samedi 23 août 2008 - par Céline Ertalif

Le service minimum d’accueil dans les écoles est relégué

Sous couvert de modernité, le droit d’accueil dans les écoles promu par le Président Sarkozy qui agite l’opinion avec zèle, montre la situation pitoyable de l’administration de la République. Un simple examen de la méthode et du contenu de la loi du 20 août 2008 dénonce une gestion du personnel archaïque, des parlementaires sans autorité et une confusion des pouvoirs entretenue contre toute ambition de modernisation par la décentralisation.

	 	 	 	 	 	

Le journal officiel du 21 août a publié la loi n°2008-790 « instituant un droit d’accueil pour les élèves maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire » qui entrera en application le 1er septembre 2008.

Plusieurs précisions ont été apportées par le Législateur après l’annonce de principe faite par le Président de la République au cours du printemps. D’abord le nouvel article L133-1 du code de l’Education indique que ce service minimum ne concerne pas que les grèves, mais toutes les absences d’enseignant. Cet article paraît plus déclaratif qu’autre chose puisque tout le reste de la loi porte sur le droit de grève et que l’Etat reste maître d’oeuvre du service minimum, sauf en cas de grève.

L’article L133-2 prévoit une prévention des conflits. Vu l’état du dialogue social dans l’Education Nationale, bon courage !

Le maire met en place le service minimum lorsque 25% ou plus des enseignants font grève et c’est le maire qui informe les familles des modalités d’organisation du service d’accueil par la commune. L’article L133-7 prévoit que le Maire propose « une liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil ». C’est une sorte de liste d’agrément puisque les services académiques vérifieront que les personnes proposées « ne figurent pas dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes » et qu’il n’est pas question que les collectivités interrogent directement le casier judiciaire.

L’Etat verse une compensation financière (L133-8) qui a été revue à la hausse par rapport à la pratique inaugurée en janvier dernier, et la responsabilité administrative de l’Etat est substituée à celle de la commune (L133-9). Des dispositions similaires sont prises en faveur des organismes de gestion des écoles privées sous contrat chargés de la même mise en oeuvre que les communes pour les écoles publiques.

Quelles conclusions en tirer ?

  • Sur le plan 	matériel, les principales revendications des collectivités 	territoriales ont été satisfaites : revalorisation de 	la compensation, et prise en charge de la responsabilité 	administrative par l’Etat ;

    	

  • Sur le plan de 	l’organisation, une clarification très incomplète a 	été faite avec l’obligation de fournir une liste de 	personnes pour assurer le service « en veillant à 	ce qu’elles possèdent les qualités nécessaires 	pour accueillir et encadrer des enfants ». Formule 	creuse jusqu’à ce qu’un juge définisse les « qualités 	nécessaires ». Ainsi les élus locaux, 	élus du suffrage universel, vivent-ils en permanence sous la 	férule de quelques hauts fonctionnaires, juges administratifs 	et conseillers d’Etat, qui peuvent imposer leur jurisprudence 	n’importe quand.

    	

  • 	Sur le plan du principe, quel que soit le nombre d’élus locaux 	parlementaires on peut marcher sur le ventre des élus locaux 	tant qu’on veut quand le Gouvernement veut faire aboutir un projet. 	« Si demain les éboueurs de ma commune sont en 	grève, je ne vais pas aller demander aux instituteurs d’aller 	ramasser les poubelles. C’est une question de principe. » 	avait déclaré Jacques Pélissard, président 	de l’Association des Maires de France (AMF). On constate que le 	Président de la puissante AMF est la 5ème roue du 	char.

La loi prévoit une évaluation au bout d’un an. Il reste de fait quelques incertitudes : comment savoir si les personnes figurant sur la liste transmise à l’académie par le maire seront disponibles et même d’accord pour effectuer le service d’accueil ? Et si le personnel municipal fait lui aussi grève, de quel encadrement disposeront les personnes chargées de l’accueil ? Le problème est particulièrement évident dans les écoles maternelles. En un mot, le « droit d’accueil » est affiché mais le service n’est pas tout à fait garanti.

En revanche, de cette loi, on peut dégager une douloureuse certitude : 25 ans après les grandes lois de décentralisation, on entretient toujours la confusion des pouvoirs, la décentralisation est un échec. L’Etat est tellement persuadé de son incapacité à gérer sa plus grande administration nationale qu’il a été incapable de simplement penser à assurer par lui-même le service minimum d’accueil dans les écoles. Malgré la logorrhée libérale, on nous promeut un "droit d’accueil" tel un état-providence venu du passé et l’on oublie totalement de "mobiliser les énergies" des parents d’élèves que, dans un grand nombre de cas, les communes vont proposer de salarier avec leur compensation financière. Submergé par sa propre inaptitude à gérer son personnel, incapable de favoriser l’organisation des responsabilités locales, l’Etat ne délégue pas, il relègue ses problèmes.



