mercredi 1er juillet 2020 - par Laurent Herblay

Quand Macron ouvre la voie à Le Pen

C’est une petite musique qui se fait de plus en plus forte, notamment depuis la publication du livre de Jérôme Sainte-Marie. Cela peut paraître étonnant après le naufrage de Marine Le Pen lors du débat de 2017, même s’il ne faut pas oublier que la prestation de Macron n’était guère brillante. Le scénario de l’élection présidentielle semble extrêmement ouvert aujourd’hui.

Quand Macron ouvre la voie à Le Pen

 

La présidence détestable qui casse le plafond de verre
 
Bien sûr, rien n’est joué tant la situation semble instable, 80% des Français déclaraient ne pas vouloir un nouveau second tour Macron / Le Pen fin 2019, tout en leur accordant plus de 50% des suffrages dans un sondage de premier tour, faute d’autres alternatives rassembleuses. Mais déjà, ce même sondage indiquait qu’en cas de réédition du second tour de 2017, Macron ne réunirait plus que 55% des suffrages, au lieu des 66% d’alors, chiffres confirmés depuis par un récent sondage. Un écart divisé par trois en tois ans ! La macronie s’inquiétait même du passage du premier tour, comme le rapportait Le Monde il y a quelques mois. Marine Le Pen, elle, n’hésite pas à dire qu’elle « a de grandes chances d’être présidente de la République  », ce que le Financial Times annonçait être désormais possible  !
 
Jérôme Sainte-Marie a probablement vu juste en soutenant que « la cristallisation du bloc populaire peut aboutir à la défaite de Macron », dans le FigaroVox. Si en 2017, c’était l’opposition à Marine Le Pen qui avait prédominée, on peut aujourd’hui se demander si le moteur de l’opposition à Macron ne sera finalement pas plus fort que celui de l’opposition à la famille Le Pen. Cinq longues années de cette présidence arrogante au service de l’oligarchie, entourée d’une bien piètre équipe a probablement fracassé le plafond de verre qui existait jusqu’en 2017. C’était bien ce plafond de verre qui avait expliqué l’écart colossal du second tour, où Macron avait réuni près de deux fois plus de voix que Le Pen, malgré une explosion des votes blancs et de l’abstention, et alors qu’il était un piètre candidat, sortant qui plus est.
 
Car Macron cumule le pire du fond et de la forme depuis 2014. Sur le fond, il ne propose qu’une accélération des réformes qui servent l’agenda de l’oligarchie, au nom de la compétitivité et d’une globalisation de plus en plus honnie. Son bilan désastreux risque de peser lourd dans la balance en 2022, alors qu’en 2017, singeant le Sarkozy de 2007, il avait réussi à bien s’éxonérer du bilan du précédent mandat. Pire cette présidence ajoute une forme particulièrement détestable et révoltante, pour ne pas dire plus, un mélange d’arrogance, de mépris et de légèreté inédit sous la Cinquième République. Et pour couronner le tout, comme le notait Piketty, il évite le questionnement légitime en démocratie par des journalistes, mettant en scène ses longs monologues et son refus du débat et de l’écoute.
 
Le degré de rejet de cette présidence est probablement sous-estimé, même s’il affleure dans les sondages qui révèlent que pour plus de 80% des Français, leur situation s’est détériorée sous cette présidence… Comment penser que cela restera sans conséquence en 2022 ? Bien sûr, Le Pen n’est que l’alternative par défaut à date, faute de l’émergence d’une autre voie, à la fois vraiment différente et rassembleuse. Mais la question qui se pose aujourd’hui, c’est ce qui se passerait si le paysage politique n’évoluait pas. En cela, Jérôme Sainte-Marie a raison et on peut imaginer une Marine Le Pen proche de 30% au premier tour en 2022, loin devant un Macron, qui peinerait à combler son retard au second. La réalité, c’est qu’Emmanuel Macron rend possible l’accession à l’Elysée d’un Le Pen.
 
Bien sûr, certains penseront, comme en 2017, que Le Pen est peut-être un moindre mal que Macron, tant la présidence actuelle a été toxique sur tant d’aspects. Et c’est cela qui a probablement cassé le plafond de verre. Malgré tout, on peut aussi craindre que Le Pen ne soit qu’une Tsipras française, qui poursuivrait largement les mêmes politiques, une fois élue. Serait-elle moins pire alors ?


101 réactions


  • yfrancois yfrancois 5 juillet 2020 13:07

    Quand je vois toutes les tractations et dessous de tables pour « faire barrage au RN », je me dis que l’affaire n’est pas gagnée.

    Et admettons, sur une coute paille, qu’elle y arrive, je prédis des troubles sociaux dans tous le pays, à coté desquels ceux des USA paraitront comme une plaisanterie de garçon de bain, avec possiblement une guerre civile à l’arrivée, coup d’Etat ou une fin à la Kennedy.


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