vendredi 10 octobre 2014 - par Albert Ricchi

Pour une fusion du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental au sein de la République

Les dernières élections sénatoriales, fin septembre, ont remis sous le feu des projecteurs le débat sur le bien-fondé de la deuxième chambre du parlement.

Après un court passage de la majorité à gauche, le Sénat repasse à droite tout en restant la chambre parlementaire la plus archaïque du monde occidental. Son mode d'élection notamment est la cause d’un grave déficit de légitimité démocratique et de l’avènement d’une chambre structurellement à droite depuis 1858…

La plupart des états dans le Monde connaissent ou ont connu l’existence d’une seconde chambre parlementaire, le plus souvent liée à leur histoire nationale. Généralement, cette deuxième chambre était créée à l’origine pour préserver les intérêts de catégories sociales devenues minoritaires dans la société. Elle s’est maintenue, au cas par cas selon les pays et son existence a été justifiée, par ses initiateurs, par de nouvelles fonctionnalités constitutionnelles ou politiques, souvent très discutables.

La France n'a pas fait exception à cette règle historique. Dans les lois constitutionnelles de 1875, le Sénat avec ses 300 membres formait la chambre haute et partageait le pouvoir législatif avec la chambre des députés. La constitution de 1946 lui substitua le Conseil de la République, dont le rôle politique et législatif était réduit. 

Réintroduit à l’article 24 de la constitution de la 5ème République, il assure aujourd’hui la représentation des collectivités territoriales et perpétue ainsi une longue tradition française.

Une chambre dont l‘existence est très discutable

Le Sénat est renouvelable par moitié depuis 2011, après avoir été renouvelable par tiers tous les trois ans, à partir de 1958. Les sénateurs, au nombre de 348, sont élus pour six ans au niveau départemental par un scrutin soit proportionnel (dans 52 % des cas), soit uninominal à deux tours (dans 48 % des cas) par un collège composé de 150 000 grands électeurs : députés, conseillers généraux, conseillers régionaux et délégués des conseils municipaux. 

L’ensemble de ces grands électeurs ne représente que 0,25 % de la population ! Le poids écrasant des délégués des conseils municipaux (95% du collège), accentué par le fait que 98% des communes françaises comptent moins de 9 000 habitants, contribue à faire du Sénat une chambre vouée à la défense quasi exclusive des intérêts ruraux au détriment de l’intérêt général. 

Les textes doivent être votés dans des termes identiques par les deux chambres. Si aucun accord n’est trouvé, le gouvernement peut convoquer une Commission Mixte Paritaire (CMP) chargée de trouver un compromis. Si le travail de la CMP n’aboutit pas à un texte de consensus ou si le texte n’est pas voté par l’une des chambres, le gouvernement peut alors débloquer le processus législatif en demandant à l’assemblée nationale de statuer en dernier ressort.

Le président du Sénat dispose en outre de pouvoirs politiques importants : il assure la présidence de la République en cas de vacance du pouvoir ou d’empêchement constaté et nomme un tiers des membres du Conseil Constitutionnel.

Historiquement, le Sénat n’a eu de cesse de s’opposer aux réformes modernisatrices, comme le PACS, la parité ou encore l’indépendance de la justice. Pendant la première alternance, de 1981 à 1986, 42% seulement des lois ont été adoptées d’un commun accord entre les deux chambres, contre 95% lors des législatures précédentes. Dans 40% des cas, le blocage exercé par le Sénat a été tel que le gouvernement s’est vu dans l’obligation de demander à l’assemblée nationale de statuer en dernier ressort.

Une réforme indispensable et urgente

« Le Sénat a un privilège exorbitant et imparable, celui de tout bloquer » indiquait le Général De Gaulle qui a tenté d’en faire une sorte de super Conseil économique et social composé de représentants de tous les intérêts de la société. La nécessité d’une seconde chambre consultative représentant les collectivités territoriales et les organisations économiques, familiales, intellectuelles avait été énoncée dans son discours de Bayeux le 16 juin 1946. L’échec du référendum du 27 avril 1969 où le Non l’a emporté par 52,41% des suffrages, a vu la fin de ce projet.

En 1998, Lionel Jospin, alors premier ministre, avait bien qualifié le Sénat d’« anomalie démocratique » mais par cette formule, il critiquait non pas le principe d’une deuxième chambre mais essentiellement son mode de scrutin. 

Avec un peu d’ambition et de courage, on pourrait à nouveau aujourd’hui proposer de fusionner le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental (CESE, nouvelle appellation de l’ancien CES) au sein d’une nouvelle chambre exerçant une fonction consultative et ne disposant d’aucun pouvoir de blocage. 

- L’intérim du président de la République serait exercé par le premier ministre et non plus par le président du Sénat. 

- La nouvelle assemblée n’aurait plus l’initiative des lois.

