mercredi 16 novembre 2011 - par Maurice

Mettons fin au déni

Paraît-il que la principale difficulté pour un toxicomane en rémission est d’accepter la réalité ou plutôt sa réalité, celle de son addiction. Prendre conscience de son état, du mal qui le ronge, est la première étape vers la guérison. Mettre fin au déni, et vivre à nouveau.

Voici le mal français, celui qui désagrège nos institutions, notre moral, et l’espoir que nous avons dans l’avenir. Nous refusons d’admettre l’immédiat et préférons vivre sur nos acquis, tâtonner dans l’obscurité, plutôt que de mettre en lumière les impasses actuelles, et prendre à bras le corps les problèmes qui nous gangrènent.

Le jeu des chaises musicales continue. L’empire financier anglo-saxon diffuse les chansons. Et à chaque fois que la musique scabreuse résonne à nouveau, de plus en plus de chaises sont retirées du jeu. Les participants irlandais, portugais, grecs, et italiens se sont déjà retirés de la partie. A qui le tour ? Il n’y aura pas de chaise pour tout le monde. En restera-il une à la fin ?

Les Etats du Vieux Continent sont en train d’être placés sous la coupe réglée d’intérêts supérieurs mondialisés. Notre addiction maladive aux crédits sous perfusion, entretenant pour un bref instant l’illusion d’une croissance acquise, a pour résultat une déliquescence totale de tout notre tissu productif, de nos forces vives, et de notre croyance en un avenir meilleur. Nos dirigeants « camés », sûrs de leur ligne politique, refuse de regarder la réalité en face et s’évertuent de gesticuler vainement. Les mesures et autres plans d’austérité engagés apparaissent comme un pansement sur une jambe de bois. Autant soigner un grand brûlé par de l’aspirine. Espérons au moins que l’effet placebo calmera l’ardeur des marchés, et nous fera passer le mois. Noël arrive, un miracle est toujours possible ! Voilà à quoi se résume l’état d’esprit de nos gouvernements. Pourvu que la Providence nous sauve ! Nos dirigeants cartomanciens voient dans le marc de café l’espoir d’un rebond. La taxe sur les sodas sera salvatrice !

Néanmoins, l’incompétence des membres de la classe politique pour remédier à la situation ne doit pas masquer le fait qu’ils sont parfaitement conscients de la réalité du pouvoir, et du processus décisionnel actuel. Ils savent pertinemment qui ordonne les politiques d’austérité actuelles, ils siègent avec eux à la Trilatérale, ou à Bilderberg. Ils ont succombé aux sirènes euro-atlantistes ultra libérales. Soit. Mensonge avoué, à moitié pardonné. Qu’ils aient le courage, l’honneur même, de servir leur pays et impulser un nouveau départ.

Au lieu de cela, le verrouillage institutionnel est d’autant plus féroce. Mario Draghi, Robert Rubin, Mario Monti, Marc Carney, Robert Zoellick, Henry Paulson, William Dudley, Antonio Borges, Lucas Papadémos… Tous des anciens banquiers notamment de chez Goldman Sachs, à la tête des institutions économiques et financières les plus influentes de la planète (Fed, BCE, FMI, Banque mondiale, gouvernement italien, gouvernement grec, gouvernement canadien…). Quoi de plus normal que de récompenser les bons petits soldats. La « crise » leur fait prendre du grade, de la respectabilité même. Il y a de quoi être déconcerté, voire affligé. Alors que la moralisation et l’encadrement du système financier est urgente, nous assistons à la prise de pouvoir totale de ces apôtres déments de la dérégulation à outrance, tous estampillés Lazard Brother, Goldman Sachs, JP Morgan et consorts. Nous subissons un coup d’état, sous couvert d’urgence nationale. Cette période restera dans les annales de l’histoire. Un putsch sournois, sans morts apparents. Les cibles ne sont plus les dépôts de munitions, mais l’esprit des citoyens. L’objectif n’est plus la conquête géographique, mais l’ingérence psychique. Faire accepter au peuple l’inacceptable. Défendre l’indéfendable. Bienvenue dans la guerre du XXIème siècle. Une guerre économique où les armes médiatiques, au service d’intérêts mondialisés, résignent les bonnes intentions et atrophient l’esprit critique, vecteur de changement.

