Macron 2 : chant du cygne pour l’oligarchisme ?
L’analyse de cette élection présidentielle est complexe. A première vue, la réélection de Macron, avec plus de 58% des voix exprimées, et 5 millions de voix de plus que Marine Le Pen, peut donner l’impression que rien ne peut changer, renforçant la résignation de ceux qui ont justement le plus intérêt au changement. Mais par-delà ce score, qui paraît élevé par rapport aux sondages, beaucoup d’éléments montrent au contraire que la fin du temps de l’oligarchisme pourrait être très proche.
L’oligarchisme arrive dans une impasse
Les scores du premier tour en eux-même sont inquiétants pour les tenants de l’oligarchisme (PS, Modem/ LREM et LR). Ils pesaient 65% des voix au premier tour en 2012, 50% en 2017, et à peine 34% en 2022. La chute est vertigineuse. Et l’ajout des Verts, dont on peut débattre, tant les ressorts de leur vote comportent une remise en question fondamentale de notre modèle économique, n’y change rien. Le bloc central s’effondre et s’est trouvé cerné en 2022 par deux blocs radicaux, à sa gauche, et à sa droite, quasiment du même poids. Même si la chute ralentissait fortement, le second tour de 2027 pourrait bien voir s’affronter deux radicaux. Le bloc central est en position de faiblesse, et on peut même se demander si, sans guerre en Ukraine, Macron aurait finalement simplement passé le premier tour…
D’ailleurs, si les législatives de juin s’avéraient être une forme de 3ème tour revanche des présidentielles, la position de la majorité ne serait pas si facile, d’autant plus que son soutien est très concentré, et ne maximise pas les gains de sièges. Néanmoins, tout dépendra ici de la capacité de LR à refuser d’entrée dans l’orbite de la macronie, de la capacité de rassemblement des deux pôles radicaux, et de la la mobilisation des électeurs opposés à Macron, dont on sait qu’ils peuvent être plus tentés par l’abstention. Mais, dans le cas où LR irait de manière indépendante, avec deux pôles radicaux rassemblés, et une forte participation, de revanche, alors, la majorité ne serait pas assurée pour Macron. Bien sûr, ce n’est pas le schéma le plus probable, mais sa simple existence montre qu’il a des pieds d’argile…
D’ailleurs, ses scores ne sont pas si brillants, même s’il maintient Marine Le Pen à distance plus respectable qu’anticipée. En effet, la candidate du RN a divisé par deux l’écart en 5 ans. Ensuite, avec un peu plus de 38% des voix des inscrits, Macron signe le score le moins élevé d’un président de la Cinquième République, après Pompidou en 1969, dont le duel était bien moins dramatique. Il ne récolte en réalité que 53,5% des voix des votants contre 37,9% à Marine le Pen et 8,6% de blancs et nuls. Enfin, on ne peut pas dire que les plus de 40% d’électeurs de Mélenchon qui ont voté pour lui au second tour sont des grands soutiens, ce qui relativise à nouveau la force du mandat qu’il a obtenu dimanche. Encore une fois, Macron est un président par défaut. Certes, il a été réélu, mais sans grand enthousiasme ou adhésion des Français. S’il gagne, c’est parce qu’il était face à plus repoussant que lui au second tour.
Même si elle y est parvenu outre-Mer, Marine Le Pen n’a pas réussi à fédérer les opposants à Macron, dont la majeure partie de l’aile gauche a préféré reconduire le président sortant ou s’abstenir plutôt que franchir le Rubicon décrété par les élites. J’ai tendance à penser qu’elle paie le prix de sa droitisation sur les sujets économiques, alors que le discours plus social qu’elle tenait jusqu’en 2017, qui faisait dire qu’elle avait le même programme que Mélenchon, avec revalorisation du SMIC, rééquilibrage plus fort de la fiscalité des plus riches et des multinationales, et défense plus marquée des services publics et des fonctionnaires, aurait pu changer la donne. De même, elle aurait sans doute gagné à être plus incisive face aux mensonges et aux attaques de Macron lors du débat du second tour. Même si elle vaut mieux que Macron pour moi, elle est loin d’être la candidate idéale pour nous sortir de l’oligarchisme.
Mais cette sortie pourrait bien approcher, car ce nouveau mandat ne sera pas de tout repos pour les tenants de l’olilgarchisme. A moyen terme, le contexte économique devient périlleux. Macron n’a connu que des vents finalement assez porteurs : même dans la crise économique liée à la crise sanitaire, il a pu dépenser sans compter, lui donnant le beau rôle. Mais avec la remontée des taux dans un contexte plus inflationiste, et dans un cadre européen calamiteux pour notre pays, l’austérité guette alors même que notre déficit commercial bat des records. Sans protectionnisme, ni monnaie nationale, l’équation économique de la France de Macron risque bien d’être sans solution et si une crise financière venait à survenir, ce que beaucoup d’indicateurs avancés semblent prédire, le choc serait dur pour notre pays.
Et l’équation politique de Macron n’est pas simple non plus. Il peut confirmer son penchant droitier pour tenter d’asphyxier définitivement LR, avec un Premier ministre qui en serait issue, mais cela pourrait braquer l’électorat de gauche qui lui a donné la victoire face à Marine Le Pen, ce qui pourrait le mobiliser aux législatives, … En outre, en penchant du côté des communautaristes dans l’entre deux-tours pour plaire à une partie de l’électorat de Mélenchon, on peut se demander s’il n’a pas durablement hypothéqué une partie de cet électorat. Mais de même, s’il continue à pencher légèrement à gauche, il laisse un espace politique à LR et il n’y a plus grand-chose à gagner sur l’électorat du PS... Voilà qui rend presque crédible l’option Bayrou, peu évoquée, et qui fait acte de candidature dans le Figaro.
En conclusion, même si le scénario de sortie de l’oligarchisme est tout sauf clair à date, celui de la crise finale de l’oligarchisme semble déjà écrit. Entre une équation économique insoluble, et les limites de plus en plus claires du « en même temps », Macron 2 pourrait être le chant du cygne des oligarchistes. Reste à espérer que le sujet fondamental du Frexit soit le catalyseur du changement.