vendredi 23 octobre 2009 - par
Légalité versus légitimité
Les actions de l’exécutif et celles du législatif s’inscrivent heureusement dans la légalité, même si la tentation de s’affranchir de certaines contraintes règlementaires est visible, particulièrement au plus haut niveau de l’Etat. Cependant force est de constater que l’orientation des nombreuses lois ou des décrets récents est contraire à bien des valeurs sociales ou civilisationnelles. Depuis plus de 2 ans, cette discordance est forte et constante. Ses implications politiques sont discutées dans cet article.
Lorsqu’en 2008, sur l’exigence de Monsieur Sarkozy, la majorité de la représentation parlementaire réunie en congrès à Versailles ratifie l’adhésion de la France au traité Européen de Lisbonne, elle réalise un acte légalement inattaquable, mais en opposition complète avec la société Française qui avait clairement rejeté cette adhésion par voie référendaire. De même, lorsque la représentation parlementaire vote une loi sur l’aide aux clandestins, qui permet aux autorités de police et de justice d’inquiéter tout citoyen qui aurait prêté assistance à des migrants sans papier en France, elle prend une disposition qui est légalement fondée, mais qui va à l’encontre de valeurs de civilisation ou humanitaire tel que le soutien aux plus démunis. Curieusement, cette disposition est aussi en opposition potentielle avec d’autres dispositions légales concernant par exemple la non-assistance en personne en danger. Dans le même ordre d’idée, le retour forcé par « charter » de migrants risquant la mort dans leur pays d’origine, en leur déniant parfois le droit de déposer des demandes d’asile, est non seulement humainement et moralement intenable, mais elle peut aussi être considérée comme illégale dans la forme, et au fond, puisqu’elle met directement en danger la vie des ces personnes. Moins grave - car non associé à un risque vital - mais tout aussi emblématique, la mise en place du bouclier fiscal et son maintien sont deux choix massivement rejetés par la société parce qu’ils concourent à l’enrichissement de la frange la plus favorisée de la population française aux dépens de la plupart des citoyens. Ces décisions ont en commun d’être légalement inattaquables et foncièrement injustes car contraire à l’intérêt collectif. La même remarque s’applique à la loi sur les successions, la réduction de la TVA dans la restauration, la réduction du périmètre des services publics et celle de leur capacité à rendre ces services, le manque de volonté de traiter la question des paradis fiscaux, le pouvoir des banques, etc. En bref, la politique actuelle, de type néolibéral, qui favorise, quelque soit le pays où elle s’applique, toujours les plus forts et les plus riches, et souvent les moins honnêtes, repose sur des décisions dont la légalité peut rarement être remise en cause mais dont la valeur ajoutée sociétale est négative en termes de fonctionnement, de cohésion, et de développement. On est donc obligé de poser la question de la légitimité des lois et décrets, surtout dans le contexte politique actuel dont plusieurs observateurs, toutes opinions politiques confondues, ont pointé la dérive clanique, antidémocratique, voire « vichiste » (1).
La légalité et la légitimité sont deux thèmes débattus depuis longtemps par les philosophes et les juristes (2). Une définition proposée par l’Encyclopédia Universalis stipule que « la légalité est d’abord le caractère d’un acte ou d’un fait qui est conforme à la loi. C’est aussi l’ensemble des règles juridiques applicables dans un pays donné à un moment donné ». La légitimité, selon le Petit Larousse est « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité ». Il faut donc se poser ici la question de ce qui fonde le droit. Sans rentrer dans des débats compliqués, on voit deux courants de pensée possibles s’opposer : l’un stipule que le droit se fonde sur le « droit naturel ». Ainsi, les droits naturels de l’homme sont des droits intimement liés à la nature de l’être est un humain, sans distinctions de races et de religion. Ces droits innées sont inaliénable par les autorités, y compris par l’Etat, quel qu’il soit. L’autre se fonde sur le « droit positif », ensemble de traditions, de coutumes et de règles d’origine souvent sociales, et par extension les règles produites par une société, au travers de ses représentants des plus obscurs jusqu’au sommet de l’Etat. Quelle que soit l’origine et la philosophie qui ont présidé à l’établissement des lois, leur légitimité est de façon constante appréciée à l’aulne de norme(s) supérieure(s) qui permet(tent) d’évaluer si ces lois sont justes ou non. On perçoit ici les risques associés à cet argument. Lorsque des islamistes radicaux refusent que leurs épouses se dévêtent devant des médecins hommes, ou que leurs filles se découvrent la tête à l’école, ils agissent contre la loi, en référence à une norme supérieure d’ordre théologique. Il en va de même pour les Chrétiens opposés à l’avortement, prêt à en découdre avec les services de santé pratiquant l’interruption de grossesse… Il s’agit là, cependant, de croyance d’un petit nombre de personnes qui ne constituent en aucun cas la normalité. Ces débordements ne correspondent en effet en aucun cas aux opinions majoritaires des Musulmans ou des Chrétiens. La légitimité se fonde donc sur un consensus d’une vision globale pour ne pas dire universelle de valeurs morales et éthiques.