16 réactions


  • Céline Ertalif Céline Ertalif 23 août 2008 10:23

    Le texte du chapeau est incohérent, et je ne ne sais pas comment on corrige quand on a eu le malheur d’appuyer sur la demande de publication un peu trop tôt. Correction :

    Sous couvert de modernité, le droit d’accueil dans les écoles promu par le Président Sarkozy qui agite l’opinion avec zèle, montre la situation pitoyable de l’administration de la République. Un simple examen de la méthode et du contenu de la loi du 20 août 2008 dénonce une gestion du personnel archaïque, des parlementaires sans autorité et une confusion des pouvoirs entretenue contre toute ambition de modernisation par la décentralisation.

    Voilà, ça va mieux comme ça. Avec mes excuses.


  • TALL 23 août 2008 11:42

    Bonjour Céline

    Sorry pour le nouveau pict, mais l’ayatollah morice n’aimant pas mon chapeau, j’ai été viré pour la x ème fois d’avox ( dur, dur... smiley ), et donc, bon prince, j’ai pris un autre pict qui, je l’espère, sera ressenti comme + sympathique. smiley

    Bon, + sérieusement, en ce qui concerne ton billet, je peux te confirmer qu’on observe le même mode de dérive ici en Belgique. A savoir, l’état qui fait de très jolies lois sur papier, puis qui délègue leur exécution pratique à des intances à qui il ne donne pas les moyens budgétaires de faire leur boulot.
    Et c’est grave !

    Le pire, c’est qu’ici ça concerne même la justice. Exemple : l’énorme scandale des IPPJ qui sont censés remplacer la prison pour les mineurs. Très joli sur papier, mais dans la pratique, faute de places et de personnel, tout bêtement, l’impunité est quasi certaine pour l’immense majorité des délits commis par des mineurs ( 18 ans chez nous ). Je ne te raconte pas les conséquences.... Il y a des bandes de jeunes qui s’entretuent carrément ici, comme dans les films américains.

    Bref, cette technique du politique qui consiste à se frotter les mains en transférant le problème sur d’autres est effectivement importante à dénoncer, sous tous ses aspects.

    A +


  • K K 23 août 2008 12:05

    Merci pour cette analyse. Ce problème de délegation de pouvoir sans transfert des financements ou des moyens est hélas une nouvelle habitude de l’Etat depuis quelques années. On l’a vu aussi avec les routes nationales etc...


  • Daniel Roux Daniel R 23 août 2008 13:29

    Voulez vous suggérer que nos élus sont des guignols qui ne connaissent rien à rien ?

    N’est-ce pas les parlementaires qui ont voté cette loi ? Bigre ! De l’anti-parlementarisme de votre part, voilà ce qui me surprend beaucoup.

    Blague à part, vous avez raison. La décentralisation est un échec. Les gouvernements successifs s’en servent pour transférer de plus en plus de charges, notamment les plus impopulaires, en prenant bien soin de ne pas les compenser. Du coup les impôts locaux augmentent et le gouvernement hurle à la mauvaise gestion des régions par les socialistes. Infantile !

    Remarquons qu’il s’agit de la même technique que celle utilisée pour saborder la Sécurité Sociale. On pique dans la caisse puis on dénonce le déficit.







    • Céline Ertalif Céline Ertalif 24 août 2008 00:32

      Oui, alors les 2 premiers paragraphes de Daniel R, c’est du "private joke".

      Pour le reste, il y a effectivement la confiance limitée que l’on peut accorder à l’Etat pour la redistribution des moyens qui vont avec la compétence rétrocédée. Le scepticisme est généralisé chez les élus, toutes tendances confondues - surtout quand ils ont de l’expérience ! Mais cet aspect n’est pas le centre de mon propos : le problème le plus fondamental, c’est que nous sommes en présence d’un foutoir. La stratégie est déterminée d’en haut pour des raisons de court terme, on met les parlementaires sous tutelle de quelques distributeurs de fonds et de postes, et on ne construit plus rien de cohérent pour, simplement, administrer le territoire.


  • Pirate17 Pirate17 23 août 2008 16:11

    Un article tout à fait pertinent. Merci...


