bois (que je ne connais pas car je l´ai gratuitement et surtout je me chauffe à la géothermie), ca sera peut être l´occasion pour beaucoup de revenir aux produits de base afin de compenser la baisse du pouvoir d´achat sur les autres dépenses.


    • Pingouin094 Pingouin094 9 novembre 2012 15:25

      Il me semble que dans la France du XXIème siècle, on est en droit d’espérer que les besoins en terme de consommation d’un ménage « modeste » ne se réduisent pas à manger, se chauffer et s’éclairer sous un toit pour dormir (mais mal isolé, cf. la loi sur le logement refusé par les communistes et l’augmentation de la TVA pour les travaux dans le bâtiment).


      Le ménage modeste à le droit de manger autre chose que des pâtes. Dans la France du X il a le droit de s’acheter une télé, un téléphone portable, des vêtements, des meubles ... toutes choses qui verront une augmentation de 0,4%. Il a également le droit d’aller au restaurant. Peut être pas dans un restaurant 3*, mais il me semble que la clientèle de MacDo, des Kebab ou du café de la gare, en général, c’est plutôt assez modeste ...

      Donc bien sûr que la TVA va toucher les ménages modestes.

  • leypanou 8 novembre 2012 17:52

    @auteur :

    Il n’y a qu’à se rappeler de combien étaient les contributions de l’Impôt sur les Revenus il y a quelques années et combien elles sont maintenant. Et la « gauche » n’a rien à envier à la droite concernant ce basculement, surtout quand L Fabius était ministre de l’Economie et des Finances.

    Pour aller dans votre sens, il faut aussi se rappeler que le programme du Front National, entre autres, contenait la suppression pure et simple de l’impôt sur le revenu.

    Enfin pour finir, avoir mis P Moscovici comme ministre de l’économie et des finances, un strauss-khanien notoire, cela veut dire ce que cela veut dire. L’autre, avec son ministère de l’économie sociale et solidaire fait presque pitié.

    Cela fait très longtemps que la direction du PS n’a plus rien de progressiste, sur les domaines importants (économie, éducation, santé, sytème de retraite...). Les grands bruits faits sur le mariage homo, et autres votes des étrangers aux élections locales ou encore la petite avancée qui consiste à laisser partir à la retraite à 60 ans ceux qui ont assez cotisé ne sont que l’enfumage d’une majorité qui n’a plus rien à envier à la droite concernant les régressions sociales et les privatisations qui se mettent en place.


  • curieux curieux 8 novembre 2012 19:15

    Je ne pense pas que c’est durant ces 6 derniers mois que le PS a changé. Il savait avant, sinon c’était des incapables. Ce qui justifie mon appellation : Hollande est mort, le « fromage puant » est arrivé.


  • TSS 9 novembre 2012 00:24

    Il etait très facile de retablir le budget et les finances ,il suffisait de ramener les 10 points

    de PIB passés du travail à la rente ,en gros entre 150 et 180 milliards... !!


    • philippe913 9 novembre 2012 15:07

      et comment on les ramène, ces 10 points ?


    • Pingouin094 Pingouin094 9 novembre 2012 15:28

      Pour ramener les 10 points :

      * On supprime ou du moins on réduit très fortement tous les systèmes d’exonérations ou de réductions de charges sociales aux entreprises,
      * On instaure enfin une taxe sur les transactions boursières
      * On s’occupe des dizaines de milliards de fraudes aux cotisations sociales des employeurs en priorité (d’efficacité) au quelques milliards de fraudes aux allocations sociales des salariés.

      En tout, ça fait largement les quelques dizaines de milliards que recherche l’état ...

      Pour plus de détail, lire le programme du Front de Gauche, si vous ne l’avez pas fait il y’a 6 mois. Il n’est jamais trop tard.

  • JohnS 9 novembre 2012 13:21

    C’est une évolution normale, un parti Socialiste ou Communiste est un véritable anachronisme dans un monde évolué où les citoyens sont libres et éduqués ! Tant que la misère ne revient pas étant donné que c’est leur fond de commerce..


    • Pingouin094 Pingouin094 9 novembre 2012 15:30

      L’anachronisme, il me semble que c’est plutôt le retour de la misère.


      Retour de la misère en Grèce, mais aussi en France (cf. le dernier rapport du secours catholique). Et qui est responsable du retour de la misère ? Le système libérale, voir capitaliste.

      Ce qui est anachronique aujourd’hui, c’est le capitalisme qui n’en peut plus de sa crise financière.

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