mardi 5 juillet 2016 - par Pale Rider

Le Poulidor de la politique

La France aime bien les 2e. Michel Rocard appartient désormais à l’Histoire de notre pays, dans la lignée de ceux qui n’auront jamais été en première position pour être demeurés « trop » intègres.

Il n’a jamais gagné le Tour de France, mais à plus de 80 ans, il est toujours vivant, bon pied bon œil – cherchez pourquoi. Comme Raymond Poulidor, Michel Rocard, qui nous a quittés le 2 juillet 2016, n’a jamais accédé à la toute première place parce qu’il aura, jusqu’au bout, refusé de se compromettre ; il a gardé son intégrité avec ce qu’il en coûte de dire la vérité, ce « parler vrai » qu’il a sans doute hérité de Mendès-France et que d’autres ont caricaturé en parler brutal. Sa liberté de parole est restée intacte, et iconoclaste comme il se doit pour un protestant. Cet homme de valeur avait des valeurs. Il faisait partie de la race de ce qui est en passe de devenir un oxymore : un homme politique honnête. On en veut pour preuve que, jadis, François Mitterrand, pour le torpiller aux élections européennes de 1994, ne trouva rien de mieux que de lui opposer… Bernard Tapie. L’hommage du vice à la vertu. Rocard n’a jamais trempé dans aucun scandale. Cet ancien Premier Ministre est à l’origine de plusieurs réformes qui ont tenu le coup au travers de différents régimes. Ancien opposant à la guerre d’Algérie, il sut, en 1988, éviter le bain de sang en Nouvelle-Calédonie avec le concept d’indépendance-association si intelligemment mis au point avec Edgar Pisani, autre homme d’État électron libre disparu quelques jours avant lui. Comme le disait François Bayrou sur BFM-TV, Rocard, c’était « une part d’idéal aux prises avec le réel. »

Bon et fidèle serviteur…

 On aimerait vieillir comme il a vieilli, toujours sur le pont, toujours prêt à mettre son grain de sel dans un marigot politique devenu saumâtre. Ce fut une vie bien remplie. Comme l’écrit Caroline Galactéros dans Le Point, « faire œuvre utile, c’est tout Rocard ». Respectable, il aura suscité le respect, peut-être même celui du Président qui l’avait gardé trois ans comme Premier Ministre, c’est-à-dire beaucoup plus longtemps que les six mois d’« inconsistance » qu’il avait prévus.

 Homme coriace, rusé, toujours avec un brin de malice au coin de l’œil, Michel Rocard savait, comme en a témoigné Martine Aubry, être drôle et reconnaître ses erreurs. C’est pourquoi il était possible d’être son adversaire sur le plan des idées sans être pour autant son ennemi. Nous voilà privés d’un être rare dont les qualités humaines et politiques laisseront une trace durable dans l’Histoire de France.

 Agnostique, il a laissé un testament où, en substance, est stipulé : un culte est possible. Au seuil de l’éternité, il s’est peut-être dit que le ciel n’est pas aussi vide que ça. Toujours est-il que, en dépit de son incroyance ouvertement reconnue, Michel Rocard aura fait honneur au protestantisme par son exigence éthique, ce qui, en ces temps de compromission, est un beau témoignage.

 

Les plus jeunes ne savent peut-être pas que François Mitterrand, agnostique et assez anticlérical, avait inséré dans son testament une phrase tout à fait exquise sous sa plume : « Une messe est possible. » Il en aura eu deux !



9 réactions


  • Abou Antoun Abou Antoun 5 juillet 2016 11:25

    dans la lignée de ceux qui n’auront jamais été en première position pour être demeurés « trop » intègres.
    Votre définition de l’intégrité : « Faire le grand écart » ?


    • Pale Rider Pale Rider 5 juillet 2016 14:22

      @Abou Antoun
      C’est savoir risquer d’avoir tort, ce qui est arrivé plus d’une fois à Rocard.
      La plupart des politicards, eux, font semblant de ne jamais se tromper. Ainsi, Valls et Macron qui se réclament de Rocard, ce serait hilarant si ces deux affreux jojos n’étaient pas en train de nous précipiter dans le mur tout en nous assurant qu’en dehors de leur khomri, point de salut.


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 5 juillet 2016 11:48
    « Bon et fidèle serviteur… »

    Ca, c’est la définition de ce que devrait être tout fonctionnaire, quelle que soit sa catégorie.
    Il aurait d^rester inspecteur des finances.
    Il ne se serais pas discrédité.
    Mais personne (ou presque) ne l’aurait connu.
    Or, le moteur des zélus, c’est le narcissisme, l’hypertrophie de l’ego, le besoin d’être aimé.
    Ils compensent leur impuissance à agir sur le monde réel en convoitant les leviers du pouvoir qui ne permettent rien d’autre que de jouer des influences et pratiquer un certain népotisme, monochrome, multicolore ou noir et blanc !

    • mmbbb 5 juillet 2016 13:22

      @Jeussey de Sourcesûre Vous êtes un peu sévère , Rocard n’était pas le pire. Quoi qu il en soit en France nous traînons les mêmes politiques sur 40 ans Ils sont issus du même moule hormis quelques uns comme Tazief, Curien Schwartzenberg. Le pere de rocard etait physicien, Michel appartient à une lignée intelligente. Les francais ont la classe politique qu ils méritent. La prochaine élection le confirmera.


    • Pale Rider Pale Rider 5 juillet 2016 14:25

      @Jeussey de Sourcesûre
      Pour info, ministre signifie étymologiquement serviteur. Que Rocard ait été le premier de ces serviteurs n’est pas si déshonorant. Quand on voit l’absence de pensée et l’absence d’éthique qui nous gouvernent actuellement, on mesure que sous Rocard, ce n’était pas si mal.
      D’ailleurs, si Pisani a accepté de travailler avec lui, cela en soit vaut hommage.


    • Phoébée 5 juillet 2016 16:54

      @mmbbb
      Le père de Rocard était physicien nucléaire branche Armée. Il circulait dans des avions militaires pour des raisons très professionnelles, comme transporter ses ’ Escort Girls ’ ....

      Il aura toujours méprisé son fils Michel d’être entré en politique ... Ce vieux con protestant aura pourri la vie de Michel pour que ce dernier nous pourrisse l’existence .

      Belle famille !


  • troletbuse troletbuse 5 juillet 2016 11:48

    J’avais dis de lui :« La vieillesse est un naufrage ». Sur la fin, il ne savait plus trop ce qu’il disait.Il était de tous les partis. Et il nous a laissé un magnifiaue cadeau : ! Manouel Valls


  • go fast (---.---.70.136) 5 juillet 2016 11:56

    Joli hommage, et qui sonne juste. Des trente dernières années, Rocard fut à mes yeux le meilleur chef de l’exécutif. Dommage qu’aucun homme politique de valeur ne paraisse émerger pour les prochaines années.


  • soi même 5 juillet 2016 14:03

    Franchement pour le départ du tour votre interrogation fait que vous êtes un grand nostalgique des actes manqués... !


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