lundi 31 juillet 2017 - par

Lire Charles Maurras en 2017

à propos du « Petit dictionnaire maurrassien » de Stéphane Blanchonnet paru aux éditions Nouvelle Marge

Le talon d'Achille de nombreux mouvements, revues et publications se voulant en dehors du discours actuel est d'être encore beaucoup trop sensibles aux oukases idéologiques des arbitres des élégances politiques. Toujours et encore, la plupart en viennent à se justifier maladroitement, à se défendre d'être réactionnaires ou pire aux yeux des donneurs de leçons :

hédoniste ou anar de droite, et catholique, le pire pour eux (Nota Bene : je suis le tout et me fiche bien de l'anathème des bourgeois pédagogues).

 

Comme si finalement toutes personnes se présentant comme esprits indépendants admettaient encore la chape de plomb des idées bien pensantes pesant sur eux. C'est aussi que leur raisonnement politique n'est pas encore totalement abouti. Ils n'ont donc finalement que très peu de confiance dans leurs opinions encore par conséquent trop fragiles.

Ils ont avec ce livre un outil leur permettant de les consolider, quitte pour cela à se cultiver d'eux-mêmes par ailleurs sur tous les points les intéressant...

 

Évacuons tout de suite les reproches que l'on peut faire à Maurras :

son antisémitisme et sa conception fortement biaisée du catholicisme, très fortement teintée de positivisme.

 

Même si selon sa réflexion personnelle sa haine des juifs se justifiait, qu'un auteur se réclamant à ce point de la Raison s'y soit enferré jusqu'au bout est incompréhensible. Il avait également une conception très positiviste du catholicisme, instrument de maintien de valeurs morales, un simple outil dans lequel il n'a jamais entrevu aucune valeur spirituelle. Il ne remettait pas du tout en question tout l'héritage de la Révolution française, dans son « Histoire de France », Jacques Bainville souligne d'ailleurs combien l'évolution du pays dans les années 1790 ne fait que suivre des transformations déjà initiées par les rois.

Faut-il pour son antisémitisme s'abstenir de le lire ou de s'intéresser à ce qu'il écrivait ? Évidemment non. On respecte bien encore l'opinion et les discours d'anciens maoïstes et, ou staliniens. Maurras par l'Action Française, grâce également aux hommes de talent dont il a su s'entourer créait dans ce pays un bouillonnement intellectuelle d'idées politiques et esthétiques que l'on chercherait vainement aujourd'hui.

Y compris parmi ses héritiers supposés...

Le plus souvent il est catalogué à l'extrème-droite, et l'Action Française dans le même mouvement que les ligues fascitoïdes des années 30. C'est des plus réducteurs quand on sait que Maurras et Léon Daudet, ou Bainville, ont parfois défilé avec les anarchistes voire avec des syndicalistes sans y voir de contradictions avec leurs convictions. Cela n'empêchait pas de temps à autres de faire le « coup de poing » contre ces compagnons d'un défilé quand les désaccords refaisaient jour, et de frateniser malgré tout ensuite au café autour d'un verre de -bon- vin. Et ce mouvement a permis d'amener plusieurs générations issues de milieux populaires à la culture dont une culture politique solide et ouverte, ne se réduisant pas à quelques slogans et idées force simplistes, à un manichéisme de mauvais aloi.

Maurras préconisait afin d'atteindre le Bien Commun d'employer des solutions de bon sens glanées dans tous les camps politiques, ce qu'il appelait l'empirisme organisateur. Je ne suis pas certain que Macron qui est de l'héritage du bonapartisme le pratique contrairement à son affirmation du « ni de droite, ni de gauche ». Un de mes grands pères qui participait de ces idées maurrassiennes eut l'idée dans les années 60 afin de remédier à l'exode rural et à la paupérisation croissante du « lumpenprolétariat », de ce que l'on n'appelait pas encore la « France périphérique », de mettre en place dans l'Aisne et la Picardie un collectivisme agraire. Parce que c'était la meilleure chose envisageable pour les plus précaires.

Bien entendu, il se heurta au cynisme des plus riches et son idée généreuse ne se concrétisa hélas jamais...

Ce bouillonnement intellectuel engendré par Maurras et ses idées n'était en rien élitiste et par là-même sinistre. Ses valeurs n'étaient pas qu'intellectuelles, c'était aussi tout un art de vivre extraordinaire, le désir de goûter la vie chaque seconde et de participer d'un art de vivre que peu pratique encore de nos jours, l'époque étant au narcissisme : qu'est-ce qui fait que je me sente bien et intéressant, que j'aime bien mon reflet dans le miroir, que je sois plus « liké » que les autres sur les réseaux dits sociaux etc... 

Toutes choses qui auraient révolté Maurras qui n'eut de cesse d'exalter notre héritage méditerranéen...

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury – Grandgil

 

illustration empruntée ici




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