vendredi 4 mai 2012 - par Michel DROUET

Que restera-t-il du « débat » ?

 Quoi que l’on puisse en dire le « débat », le « choc », « la confrontation », « le duel », n’aura pas été utile à la compréhension des programmes des deux candidats et ce n’était pas son rôle. Il s’agissait avant tout d’une opération de communication, un passage désormais obligé du paysage électoral français dont l’influence sur l’électorat est très limitée.

Deux spécialistes de cet exercice, Serge Moati situé à gauche et Thierry Saussez, plutôt à droite nous avaient prévenus quelques minutes avant le débat : il s’agissait avant tout pour chaque candidat de montrer sa conviction, de dégager de la chaleur humaine et d’incarner le rassemblement, les programmes respectifs n’étant que prétexte.

Pouvait-il en être autrement sachant que les programmes avec leurs imperfections, leur éventuel flou ou leur inexistence sur certains sujets étaient connus et archi connus depuis plusieurs semaines ?

Pouvait-il en être autrement sachant que ces programmes, avec les variantes propres à chaque candidat, ne sont que là que pour accompagner la mondialisation, la dérégulation et la financiarisation de l’économie ou au mieux la limiter ?

Ce fil conducteur a eu cependant un avantage, celui de clarifier certains points et de « faire litière » de propos de campagne et de critiques personnelles exagérés, voire des insultes, étant entendu qu’il est plus facile de traiter son challenger de menteur devant quelques milliers de personnes dans un meeting que de faire la même chose en un face à face.

Et puisque les programmes n’étaient pas le principal sujet, mais qu’on était davantage dans le show, essayons de juger ce débat à l’aune des trois items proposés par nos communicants.

La conviction : d’un côté, le candidat sortant, capable de soulever les foules déjà convaincues et rameutées par cars et trains par les bons soins de l’UMP et de l’autre, le challenger capable des mêmes performances mais dont on ne savait pas comment il se comporterait dans un face à face. Au final, le candidat sortant, empêtré dans les explications sur son bilan (qu’il n’a pas pu éluder, cette fois), a le plus souvent été sur la défensive et n’a pas convaincu, alors que son challenger, en dehors de certains passages un peu plus en creux, a su être convainquant sur la majeure partie de ses propositions.

La chaleur humaine : Sur ce point on n’aura pas assisté à de grandes envolées. Tout au plus aurons-nous entendu quelques appels du pied à certaines catégories pour les inciter à faire le bon choix le 6 mai prochain. On était davantage dans le technique et l’artifice que dans l’humain et cela s’est bien senti.

L’incarnation du rassemblement : A part les meetings de la Concorde ou du Bourget qui ont fourni de belles images tournées par les équipes de campagne, l’idée de rassemblement n’aura pas été beaucoup présente dans ce débat, mais elle aura été surtout singulièrement absente du discours du candidat sortant qui a opté en fin de débat pour un racolage clivant des voix frontistes et du Modem en ne parlant plus à l’ensemble des électeurs.

Pour le reste, et puisque cet exercice était avant tout un exercice de communication, nous en sommes donc réduits à écouter les commentateurs. Oublions les analyses « 2 minutes montre en main » des journaux télévisés qui concluent tous à un match nul (il ne faut pas insulter l’avenir en laissant penser que l’on a pesé sur le scrutin en donnant un gagnant) en regrettant qu’il n’y ait pas eu de ces petites phrases qui marquent un débat, et écoutons et regardons les émissions de débats et lisons la presse qui sont susceptibles de nous donner des clés de compréhension en nous laissant décider.

Ecoutons également les partisans des deux candidats : ce que l’on a pu constater, c’est que les partisans de Sarkozy, privés d’arguments nouveaux compte tenu du manque de pugnacité de leur poulain, en ont été réduits à répéter les mêmes propos qu’avant débat en dénigrant Hollande (flou, agressif, ambigu, menteur,…), signe d’un grand désarroi. Il est probable que d’autres éléments de langage avaient été préparés mais qu’ils n’ont pas pu être mis en avant compte tenu de la prestation en retrait du président sortant.

C’est vrai que l’on ressentait plus d’enthousiasme du côté des partisans de Hollande et ce la se sentait dans les propos qui n’étaient pas le copié-collé de ceux entendus auparavant.

Cette analyse semble par ailleurs confortée par le résultat du sondage de l’IFOP, donnant Hollande vainqueur du débat (42% des sondés en sa faveur contre 34 pour le candidat sortant).

Et quand bien même on pourrait conclure au match nul, il s’agirait néanmoins d’un échec pour Sarkozy qui devait absolument renverser la tendance observée, ce qu’il n’a pas fait.



4 réactions


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 4 mai 2012 10:21

    D’après les sondages, à ce jour, 47 % des électeurs potentiels donnent quitus à Sarkozy pour la gestion de la France durant son quinquennat.
    Admettons ce point de vue et considérons donc, un instant, que Sarkozy a globalement bien gouverné la France de 2007 à 2012.
    Il n’en demeure pas moins que cette supposée bonne gestion a été totalement financée à crédit puisque la dette publique de la France s’est accrue de 500 milliards d’Euros en 5 ans et atteint maintenant les 1.700 milliards d’Euros. Rappelons que, de 2002 à 2007, Chirac avait lui-même accru la dette de 300 milliards. Soit 800 milliards de dette supplémentaire durant 10 ans de droite...
    Question angoissante :
    Si Hollande est élu, pourra-t-il gouverner sans augmenter la dette ?...


    • Fergus Fergus 5 mai 2012 08:05

      Bonjour, Jean-Pierre.

      Par la force des choses, Hollande va devoir batailler pour obtenir, outre des prêts directs de la BCE aux Etats et la création des eurobonds, une renégociation, au moins partielle, de la dette sans laquelle les pays européens ne pourront pas sortir la tête de l’eau.


  • lsga lsga 4 mai 2012 11:53

    perso, ce que j’ai retenu :


    2 Milliards D’Euros == 

    - Réduction de l’impôt sur la fortune pour Sarkozy
    - Création de 60.000 postes dans l’Education Nationale chez Hollande.


    Entre les gros bourges et les enfants de la République, j’ai fait mon choix. 

  • emmanuel muller emmanuel muller 4 mai 2012 14:54

    Moi je retiendrais que d’accuser systématiquement l’autre de tout ce qu’on fait, un mécanisme de perversion narcissique par définition, n’est pas perçu par la moyenne des français.

    Et peut être pire, qu’a force d’accuser le commentateur d’être partisan on arrive a les faire taire de peur de passer pour ce dont on les accuses.

    En sortir sans en faire le bilan serrait un risque mageur que ça recommence.


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