La légitimité peut donc ainsi se trouver en contradiction avec la loi. Ainsi, le fait de défiler masquer peut vous valoir des poursuites judiciaires. Cette disposition est illégitime, car elle suggère de fait que des manifestants dont la grande majorité est pacifique (les plus énervés d’entre eux étant en plusieurs occasions des provocateurs, membres des forces de l’ordre) sont a priori des délinquants qu’il est nécessaire par avance d’identifier. De même, lorsque des employés dont l’entreprise a été rachetée puis revendue se retrouvent au chômage, qu’on leur propose de s’installer pour des salaires de misères en Roumanie voire en Inde, l’occupation des locaux et la séquestration des dirigeants, certes illégale, présente une légitimité certaine. Et pour revenir sur un exemple présenté plus haut, l’interdiction de l’aide aux migrants sans papiers, qui induit de par la loi la transformation d’un homme de bonne volonté en délinquant, est éthiquement et moralement indéfendable. Ces appréciations se fondent toutes sur l’injustice « naturelle » que constitue ces situations apprécié du point de vue citoyen. Ce dernier point est le plus important car il est celui qui distingue la légalité de la légitimité. Ne peut être en effet considéré comme légitime ce qui est injuste. Or si certaines lois sont injustes, elles deviennent donc illégitimes. Force est de constater que de nombreuses lois votés par la majorité UMP de l’Assemblée et du Sénat, et édictées sous la présidence de Monsieur Sarkozy sont bien illégitimes.
Notes et références
(1) En ce qui concerne la dérive clanique, on se rapportera aux multiples articles relatifs à l’affaire dite de l’EPAD (établissement public d’aménagement de La Défense) à la direction duquel la candidature de Monsieur Jean Sarkozy a été favorisée par plusieurs décisions ou concours de circonstances ne devant rien au hasard. On pourra aussi se rappeler le limogeage du responsable de la sécurité en Corse à la suite de l’occupation de la propriété de Monsieur Christian Clavier, grand ami du président de la République, qui avait fait dire à Monsieur François Bayrou, du MoDem, « ce sont des décisions arbitraires et disproportionnées et qui montrent à quoi on arrive quand les pouvoirs sont ainsi concentrés entre les mêmes mains, quand le copinage avec les puissants remplace la raison d’Etat ».
Les dérives antidémocratiques et anti-Républicaine actuelles ont été pointées du doigt par les femmes et hommes politiques aussi divers que François Bayrou, Ségolène Royal, Marie-Georges Buffet, et Jean Luc Mélanchon. Cette dérive avait également été pressentie et annoncée par Monsieur Nicolas Dupont-Aignan, gaulliste convaincu, dans son blog au moment même de la campagne électorale de 2007.
Le pétainisme et le vichisme du président de la République ont été dénoncés par le philosophe Alain Badiou, proche du parti communiste, dans son livre « de quoi Sarkozy est-il le nom ? » et explicité dans un de mes articles précédents : http://www.agoravox.fr/actualites/s...
(2) on pourra se référer aux textes de J-J Rousseau « le contrat social », et aux positions de philosophes tels Thomas Hobbes ou Kant, qui précise que même dans le cas où l’Etat viole le contrat social, "il n’est absolument pas permis au sujet de résister en opposant la violence à la violence. On pourra aussi lire les positions de juristes tels sur le droit naturel et le droit positif tel que Marcel PLANIOL (Traité élémentaire de droit civil, 1904).
