vendredi 7 novembre 2008 - par Dedalus

Parti socialiste : vers le renouveau ?

C’est fait, avec le vote des militants sur les motions, le congrès du Parti socialiste est enfin ouvert. Je vous livre ici mes analyses des résultats du vote sur les motions et les perspectives pour le congrès de Reims ou l’exigence d’un changement de génération dans un Parti socialiste résolument ancré à gauche !

D’abord les résultats : avec une abstention d’un militant socialiste sur deux, Ségolène Royal arrive en tête avec 29 % des suffrages, Bertrand Delanoë et Martine Aubry plafonnent à près de 25 %, et Benoît Hamon atteint à peu de chose près les 20 %.

A ce stade, et parce qu’aucune motion n’a atteint la barre des 50 % lui permettant d’être majoritaire seule, il est impossible de déclarer qui que ce soit vainqueur. En revanche, il est d’ores et déjà possible de parler des perdants. En premier lieu, il s’agit de la participation : le moins qu’on puisse dire est que ce scrutin n’a pas mobilisé les militants socialistes et c’est une défaite pour le Parti socialiste dans son ensemble, du moins pour celui qu’il est encore aujourd’hui et c’est en soit une exigence de changement que cela nous impose collectivement.

Le deuxième perdant est Bertrand Delanoë qui n’a pas su insuffler une dynamique à sa campagne et dont le score est au strict minimum de ce qu’il pouvait attendre. Avec lui, tant le maire de Paris est apparu comme son représentant, c’est la direction sortante qui est sanctionnée. Et Martine Aubry, elle non plus, n’a pas décollé et peut à ce titre être reléguée dans le camp des perdants.

Sortent donc renforcés de ce premier tour, Ségolène Royal qui contrairement aux deux autres poids lourds a réussi à s’arracher à l’étiage des 25 % - sans pour autant atteindre la barre des 30 % et se retrouvant très en deçà des primaires de 2006 où elle avait obtenu près de 65 % des suffrages des mêmes militants - et surtout Benoît Hamon qui fait une percée remarquable en flirtant avec le cap des 20 %, d’autant plus remarquable que lui seul ne bénéficiait pas du soutien ni de l’appareil ni d’une ou plusieurs grosses fédérations.

Mais, plus notablement encore, c’est en réalité l’ancrage à gauche du Parti socialiste qui sort gagnant de ce premier tour de scrutin. D’abord parce que le score de la motion Hamon est un succès, mais aussi parce que la campagne interne s’est largement déroulée autour des thèmes défendus par sa motion, Ségolène Royal et Martine Aubry rivalisant pour conquérir ce terrain-là d’une gauche qui se rapproche d’elle-même et s’éloigne de ses renoncements. C’est une bonne nouvelle.

Et maintenant ?

La première chose qu’il faut souligner est que non seulement aucune motion n’est majoritaire à elle seule, mais aucune combinaison de seulement deux motions ne peut l’être non plus, ou du moins de manière stable et incontestable.

La deuxième chose est qu’une synthèse qui se ferait entre les motions de Ségolène Royal, Bertrand Delanoë et Martine Aubry constituerait le pire des scénari en ce qu’il correspondrait à reconduire à la direction du PS les vieilles alliances : cela réduirait à néant la volonté de changement, et de changement à gauche, qui s’est clairement exprimée à l’occasion de ce premier tour de scrutin. Ainsi, chacune de ces trois motions, si elle veut sortir du congrès dans la majorité, a besoin de Benoît Hamon - ce qui place ce dernier en position centrale dans le grand jeu des alliances qui débute à présent (et qui n’est pas sale, pour peu qu’il se fasse autant que faire se peut au grand jour).

La troisième chose qu’il faut noter est que Ségolène Royal n’est parvenue à enclencher une dynamique, relative mais réelle, que dès lors qu’elle a placé sa candidature au poste de premier secrétaire au frigidaire. Elle serait bien inspirée de l’y conserver afin de respecter les militants nombreux pour lesquels cette réfrigération a permis qu’ils s’expriment en faveur de la motion dont elle était signataire, et qui donc lui ont donné de s’extraire de l’étiage des 25 %.

