Nicolas Sarkozy ou le verbe contre l’intelligence
Si l’on veut bien analyser le contenu de l’ensemble des déclarations faites par Sarkozy ce 5 Février, je crois que l’on peut dire que jamais le verbe n’avait été à ce point un défi contre l’intelligence.
La parole est mesurée, le ton est compassionnel, mais le contenu du propos annonce la subversion totale de toutes les bases du contrat social sur lequel est construit la vie de millions de français.
Prenons comme premier exemple la formule aujourd’hui fameuse ’travailler plus pour gagner plus". Sous l’apparence de la simple démagogie, il y a en vérité une remise en cause radicale de tout ce qui fonde l’histoire des sociétés humaines depuis la révolution néolithique.
L’ histoire des hommes est bien le combat incessant pour gagner plus, c’est à dire produire plus de richesses, en travaillant moins. Les progrès dans les techniques agricoles, l’augmentation des rendements de la terre, la productivité croissante du travail ont permis l’émergence des villes, la division de plus en plus complexe du travail.
Dans l’histoire sociale récente,tout le combat du mouvement ouvrier a été celui pour la réduction du temps de travail et l’augmentation des salaires, il n’apparaissait choquant ou absurde à personne que la mesure du progrès social soit la concordance entre ces deux exigences, travailler moins pour gagner plus.
Que signifie la remise en cause de ce principe dans la France d’aujourd’hui sinon le renoncement à toute augmentation des salaires pour un temps de travail égal. N’importe quel salarié sait bien qu’il gagnera plus en faisant des heures supplémentaires,mais la vraie question est de savoir si son salaire moyen lui permet encore de lui assurer une existence décente.
Aux Etats-unis, les salariés constituent la majorité de ceux qui vivent dans la grande pauvreté, des millions de salariés doivent cumuler plusieurs emplois pour parvenir à un revenu décent, voilà le modèle social que nous propose M Sarkozy.
M Sarkozy,dans un grand élan social propose "le partage des bénéfices de l’ entreprise" entre les salariés et les actionnaires, mais enfin ce "partage" existe déjà et il se fait par le salaire versé au salarié, tout le reste n’est que du vent, la vieille tarte à la créme de la participation.
Il est un autre lieu où se fait ce partage, ce sont l’ensemble des charges sociales que doivent payer les entreprises et ces charges sociales ne sont rien d’autre qu’une fraction du salaire destinée à financer la protection sociale et les retraites. L’ existence de la Sécurité sociale, des retraites et des pensions reposent totalement sur cette fraction du salaire qui de droit et en totalité appartient à ceux qui vivent de leur travail.
Enfin si l’on considère la répartition de la richesse entre le capital et le travail, entre les revenus du travail et ceux du patrimoine, il apparaît clairement que dans la France de M Sarkozy, ce sont précisement ceux qui ne travaillent pas qui gagnent le plus et ceci avec des écarts qui n’ont rien d’ équivalent dans l’histoire des sociétés humaines.
M Sarkozy annonce comme une réponse à la crise la suppression de la taxe professionnelle, déjà adoptée depuis 2004 mais qu’aucun gouvernement n’a encore osé appliquée. Ainsi, au simple détour d’une phrase , comme une mesure ordinaire, est annoncée l’asphixie financière et la mort programmée de nos communes dont la moitié des recettes proviennent de cette taxe.
La taxe professionnelle,l’ancienne patente est un héritage direct de la Révolution française, son principe a été adopté par l’ Assemblée Constituante pour précisement donner aux communes les moyens d’exister. M Sarkozy veut faire le ménage dans le vieux fatras de nos institutions et il s’en prend à celles qui sont issues de la Révolution, celles qui ont fondé notre République, les départements et les communes, n’importe qui peut voir la signature du crime et son mobile.
Dans une formule qu’il a plusieurs fois répétée,M Sarkozy affirme "C’est à moi de protéger les Français", l’intention est aimable mais n’appartient pas tout à fait à la tradition républicaine. Ce qui protège les Français c’est avant tout l’existence d’un ensemble complexe de lois sociales, de garanties, d’obligations faites à l’ Etat, de garanties, de normes sociales et juridiques qui s’imposent y compris à nos gouvernants. En un mot, ce qui protège les Français, c’est l’existence d’un contrat social dont chacun des termes est aujourd’hui menacé et remis en cause par ceux qui prétendent nous défendre.
Préservons nos communes, défendons notre protection sociale, mobilisons-nous comme salariés et comme citoyens, voilà notre programme pour nous défendre,le seul qui nous garantisse un avenir.
Et selon l’ antique sagesse des Romains, MALHEUR AUX VAINCUS.