Macron et l’UE : le retour du techno-fédéralisme n’est-il que tactique ?
Papier publié mardi par le FigaroVox
Lundi, Macron a prononcé un discours devant le parlement de l’UE. Il s’y est dit favorable à une révision des traités ainsi qu’à une extension du recours à la majorité qualifiée, idées loin de faire l’unanimité au sein des pays. Par-delà le positionnement tactique à l’égard des électeurs de gauche les plus favorables à l’UE, on peut craindre que cela reste une priorité de son nouveau mandat.
Errare humanum est, perseverare…
Il n’y avait pas que le spectacle de danse au parlement européen qui était étrange hier. Bien sûr, que les partisans de l’UE profitent du contexte actuel, guerre en Ukraine et réélection de Macron, pour tenter de franchir une nouvelle étape dans l’intégration de l’Union Européenne était assez prévisible. Mais le grand écart entre les discours des UE-lâtres et la réalité devient trop criant pour ne pas être choquant. Macron, c’est l’homme qui ne cesse de dire que nous avons eu de la chance d’avoir l’UE pour nous fournir en vaccins, alors même que la bureaucratie bruxelloise nous a fait perdre des mois par rapport à la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Cette construction byzantine a également accouché d’un plan de relance ridiculement tardif, chétif et complexe, imposant des contraintes à ceux qui le financent !
Dans le cas de Macron, on peut soupçonner que son offensive européenne a à voir avec le calendrier électoral. En effet, alors qu’EELV et le PS ont fini par accepter de se ranger sous la bannière de Mélenchon pour les législatives, on peut y voir une tentative de ramener à lui ceux de leurs électeurs qui sont les plus favorables à l’UE. Néanmoins, on peut aussi penser qu’il surestime l’attachement des Français à l’UE, qui y sont sans doute plus résignés qu’autre chose, et que ceux qui y sont les plus attachés, sont, logiquement, déjà ses électeurs. Mais par delà la posture, on peut penser que l’agenda « européen » pourrait bien être l’horizon indépassable de son second mandat. Le relatif vide de son projet pourrait être rempli par l’UE, comme pour le second mandat de Mitterrand (Maastricht) ou de Chirac (TCE).
Ce faisant, Macron suit le chemin pris par ses prédécesseurs, sans grande originalité. Au menu du président, un nouveau pas fédéraliste avec une avancée des prises de décision à la majorité qualifiée, ce qui reviendrait pour notre pays à accepter de se faire dicter des politiques que nous ne souhaitons pas. Ce faisant, il tient la même position qu’Ursula von der Layen, la président de la commission, qui souhaite l’abandon du vote à l’unanimité dans des « domaines clés ». Deuxième grande idée : parce que l’Ukraine ne pourra pas rejoindre l’UE avant longtemps, créer une nouvelle institution dont elle pourrait faire partie, une « communauté politique européenne ». Néanmoins, dans une Europe qui comporte déjà de multiples institutions, dans l’UE ou en dehors, la création d’un nouveau machin bureaucratique apparaît comme un coûteux gadget révélateur de la propension des technocrates à complexifier nos institutions.
Il ne faut pas sous-estimer la capacité de l’UE à faire un nouveau pas fédéraliste, malgré sa gestion ratée de la crise sanitaire, avec l’approvisionnement tardif des vaccins et son mini plan de relance. Bien des dirigeants occidentaux y sont favorables et Ursula von der Layen a démontré une capacité assez incroyable à prendre des initiatives en dehors de ses responsabilités, que ce soit sur la vaccination, ou l’interdiction de RT. Un contexte de crise, économique, pourrait créer un sentiment d’urgence apte à faciliter ce nouveau pas. Pourtant, rien ne démontre la pertinence d’un nouveau recul des souverainetés nationales, auquel la plupart des peuples s’opposent, ou l’intérêt de ces politiques taille unique qui finissent par ne satisfaire personne à l’échelle nationale, mais ne conviennent qu’aux intérêts de l’oligarchie.
Bien sûr, cette revision des traités est loin d’être garantie, 13 des 27 ayant déjà signifié au président français qu’ils y étaient opposés. Mais il ne faut pas sous-estimer les capacités de la bureaucratie bruxelloise et des dirigeants européens les plus partisans de l’UE dans leur détermination à faire avancer la machine folle que représente ce projet. La guerre en Ukraine offre un narratif facile, même si, au contraire, la proximité trop grande de l’UE avec les Etats-Unis accentue les tensions avec Moscou. Et dans un contexte économique assombri par la remontée des taux d’intérêt, qui pourrait déclencher une vague d’austérité dans les prochaines années, l’UE peut offrir à des dirigeants européens sans imagination, sans agenda et sans projet positif une forme d’échappatoire politique pour des citoyens en colère.
Mais ce calcul est très aléatoire, une constante avec Macron. D’abord, il n’a jamais montré une grande capacité à entrainer ses partenaires, sauf en leur faisant un gros chèque avec le plan de relance. Et les résultats du premier tour des présidentielles montrent clairement qu’il n’y a pas de majorité des citoyens pour soutenir un nouveau projet d’intégration de l’UE. Voilà pourquoi il sera critique de limiter le nombre de députés de la majorité en juin afin de ne pas lui laisser les mains libres sur l’UE et bloquer d’éventuelles révisions constitutionnelles nécessaires à une telle réforme…