dimanche 15 mars 2020 - par Michel DROUET

Municipales, la messe est dite ?

 

Avec 45.6% de participation pour le premier tour des municipales, nous venons d’assister à un accident industriel majeur du gouvernement Philippe.

L’injonction paradoxale : « restez chez vous mais allez voter »

Une double contrainte est une situation dans laquelle une personne est soumise à deux contraintes ou pressions contradictoires ou incompatibles. Obéir à un ordre, vous empêche d’obéir à un autre ordre. La forme la plus connue de double contrainte est celle de l'injonction paradoxale.

Dans ce domaine, Edouard Philippe a fait très fort samedi soir en annonçant toute une série de restrictions consistant en la fermeture d’établissements dits « sociaux » dédiés à la convivialité et à la rencontre, en conseillant aux français de rester chez eux tout en les incitants à aller voter. Comprenne qui pourra, étant entendu que malgré toutes les précautions prises, aller voter comportait toutefois des risques pour les électeurs.

Le Président de la République en a rajouté une couche aujourd’hui, comme pour blanchir son Premier Ministre, en disant « qu’il était légitime de pouvoir se déplacer pour aller voter ». Légitime, certes, mais prudent ?

Bien entendu, ces décisions ont été prises après avis du Conseil Scientifique et non pas sous l’autorité de ce conseil comme j’ai pu l’entendre.

Le résultat est là avec un effondrement de la participation électorale qui donne à ce premier tour une légitimité très contestable. Le décryptage des chiffres et des catégories d’électeurs qui se sont déplacés avec la mesure de l’impact par parti devraient alimenter les débats dans les prochains jours.

Pourquoi cette décision peut faire polémique ?

Il ne s’agit pas ici de critiquer les décisions prises par l’exécutif. Dans ce domaine il convient d’être modeste surtout si l’on considère que la situation très instable du pays en raison de l’épidémie de coronavirus nécessitait des prises de décisions légitimes et inédites.

Certains partis politiques entreront rapidement dans la polémique, d’autres, moins cyniques, n’en rajouteront pas.

Il est évident pourtant que la question de la légitimité des résultats de ce premier tour sera au centre des débats auxquels nul ne pourra se défiler étant entendu que les électeurs qui ne se sont pas déplacés pour voter, par prudence sanitaire, pourraient en faire grief au gouvernement en estimant que leur droit de s’exprimer dans les urnes aurait été confisqué.

Demain, il faudra sans doute évoquer une forme d’union nationale afin de sortir de cette situation dans laquelle on observe un effondrement majeur de la participation électorale et on attend que des décisions rapides soient prises.

Il ne fait pas l’ombre d’un doute, compte tenu notamment de la progression de la courbe (à l’italienne) du nombre de patients infectés et des morts, dans les prochains jours, que l’annulation du second tour des municipales et par conséquent de l’annulation complète de cette élection et de son report, constitue la meilleure réponse à ce que l’on pourrait appeler une bévue politique.

Alors, erreur (s) ou pas ?

Certes, gouverner c’est prévoir, mais parfois l’adaptation à des situations imprévisibles, même entouré des meilleurs conseils, relève de l’exploit. Pour autant, laissons la place à une analyse sans doute plus personnelle afin de savoir s’il y a eu ou pas erreur d’appréciation.

Personne n’est armé pour répondre de manière optimale à ce genre d’évènement, cependant on peut noter quelques couacs qui jettent un doute sur la gestion de cette période. Après plus d’un mois de crise et après avoir assisté à ce qui se passait en Chine puis en Italie, il est toujours impossible pour le quidam moyen de se procurer les fameux masques FFP2, seule mesure barrière efficace. Pire encore, ni les hôpitaux, ni les médecins de ville ne sont dotés en quantité suffisante de ces protections et des autres masques (dits chirurgicaux). Enfin, pas question de trouver de la solution hydro alcoolique en pharmacie.

Cela pose sans doute la question de la capacité à produire ces éléments en France, compte tenu en particulier des fameuses « chaînes de valeur », expression du néolibéralisme qui réfléchit avant tout en termes de profits.

Il y a aussi ce silence assourdissant sur le rôle tenu par les cliniques et Hôpitaux privés dotés de moyens de réanimation dans la gestion de cette crise, et dont on ne sait absolument rien. Ces établissements vivent aussi grâce à la sécurité sociale. On peut craindre que certain services publics de réanimation sont ou vont être prochainement dans une « situation à l’italienne » (c’est-à-dire en burn out), pendant que le secteur privé continuerait à vaquer à ces occupations habituelles. Aucune réponse sur ce sujet de la part des autorités…

Enfin s’agissant du maintien du premier tour des municipales, on peut se poser quelques questions.

Certes, à l’heure de l’intervention présidentielle de jeudi dernier, il était matériellement impossible de voter une loi par le Parlement reportant les élections, maintenant il ne fait aucun doute que l’exemple de l’Italie aurait pu éclairer une décision plus hâtive, à moins que Le Président n’ait pas voulu endosser une décision qui n’aurait pas manqué d’être critiquée avec, en plus, le soupçon de manipulation.

Reste que le maintien du premier tour, surtout après les déclarations anxiogènes d’Edouard Philippe, s’avère en définitive un fiasco électoral et politique, à moins que l’on ait voulu faire un coup à blanc en quelque sorte, tirer des enseignements sur les résultats, pour ensuite modifier un peu le cap politique (sur les retraites par exemple) et corriger la tendance dans un ou deux mois pour le parti présidentiel. Gouverner, c’est prévoir aussi les prochaines échéances électorales.

Mais tout cela n’est bien sûr que pure hypothèse…  




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