Pourquoi le général de Villiers est la seule alternative à Macron
Dernièrement, un sondage de l'Ifop a révélé que 20% des Français se diraient prêts à voter pour le général de Villiers dans l'éventualité d'une candidature de sa part en 2022. D'abord, nous invitons le lecteur à se reporter à cette étude et à se livrer à une analyse comme nous allons essayer de le faire ici. Ensuite, nous précisions que notre analyse ne porte pas sur les idées proférées par Pierre de Villiers qui apparaissent de toute façon pour le moment assez vagues. L'objet de ce billet est plutôt de tenter d'expliquer rationnellement d'un point de vue purement électoraliste pourquoi il se pourrait bien que le général soit la seule personnalité susceptible de vaincre Macron en 2022.
Premier enseignement important qu'il faut retirer de ce sondage : 20%, c'est beaucoup. D'autant plus que l'étude de l'Ifop nous apprend que 42% des personnes interrogées, dont une grande partie des anciens électeurs de Marine Le Pen (38%), déclarent ne pas encore savoir qui est le général de Villiers ; ce qui signifie que le fameux « plafond de verre » de celui-ci est loin d'être atteint et donc que les 20% précédemment mentionnés peuvent facilement être dépassés. Autre apprentissage majeur de l'enquête : l'origine électorale par rapport au vote en 2017 de ceux qui se disent prêts à voter pour Pierre de Villiers. Recrutant la majorité de ses troupes parmi les anciens électeurs de François Fillon (41%) et de Marine Le Pen (29%), il semblerait que le général soit l'homme providentiel...de l'union des droites, et même un peu au-delà.
Nous pensions l'union des droites impossible après la trahison par Sarkozy des classes populaires qui avaient pourtant permis son élection en 2007. Ce qui manquait en réalité, c'était une personnalité pour l'incarner. Le général de Villiers s'y prête, sans d'ailleurs qu'il ne se soit jamais revendiqué de cette union, car c'est une toile blanche sur laquelle chacun projette ses désirs. Les petits patrons et les retraités voient en lui un conservateur libéral qui va réussir à ramener l'ordre et la sécurité que Macron a été incapable de maintenir. Concernant les retraités, ils constituent d'après le sondage de l'Ifop la classe d'âge qui serait la plus tentée par le vote villieriste. Que les soixante-huitards, qui ont voulu chasser de Gaulle, souhaitent au crépuscule de leur vie voir l'arrivée au pouvoir d'un général portant un nom à particule sonne comme un aveu d'une prise de conscience de leur erreur politique de jeunesse. Les populistes, quant à eux, croient discerner un homme proche du petit peuple. À cet égard, rappelons-nous que certains Gilets jaunes, au plus fort de leur mouvement, appelaient à remettre entre ses mains le pouvoir.
L'aptitude du général de Villiers à réunir deux électorats devenus a priori irréconciliables est sa force. Cette hybridation constitue néanmoins un composé instable. L'enjeu pour l'ancien chef d’État-Major des armées sera de parvenir à préserver ces deux électorats soudés le temps de la campagne présidentielle afin de conquérir le pouvoir. Pour ce faire, il devra nécessairement entretenir le flou sur un certain nombre de questions. L'Europe, l'économie,... Comment faire autrement sinon pour rassembler dans un même sac un électorat dit conservateur, libéral et européiste, et un électorat populiste, anti-libéral et anti-européiste ? Mais le temps de l'arbitrage viendra inéluctablement où il faudra trancher.
Quand il y a ambiguïté, c'est qu'il y a un malentendu quelque part. La question est de savoir en défaveur de qui ? Probablement pour l'électorat populaire qui a déjà été cocu à deux reprises, par Chirac en 1995 et par Sarkozy en 2007, dans le cadre d'une union des droites. On peut craindre que cette fois-ci encore ce ne soit le cas. Surtout que d'après le sondage, qui nous renseigne aussi sur l'origine des électeurs potentiels de de Villiers, le bloc libéral a un léger avantage sur le bloc populiste : 42% d'anciens électeurs de Fillon + 12% d'anciens électeurs de Macron d'un côté, 29% d'anciens électeurs du FN + 15% d'anciens électeurs de Mélenchon de l'autre. Le rapport de force qui fait pencher un tantinet la balance au profit des libéraux risque d'être un indicateur qui pèsera sur les choix que fera de Villiers s'il venait à être élu en 2022.
Le Rassemblement National est une implacable machine à s'imposer au premier tour des présidentielles, puis à faire gagner son adversaire, quel qu'il soit, au second. Cela, nous avons pu le vérifier en 2002 et plus récemment en 2017. Il y a fort à parier que si Emmanuel Macron se retrouvait élu aux prochaines présidentielles face à une Marine Le Pen qui franchirait la barre des 40% et avec une très forte abstention, il ne bénéficierait alors que d'une très faible légitimité pour gouverner malgré sa victoire. Ajoutons qu'à l'heure où nous rédigeons ces lignes, aucun des autres opposants politiques à Macron parmi ceux qui ont fait part clairement de leur intention de se présenter en 2022 ne serait en mesure, si on suit les sondages, de déclasser le Rassemblement National de sa position garantie de « sparring-partner » de l'actuel chef de l’État français lors du second tour des prochaines présidentielles.
Or, à en croire le sondage de l'Ifop, Pierre de Villiers pourrait enrayer le scénario inexorable d'un match retour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron qui assurerait la réélection de ce dernier. En effet, siphonnant comme nous l'avons écrit plus haut une bonne partie de son électorat, le général serait en capacité de prendre la place de la dirigeante Rassemblement National au second tour de la présidentielle. En tout cas, plusieurs cadres ou représentants du parti de droite radicale, comme Bruno Gollnisch ou Andréa Kotarac, sont d'ores et déjà montés au créneau pour critiquer vertement le général de Villiers et inciter leurs sympathisants à la méfiance à son égard. De plus, étant moins clivant qu'une Marine Le Pen, qu'un Éric Zemmour ou qu'un Dupont-Aignan, Pierre de Villiers obtiendrait une plus large neutralité des électeurs de gauche qui iraient dès lors se réfugier dans l'abstention ou le vote blanc au lieu d'apporter leurs voix à Macron dans le but de « faire barrage ».
L'élection du général de Villiers n'est pas acquise, mais elle demeure néanmoins possible. Nous conclurons en disant qu'il ne s'agit pas pour nous d'accorder un quelconque crédit aux idées de Pierre de Villiers. Ne délivrant que ce qu'il faut bien qualifier de platitudes lors de ses passages dans les médias, et apparemment aussi dans ses écrits, il serait de toute manière très difficile de distinguer dans les propos tenus par le général ne serait-ce qu'une ébauche de programme politique. Toutefois, à un an et demi de l'échéance fatidique et sous réserve de bouleversements qui ne manqueront pas de survenir, il se pourrait bien que le choix en faveur du général de Villiers constitue le seul vote utile pour se débarrasser de Macron en 2022. Nous laissons évidemment le lecteur être son propre juge de notre analyse.