Pourquoi tant de haine ?
Voilà, c’est fait ! la passation de pouvoir a eu lieu et ceux à qui l’alternance ne convient pas ont tout de suite trouvé ce qui avait cloché dans cette cérémonie : François Hollande aurait été indigne en n’attendant pas que l’ancien Président ait quitté la cour de l’Elysée, il n’aurait pas fait preuve de ce fameux esprit républicain en faisant le service minimum sur le perron et circonstance aggravante, dans son discours d’investiture, il aurait soigneusement évité de louer les mérites du président battu comme il l’a fait pour ses prédécesseurs.
…Et les partisans du président battu de s’indigner en oubliant soigneusement de remarquer que le Président élu, a plutôt fait preuve, d’une belle force de caractère. Comment, en effet, faire des ronds de jambes, passer la main dans la dos et se contraindre à adopter une posture artificielle, quand pendant des mois de campagne on a été traité de menteur, de mou, de calomniateur, d’inexpérimenté, et qu’ « on » allait « l’exploser » lors du débat télévisé ?
Il y a des limites qu’on ne peut pas franchir dans le débat démocratique.
Les moins virulents des partisans de Sarkozy ont mis en avant le bilan du Président battu en disant que l’histoire reconnaîtrait ses mérites et ont avancé le côté apaisé de la cérémonie du 8 mai, comme si cela pouvait effacer tout ce qui s’était passé avant.
Laissons l’histoire faire son travail, cela prendra du temps, et retournons nous simplement sur le mode de gouvernance que nous avons eu à subir pendant cinq ans.
Pendant cinq ans le Président sortant n'aura fait qu'attiser les passions, dresser les uns contre les autres, vilipender les corps intermédiaires, montrer du doigt et livrer à la vindicte populaire les journalistes, traiter un quidam de "pauvre con", qualifier son premier ministre de collaborateur, les magistrats de « petits pois », etc, etc,...
Déjà, les premiers commentaires, les premiers écrits, se font jour : les « derniers carnets » de F. O. Giesbert, le Directeur du « Point », pourtant peu suspect de gauchisme, donne quelques exemples du langage fleuri de l’ex locataire de l’Elysée et de ses perles ordurières à l’égard de l’auteur et de François Pinault, patron de l’hebdo.
F.O.G. décrit aussi les rendez-vous en tête à tête avec le Président qui donnaient lieu après aux commentaires acerbes et désobligeants sur la personne reçue, a tel point que l’auteur recommandait de fuir ces entrevues sauf à être accompagné de quelqu’un pouvant témoigner de la réalité des propos tenus.
Dans les semaines et les mois à venir, les langues et les plumes se délieront et on peut s’attendre à ce que de nombreux auteurs volent au secours de la victoire en nous livrant des anecdotes toujours plus nombreuses sur les travers de l’ex président, qu’ils auront omis complaisamment de diffuser pendant le quinquennat : courageux, mas pas téméraires !
Toute cette agitation médiatico-politique ne serait rien si elle n’avait pas produit des effets en profondeur sur notre société : tout se passe désormais comme si on pouvait désormais stigmatiser certaines catégories défavorisées en les traitant de profiteurs, en oubliant d’autres dont la fraude au quotidien, l’évasion ou l’exil fiscal plombe plus durablement notre économie.
C’est devenu un lieu commun, celui qu’on montre du doigt, c’est le chômeur et le symbole de la réussite c’est le patron qui touche 16 millions d’euros de bonus.
Pour illustrer ce mouvement de fond, citons un journaliste et éditorialiste du journal « Ouest France », dans son blog « Politiquement chaud » :
« Je suis inquiet, effrayé, du degré de violence d'une partie de ceux qui n'ont pas voté pour lui (Sarkozy) ou pas voté du tout. Elle se mesure dans les conversations, dans le climat à l'école, dans les courriers, dans l'agressivité à l'égard des journalistes, des juges, des profs, des policiers, des politiques. Sur ce blog, je reçois des réactions impubliables, monstrueuses, qui me vaudraient immédiatement des poursuites si je les diffusais et qui témoignent d'un refus - provisoire ? - de regarder les choses de manière apaisée et d'admettre tout simplement la loi démocratique.
Gauche contre droite, musulmans contre chrétiens, ruraux contre urbains, le peuple contre les élus, les lecteurs contre les journalistes, les pauvres contre les riches, les "Français" contre les "étrangers", les parents contre les profs... Continuons comme ça, et ce ne sera pas François Hollande le responsable de notre faillite, ce sera nous les fossoyeurs d'espoir ».
Rêvons un peu
Que J. F. Copé, après avoir dénoncé la cohabitation quand son parti était au pouvoir, cesse d’en chanter les vertus, maintenant qu’il est dans l’opposition, et uniquement pour valoriser son ambition personnelle.
Que Nadine Morano, à court d’arguments politiques, arrête de critiquer la tenue vestimentaire d’une nouvelle ministre.
Que Xavier Bertrand, qui poursuit des ambitions personnelles à l’Ump, soit entendu lorsqu’il souhaite que la campagne pour les législatives ne soit pas agressive (mais j’ai peur qu’il ne s’agisse que d’une posture anti Copé).
Que l’Ump dans son ensemble arrête de dire que le gouvernement nommé est inexpérimenté : on a vu ce qu’un gouvernement expérimenté était capable de faire (et c’est pour cela qu’il a été remercié…).
Que M. Guaino, que l’on a connu plus talentueux, évite les slogans douteux (« La résistance, c’est maintenant »).
Autant demander à tout ce beau monde de se comporter en modèles de vertus alors même que le traumatisme d’avoir perdu le pouvoir, parce que c’est de cela qu’il s’agit avant tout, leur fait oublier une notion que tout homme politique devrait avoir à l’esprit : la recherche de cohésion sociale.