La quatrième chose, enfin, est que le résultat de Ségolène Royal et de sa motion, pour positif qu’il apparaisse, ne lui procure pas - et très loin de là - un avantage décisif, tant elle apparaît encore isolée. C’est que si des 30 % de militants qui ont voté pour sa motion on peut estimer que 25 % sont disposés à la voir redevenir la candidate des socialistes aux présidentielles de 2012, on peut de la même manière gager qu’une très forte proportion des 70 % qui ont choisi de voter ailleurs est pour l’heure fermement opposée à cette hypothèse. Ce serait une grave erreur de sa part de vouloir ignorer plus longtemps la réalité d’un rejet aussi réel pourtant que l’enthousiasme qu’elle suscite par ailleurs.

De tout cela, outre la volonté des militants d’ancrer le Parti socialiste à gauche, il semble impératif de conclure à une volonté tout aussi forte d’un renouvellement de génération à la tête du Parti socialiste : non seulement Bertrand Delanoë et Martine Aubry, et avec eux François Hollande, Laurent Fabius et même Dominique Strauss-Kahn, n’ont pas été suivi par les militants, mais c’est une motion E avec une Ségolène Royal réfrigérée et une motion C dont le premier signataire Benoît Hamon appartient à la nouvelle génération qui sont parvenus à séduire les militants.

Ainsi, on peut formuler trois hypothèses pour une synthèse :

Le scénario de la continuité : les trois motions de tête s’entendent et forment une majorité et c’est la redite de 2002 et 2007 qui se profilera, où un PS coupé de sa gauche, et donc de sa base électorale, ne parviendra pas à proposer un projet alternatif suffisamment ambitieux et rénové pour emporter l’adhésion des Français : on prend les mêmes, on recommence et c’est Nicolas Sarkozy qui l’emporte à la fin.

Le scénario TSS : Ségolène Royal se focalise sur sa pseudo-victoire et cherche à réchauffer sa candidature à la tête du PS, réactivant par la même occasion la crispation autour de ses ambitions présidentielles, et ce sont alors les motions Delanoë, Aubry et Hamon qui font front commun et constituent une majorité par défaut : une occasion manquée !

Le scénario du changement : Ségolène Royale maintient son retrait, laisse Vincent Peillon venir au premier plan et construire autour de lui et de Benoît Hamon une synthèse impliquant ancrage à gauche et changement de génération, option qui sera en mesure de rassembler largement au-delà de leurs deux motions : un congrès de rénovation réussi, un Parti socialiste tourné vers l’avenir, un signe fort d’espoir adressé aux Français.

La capacité de Ségolène Royal à s’effacer, la capacité de Vincent Peillon à prendre ses responsabilités, la capacité de Benoît Hamon à ne pas céder sur l’essentiel, voilà les clés du congrès.

Réponse, fin de semaine prochaine... Congrès à suivre en live et autrement sur leftblogs.info.

Où l’on parle de : Génération Hamon Peillon



10 réactions


  • Voltaire Voltaire 7 novembre 2008 14:48

    L’analyse est un peu difficile à déméler du commentaire personnel dans cet article.

    Je ne partage pas tout à fait certains éléments de cette analyse :


    - on ne peut pas vraiment parler de défaite de Mme Aubry ; elle n’a pas réussi son pari de prendre le leadership mais se positionne de façon incontournable. En revanche, la défaite de Mr Delanoë est incontestable.


    - il faut se méfier d’extrapoler un désir des militants socialistes pour ce que vous appelez un "ancrage à gauche" : à peine plus de la moitié de votants, et un vote très conjoncturel (affecté par la crise actuelle). Qu’en serait -il dans deux ans ?
    Il me semble surtout que ce vote illustre à la fois un désenchantement envers ce parti, et une absence de solution majoritaire. Bref, il est dans la mouise...

    Je partage assez vos idées sur les deux premiers scénari (sauf qu’il est difficile de dire si Sarkozy l’emporterait, car Bayrou serait très renforcé).
    Votre troisière scenario est surtout un désir personnel. Il aurait l’avantage de calmer le jeu, mais l’immense inconvénient de repousser la bataille pour l’investiture dans deux ans, avec guerre larvée jusque là.