Pourtant les alertes sont nombreuses, il n’y a qu’à se pencher un temps soit peu sur les curriculum vitae de tous ces technocrates « éclairés ».

Les précédents existent à foison, la France pourrait prendre exemple sur l’Irlande, l’Argentine, la Grèce, l’Italie, le Portugal…

Les informations, pour prendre la mesure du niveau de traîtrise et de perfidie atteint par certains, sont disponibles, pour autant que l’on se donne la peine de chercher mais surtout de s’intéresser. Car là est le plus grand des problèmes. Notre égoïsme nous pousse à être nombriliste, et à éluder le collectif. Cet individualisme empêche l’émergence de revendication légitime, et ce faisant, le sentiment d’impuissance s’entretient de lui-même pour devenir résignation. Cette résignation nous complait dans le déni, le refus de voir qu’un autre monde est possible. Un monde qui n’est pas celui de la rentabilité à court terme déshumanisée.

Des efforts seront nécessaires.

Nous ne pouvons continuer perpétuellement à vivre sur nos acquis, mais devons regarder l’avenir résolument.

Nous ne pouvons plus continuer à sacraliser l’argent facile, mais devons redonner toute sa splendeur à la sueur et au travail. Pour cela tout le système incitatif français doit être repensé.

Nous ne pouvons plus rester sans rien faire. Ils agissent sans impunité ? Inspirons leur de la crainte. Ils se croient tout puissants ? Faisons leur comprendre que nous ne les oublierons pas.

Le bateau français commence à sombrer, arrêtons le déni et prenons la mesure des choses. Ne laissons pas l’eau s’infiltrer, car nous coulerons avec notre clivage gauche-droite anesthésiant, et les rats auront depuis longtemps quitté le navire…

 

Pour aller plus loin 

http://livre.fnac.com/a3622611/Francois-de-Closets-L-echeance

http://livre.fnac.com/a2712010/Pierre-Noel-Giraud-Le-commerce-des-promesses

http://www.amazon.fr/20-ans-daveuglement-Economistes-atterrés/dp/2918597325

http://www.youtube.com/watch?v=mC9rpRa8zlw



3 réactions


  • Maurice Maurice 16 novembre 2011 11:56

    Source Le Monde d’aujourd’hui :

    "Le second projet de loi de finances rectificative (PLFR) de l’automne, résultant du plan d’économies Fillon du 7 novembre, devait être présenté, mercredi 16 novembre, en conseil des ministres. Dans l’après-midi, les députés devaient adopter en première lecture le projet de loi de finances (PLF) pour 2012.

    Dans un environnement économique mouvant, aucun de ces deux textes n’a été bâti sur une prévision de croissance crédible : ni le budget ni le nouveau collectif budgétaire, construit sur une hypothèse de progression du produit intérieur brut (PIB) de 1 % en 2012, alors que la Commission européenne table sur 0,6 % pour la France et juge l’Europe menacée par « une nouvelle phase de récession ».

    Nos dirigeants , sont de simples gesticulateurs, et plus on gesticule sur des sables mouvants, plus on s’enfonce...


  • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 17 novembre 2011 05:45

    "Nous ne pouvons plus rester sans rien faire. Ils agissent sans impunité ? Inspirons leur de la crainte. Ils se croient tout puissants ? Faisons leur comprendre que nous ne les oublierons pas."

    Tout à fait d’accord.
    Alors on fait quoi ?

    Pour ma part, je pense à une cybermanifestation de soutien aux OWS


  • Hélène 17 novembre 2011 06:33

    Résistons !
    http://www.u-p-r.fr/


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