La légalité et la légitimité sont deux thèmes débattus depuis longtemps par les philosophes et les juristes (2). Une définition proposée par l’Encyclopédia Universalis stipule que « la légalité est d’abord le caractère d’un acte ou d’un fait qui est conforme à la loi. C’est aussi l’ensemble des règles juridiques applicables dans un pays donné à un moment donné ». La légitimité, selon le Petit Larousse est « la qualité de ce qui est fondé en droit, en justice, ou en équité ». Il faut donc se poser ici la question de ce qui fonde le droit. Sans rentrer dans des débats compliqués, on voit deux courants de pensée possibles s’opposer : l’un stipule que le droit se fonde sur le « droit naturel ». Ainsi, les droits naturels de l’homme sont des droits intimement liés à la nature de l’être est un humain, sans distinctions de races et de religion. Ces droits innées sont inaliénable par les autorités, y compris par l’Etat, quel qu’il soit. L’autre se fonde sur le « droit positif », ensemble de traditions, de coutumes et de règles d’origine souvent sociales, et par extension les règles produites par une société, au travers de ses représentants des plus obscurs jusqu’au sommet de l’Etat. Quelle que soit l’origine et la philosophie qui ont présidé à l’établissement des lois, leur légitimité est de façon constante appréciée à l’aulne de norme(s) supérieure(s) qui permet(tent) d’évaluer si ces lois sont justes ou non. On perçoit ici les risques associés à cet argument. Lorsque des islamistes radicaux refusent que leurs épouses se dévêtent devant des médecins hommes, ou que leurs filles se découvrent la tête à l’école, ils agissent contre la loi, en référence à une norme supérieure d’ordre théologique. Il en va de même pour les Chrétiens opposés à l’avortement, prêt à en découdre avec les services de santé pratiquant l’interruption de grossesse… Il s’agit là, cependant, de croyance d’un petit nombre de personnes qui ne constituent en aucun cas la normalité. Ces débordements ne correspondent en effet en aucun cas aux opinions majoritaires des Musulmans ou des Chrétiens. La légitimité se fonde donc sur un consensus d’une vision globale pour ne pas dire universelle de valeurs morales et éthiques.
La légitimité peut donc ainsi se trouver en contradiction avec la loi. Ainsi, le fait de défiler masquer peut vous valoir des poursuites judiciaires. Cette disposition est illégitime, car elle suggère de fait que des manifestants dont la grande majorité est pacifique (les plus énervés d’entre eux étant en plusieurs occasions des provocateurs, membres des forces de l’ordre) sont a priori des délinquants qu’il est nécessaire par avance d’identifier. De même, lorsque des employés dont l’entreprise a été rachetée puis revendue se retrouvent au chômage, qu’on leur propose de s’installer pour des salaires de misères en Roumanie voire en Inde, l’occupation des locaux et la séquestration des dirigeants, certes illégale, présente une légitimité certaine. Et pour revenir sur un exemple présenté plus haut, l’interdiction de l’aide aux migrants sans papiers, qui induit de par la loi la transformation d’un homme de bonne volonté en délinquant, est éthiquement et moralement indéfendable. Ces appréciations se fondent toutes sur l’injustice « naturelle » que constitue ces situations apprécié du point de vue citoyen. Ce dernier point est le plus important car il est celui qui distingue la légalité de la légitimité. Ne peut être en effet considéré comme légitime ce qui est injuste. Or si certaines lois sont injustes, elles deviennent donc illégitimes. Force est de constater que de nombreuses lois votés par la majorité UMP de l’Assemblée et du Sénat, et édictées sous la présidence de Monsieur Sarkozy sont bien illégitimes.
Notes et références
(1) En ce qui concerne la dérive clanique, on se rapportera aux multiples articles relatifs à l’affaire dite de l’EPAD (établissement public d’aménagement de La Défense) à la direction duquel la candidature de Monsieur Jean Sarkozy a été favorisée par plusieurs décisions ou concours de circonstances ne devant rien au hasard. On pourra aussi se rappeler le limogeage du responsable de la sécurité en Corse à la suite de l’occupation de la propriété de Monsieur Christian Clavier, grand ami du président de la République, qui avait fait dire à Monsieur François Bayrou, du MoDem, « ce sont des décisions arbitraires et disproportionnées et qui montrent à quoi on arrive quand les pouvoirs sont ainsi concentrés entre les mêmes mains, quand le copinage avec les puissants remplace la raison d’Etat ».
Les dérives antidémocratiques et anti-Républicaine actuelles ont été pointées du doigt par les femmes et hommes politiques aussi divers que François Bayrou, Ségolène Royal, Marie-Georges Buffet, et Jean Luc Mélanchon. Cette dérive avait également été pressentie et annoncée par Monsieur Nicolas Dupont-Aignan, gaulliste convaincu, dans son blog au moment même de la campagne électorale de 2007.
Le pétainisme et le vichisme du président de la République ont été dénoncés par le philosophe Alain Badiou, proche du parti communiste, dans son livre « de quoi Sarkozy est-il le nom ? » et explicité dans un de mes articles précédents : http://www.agoravox.fr/actualites/s...
(2) on pourra se référer aux textes de J-J Rousseau « le contrat social », et aux positions de philosophes tels Thomas Hobbes ou Kant, qui précise que même dans le cas où l’Etat viole le contrat social, "il n’est absolument pas permis au sujet de résister en opposant la violence à la violence. On pourra aussi lire les positions de juristes tels sur le droit naturel et le droit positif tel que Marcel PLANIOL (Traité élémentaire de droit civil, 1904).