    En toute honnêteté, je ne vois pas de solution satisfaisante actuellement pour ce parti. Il me semble que la vrai solution serait un éclatement, entre le côté antilibéral (vers le NPA) et le côté social-démocrate (vers le MoDem), mais les élus veulent bien sûr conserver leur confort actuel. Cela risque de coûter cher à ce parti, à moins que, miracle, Peillon ou un autre n’émerge pour s’imposer, mais je n’y crois guère.


    • redshift redshift 11 novembre 2008 15:01

      Tout à fait d’accord, Voltaire.

      Qui en effet a dit que la base du parti socialiste est aujourd’hui à son aile gauche ? Que je sache, cela fait bien longtemps que l’électorat ouvrier s’est éclaté de JM LePen à Arlette Laguiller en passant par Nicolas Sarkozy.

      Je ne vois de plus pas comment Hamon peut peser même avec 20% et sans compter la défection de Mélenchon.


  • civis1 civis1 7 novembre 2008 23:42

    Peillon et Hamon un bon tandem . c’est du neuf. çà nous changerai un peu... smiley


  • michel 8 novembre 2008 01:10

    Le Parti Socialiste ne doit pas être rénové mais il doit laisser place à un nouveau parti qui serait enfin ce grand parti démocrate français qui manque à notre pays. Bien qu’étant de droite, je ne peux concevoir l’avenir de notre démocratie sans une opposition forte et capable de proposer une alternative crédible. aujourd’hui, il n’en est rien. A voir sur mon blog : http://w454.skyrock.com/


    • appoline appoline 8 novembre 2008 12:22

      Beaucoup de justesse dans votre commentaire. Le PS s’est trop enferleurré dans ses luttes intestines, qui plus est trop d’éléments en place ne sont pas lavés de tout soupçon. Fabius a fait son temps et peu de preuves quand il était à Matignon. Royal n’a pas brillé lors de la campagne présidentielle. DSK se masturbe trop les neurones à défaut du reste. Enfin bref qu’éléphants et gazelle laissent la place aux petits jeunes compétents, ce serait le meilleur service qu’ils puissent rendre au PS.


  • ddacoudre ddacoudre 8 novembre 2008 01:38

    Bonjour deladus.

    J’étais au parti socialiste quand il a pris son virage à droite par réalisme, et je l’ai quitté pour nulle part, est dans le débat de savoir s’il conservait son sigle ou en changeait pour marquer son évolution, les camarades de l’époque ont conserver un acronyme symbolique qui n’a fait qu’entretenir des confusions entre ce qu’il suggérait et ce qui se réalisait.

    Je partage l’avis de voltaire une scission à l’amiable serait salutaire et permettrai un renouveau du débat d’idée. J’ai bien peur que d’échec en échec le parti n’y soit conduit Mélenchon ouvre une porte qui je pense sera franchi par d’autres. Il n’y a aucune trahison en l’espèce seulement la lucidité que la reconnaissance de la loi du marché ne se marie pas avec le socialisme. Sauf si l’on considère que l’état représentant le peuple est un acteur partie prenant de la loi du marché au non de ses mandants, et non au nom de son pouvoir souverain de droit démocratique comme d’autre l’avait du droit divin.

    Cette synthèse antinomique crée des confusions préjudiciables en empêchant la mobilisation nécessaire du monde du travail pour lutter contre la déréglementation du travail compétitive dans la confrontation mondiale.

    Quelque par le PS veut être des deux côtés de la barrière, c’est ce que tu proposes avec Pellion Hamon.

    Cordialement.