  • tvargentine.com lerma 23 août 2008 22:06

    Franchement quand vous dites que la décentralisation est un echec ,vous demontrez le peu de connaissance que vous avez de la décentralisation

    Allez donc demander à vos élus de droite,de gauche et du centre et ils vous expliqueront la décentralisation

    La décentralisation est une réussite mais entre l’Etat et les régions il doit exister un interet général et non politique

    Nous l’avons vu avec les transports ou Jean Paul Huchon n’a fait aucun investissement et vient de les débloquer à 18 mois des élections régionales !

    De plus les régions ne veulent pas récuperer les fonctionnaires (Etonnant car les régions sont à majorité socialiste !) et elles n’arrêtent pas d’embaucher des fonctionnaires locaux au lieu de faire appel à la sous traitance de prestataire de service

    Nous avons donc des couches administratives qui se superpose et qui constitue un cout pour le contribuable

    Concernant la loi sur la garde des enfants,c’est une tres bonne loi et concernant vos éboueurs ,même dans des villes communistes,ce sont des sociétés privées qui ramassent les ordures !

    Votre article est digne d’une militante de la lcr,mais pourquoi ne l’inscrivez pas sur votre cv,auriez vous honte ?



    • Céline Ertalif Céline Ertalif 24 août 2008 00:17

      Est-il bien vrai ce Lerma, en vrai ? On se pince toujours un peu quand on y songe.

      La recommandation pour la LCR m’a mise en joie. Je suis chez les Verts, au cas où quelqu’un voudrait savoir. Ce genre de recommandation m’a rappelé la petite histoire vraie d’un individu enthousiaste, mêle-tout et un peu embarassant qui s’était présenté un jour pour adhérer à l’UDF. Le député de ce coin de Bretagne, qui a été secrétaire d’Etat ou ministre 2 ou 3 fois, a réussi à le convaincre d’adhérer... au RPR ! Le député n’a jamais regretté sa bonne action, même s’il a fallu ensuite un mandat pour se débarasser du personnage placé adjoint par un maire UDF de la circonsription qui avait besoin du RPR pour les élections. Finalement, notre homme eut les honneurs des journalistes de Strip Tease et cela contribua bien à mettre un point final à sa carrière politique. Lerma, allez donc voir l’UMP, que l’on sache s’ils vous prennent, s’il vous proposent le Nouveau Centre ou... peut être le Front National, et racontez-nous.


  • tvargentine.com lerma 24 août 2008 14:36

    Je ne peux que constater que j’avais raison,vous etes d’extrème gauche,dont nous savons tous (PS inclus) que vos idées ne sont pas inapplicables et non crédibles et que votre méconnaissance de la décentralisation vous amenez à raconter n’importe quoi

    Dans un débat ,il y a échange,vous,vous refusez de répondre car vous n’avez pas d’idées,juste de la contestation primaire du TSS

    La LCR est une organisation dangereuse ,c’est du fascisme rouge qui se radicalise et nous lisons bien que vous aimez ces fascistes rouges ! 


    • Céline Ertalif Céline Ertalif 24 août 2008 22:30

      Je refuse rarement de répondre dans une discussion. Encore faut-il qu’il y ait discussion, et que cela dépasse au moins un petit peu la provocation insultante. Vous me dites que je suis d’extrême gauche, c’est votre avis, et quand bien même, j’en ai le droit ! Et que je connais rien à la décentralisation : c’est avec ce genre d’affirmation ridicule que vous passez pour un rigolo. Désolée.


    • MKT 25 août 2008 09:23

      M. Lerma,

      Je vous remercie d’avoir attiré mon attention sur cet auteur.

      Votre opinion n’engage que vous, heureusement et j’aimerais que nombre de personnes ait son niveau d’incompétence en matière de politique locale.

      Je vous remercie aussi d’avoir attiré mon attention sur le site tvargentine.com dont vous seriez l’auteur. Cela est édifiant et vaut en effet CV.

      Bien à vous.

      MKT


    • MKT 25 août 2008 09:26

      Allons, à chose chose lerma est bon.

      Je viens de découvrir vos autre articles et je vais les lire avec attention.

      Bon courage et merci pour votre article.


    • MKT 25 août 2008 09:32

      Il faut lire : à quelque chose, lerma est bon.

      Fichues touches du clavier qui font pas ce qu’on leur demande.



  • Bistouille 14 septembre 2008 18:02

    Qu’est-ce que cela change au fond. Que ce soient des impôts nationaux ou régionaux, c’est toujours le citoyen qui paye. Ce qui compte avant tout, c’est que l’argent publique soit bien employé et quand je vois certaines régions qui dépensent sans compter l’argent du contribuable pour faire de la pub politique cela me dérange profondément.


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