- Les projets et propositions de révision constitutionnelle seraient adoptés à la majorité absolue des députés puis soumis au référendum et non plus par le congrès (Assemblée nationale + Sénat)

La composition de cette nouvelle assemblée pourrait être la suivante :

- Réduction drastique du nombre de représentants à 300 (actuellement 348 sénateurs + 233 membres du CESE = 581) 

- 150 membres représentant les collectivités territoriales de métropole et d’outre-mer élus à la proportionnelle intégrale dans le cadre des circonscriptions régionales.

- 150 autres représentant les activités économiques, sociales et culturelles, désignés par des organismes représentatifs (salariés, agriculteurs, entreprises, familles, professions libérales, enseignement supérieur et la recherche, activités sociales et culturelles).

Mais aujourd’hui, l’UMP et l’UDI sont hostiles à toute réforme qui mettrait en péril la domination séculaire de la droite. Et le PS, après avoir réalisé l’extension du mode de scrutin proportionnel à partir de 3 sièges de sénateurs dans un département, ne propose plus rien d’autre.

Un bien triste constat car Il serait temps de changer réellement nos institutions et d’aller vers une 6ème République au lieu de bricoler constamment la 5ème...

 

Photo Creative Commons par Yahoo Images



5 réactions


  • TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE TOUSENSEMBLE OU L ECUREUIL ROUGE 10 octobre 2014 09:20


    il faut supprimer le sénat INUTILE ........ GROS VENTRUS STYLE LARCHER DEGAGEZ !!!!!!!!!!


  • Diogène diogène 10 octobre 2014 09:47

    Pendant qu’on y est, on pourrait faire une beau paquet en y intégrant le conseil constitutionnel !


    Et puis après on pourrait dissoudre l’assemblée nationale et confier aux notables élus par leurs pairs la confection de nos lois pour notre bien.

    Ca ressemblerait à l’empire romain avant que la prise de pouvoir par les militaires.

  • bernard29 bernard29 10 octobre 2014 11:31

    Vous re-proposez le projet de De Gaulle. De fait vous auriez du aussi vous intéresser au bilan du CESE, qui ne sert plus a grand chose étant donné

    1) que, actuellement, pour chaque débat important , les pouvoirs en place organisent soit des « grenelles », des rencontres et des commissions ad hoc. Il faut faire le bilan du travail du CESE qui n’est pas brillant, sinon inextistant..

    2) que le CESE de fait sert qu’à valoriser et à financer les corporatismes (en rémunérant de fait les permanents des organismes représentés..) ou a coopter des amis des pouvoirs, alors même que ceux ci ont déjà leurs réseaux particuliers de lobbying pour se faire entendre. De fait le CESE est utile aux pouvoirs car il crée un rideau (de fumée) de plus dans l’établissement de débats publics dans la société citoyenne.

    Je propose plutôt de supprimer le sénat actuel et le CESE , pour institutionnaliser un vrai contre pouvoir citoyen (assemblée de citoyens tirés au sort) chargé du contrôle des institutions publiques, des gouvernants et même des élus. voici le projet ; http://changerlarepublique.over-blog.com/article-26789632.html 


  • zygzornifle zygzornifle 10 octobre 2014 14:57

    pas une fusion du Sénat mais une dissolution directe ......


  • Captain Marlo Fifi Brind_acier 10 octobre 2014 18:47

    L’auteur me fait penser à ces bandes dessinées où les acteurs courent sur une poutre... quand il n’y a plus de poutre ! Il n’y a plus d’ Etat français, ni de République française, mais une colonie de l’ Empire américain dirigée par Bruxelles, la BCE à Francfort, et Washington.


    80% des lois sont des transcriptions de directives européennes.
    Le Sénat et l’ Assemblée Nationale doivent recopier MOT à MOT les directives pour les intégrer dans le droit français. Le recopiage mot à mot est expliqué à la fin de cette courte vidéo sur la démocratie.
    Un photocopieuse ferait le même boulot pour beaucoup moins cher.

    Il n’est plus possible de faire des politiques intérieures nationales, c’est Viviane Reding qui est venue l’expliquer aux Députés français. Les Etats ne peuvent faire que des politiques Européennes.

    C’est l’article 121 du TFUE qui permet à la Commission européenne de décider des grandes orientations économiques de la France. C’est elle qui a décidé la réduction des dépenses publiques, la remise en cause de la Sécurité sociale, du droit du travail, du gel des retraites, de la baisse des indemnités chômage, des seuils sociaux, de la fin du SMIC et des CDI etc

    L’Etat français n’est plus qu’une coquille vide, peuplée de marionnettes, qui essayent de faire croire, comme l’auteur, qu’elles décident encore de choses importantes.

    Cela permet à tous les européistes, de Gauche, comme de Droite, de faire croire que la Constitution de la Ve République est responsable, alors que sont les européistes eux -mêmes qui sont responsables de la situation actuelle !

    Ils ont trahi le peuple français, ils l’ont vendu à la finance et aux multinationales, ce qui relève de la Haute trahison.


    Vous pouvez bien changer l’étiquette et mettre « VIe république », une coquille vide reste un village Potemkine. « Décryptage d’une nouvelle escroquerie politique : la VIe République ».

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