  • Gabriel Gabriel 10 novembre 2008 07:33
    Bonjour,

    Concernant Mme Royal, je m’aperçois toujours avec la même surprise les haines et rancoeurs qu’elle suscite et j’avoue sincèrement que j’ai du mal à les comprendre. Certes la dame du Poitou a un ego important mais ne l’ont-ils pas tous ? De plus ses idées :
    De démocratie participative avec le contrôle des élus.
    De solidarité non gratuite avec le donnant donnant,
    De priorité à l’écologie dans l’économie (qui en terme de création d’emploi peu se révéler très prolifique).
    D’encadrement des jeunes délinquants par l’armée afin de leurs redonner le respect des autres et surtout d’eux même (plutôt que de les mettre en prison et en faire de véritable caïd).
    Voici quelques exemples qui ne me choque pas et qui redonneraient un peu d’humanité et d’efficacité dans notre société. Bien sur, je ne prétends pas que cela est merveilleux mais, sincèrement, ne serait ce pas mieux que ce que l’on a actuellement ? Un sarko qui nous a fait du Bush pendant 2 ans et qui continu sur la même ligne. Quant aux éléphants du PS, nous les avons déjà vu à l’œuvre, que dire de leurs assommants silences pendant la casse sociale mise en place par N.S et son équipe. Au PS elle a été une des rares voix à s’élever contre cette politique absurde et la plupart de ces idées sont reprises par les prétendants au poste de secrétaire du PS (Les hypocrites). Pour finir si la base est avec elle c’est que sa démarche n’est pas aussi mauvaise que ça. Pourquoi les médias, les cadors du PS et de l‘UMP la casse sans cesse ? C’est peut-être qu’elle gène, à réfléchir.

  • brieli67 10 novembre 2008 08:20

    Jeudi 5 octobre 2006 - 06:00 D’outre-tombe, Bourdieu dézingue Ségolène Royal
    Dans une vidéo de 1999 exhumée sur le Net, il la juge « de droite ».
    Au départ, il y a un entretien posthume du sociologue Pierre Bourdieu, décédé en 2002, diffusé vendredi sur Zalea TV. Présentée par cette chaîne alternative du Net comme une séquence « inédite de douze minutes tournée en mai 1999 par Pierre Carles », la vidéo s’intitule : « Gauche-Droite, vu par Pierre Bourdieu » (1).

    « Habitus ».
    Le sociologue y cite en exemple ces « responsables politiques dits de gauche (qui) sont en fait de droite ». Comme Ségolène Royal ? C’est en tout cas l’avis de Bourdieu : « Comment elle s’appelle, la femme de Hollande ? Ségolène Royal. Et bien pour moi elle n’est pas de gauche. (...) Elle a un habitus , une manière d’être, une manière de parler qui vous dit : "Elle est de droite" », estime-t-il dans son face-à-face avec Pierre Carles. Il croit même savoir qu’à l’ENA, la jeune Ségolène Royal s’est « posé la question du choix entre la gauche et la droite en terme de plan de carrière » et qu’elle a choisi la gauche faute de places à prendre à droite.


    • Gabriel Gabriel 10 novembre 2008 09:20

      Bonjour Brieli67,

      Je ne prends pas S.R pour une sainte, loin de là. Je remarque, encore une fois, que parmi le sérail politique, c’est elle qui en prend plein la gueule à chaque fois qu’elle intervient ! Pourquoi ?
      Vous dites qu’à une époque elle a hésité entre gauche et droite, personnellement je n’en sais rien et j’aurais tendance à dire :" qui n’a pas retourné sa veste dans ce milieu ?". Mais là de tels propos deviennent stériles et puis chacun a le droit de se tromper ou d’hésiter à un instant ou un autre de sa vie. Ce qui m’intéresse aujourd’hui c’est sa position et ses propositions. Bien sur vous pouvez me répondre qu’elle ment comme NS l’a fait et continu à le faire. Mais dans le doute je lui accorde mon crédit et puis quelqu’un qui a tous les politicars à dos ne peux pas être complètement mauvais. J’aime à penser que le sage cherche toujours la vérité, alors que l’imbécile, lui l’a déjà trouvé.

      Cordialement


  • moules frites 16 novembre 2008 00:04

    TSS, c’est le plus simple compte tenu des prestations à la tribune de ce samedi.
    De toutes façons Royal se fait son mal toute seule comme à son habitude ! Elle est comme ça quand ça va mal pour elle c’est la faute des autres ! Elle ne sait pas penser autrement, d’ailleurs elle est seule à penser que les autres sont des "pov cons". Eh bien cette fois les militants ne lui ferons pas de cadeau !
    Adieu Royal tu nous a assez fait de mal avec ta ligne politique Sociale Libérale !
    Tu as eu de la chance d’avoir autant de Fans pour te suivre et encore il ta fallu un Zénith et combien de coups tordus quand tu te déplaçais en province perturbant des réunions de circonscriptions ?!
    Vraiment, les militants sont remontés, mais tu l’as bien cherché.

    Chers camarades, une ligne à gauche s’est révélée pendant ce congrès, donnez lui sa chance...


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